Eglises d'Asie

Bouddhisme: un réformateur a été élu comme modérateur de la secte Jokye

Publié le 18/03/2010




La secte Jokye, le plus important groupe bouddhiste de Corée, a élu son nouveau responsable, le 21 novembre 1994. Le moine Wolju, 59 ans, a obtenu 168 des 316 voix des grands électeurs. Il avait déjà été élu une fois modérateur en 1980, mais avait très vite dû quitter sa charge après être resté trois semaines entre les mains des services secrets du régime militaire. Son passé donne donc une signification particulière à cette élection.

Entré en religion en 1954, le moine Wolju a occupé divers postes importants au cours de sa carrière : membre de l’assemblée générale, supérieur de deux temples importants.

Il a aussi été président ou membre de plusieurs organisations sociales et très actif en particulier dans le domaine du respect de la vie et de la protection de l’environnement. “Je pense que les moines m’ont élu pour que je poursuive le travail de réforme et pour faire advenir un renouveau bouddhiste en Corée”, a-t-il déclaré à l’issue des résultats. Il appartient à la branche réformatrice du bouddhisme qui veut donner plus de visibilité sociale au bouddhisme du grand véhicule par un engagement au service des hommes. Il a annoncé son programme en quelques mots : “apporter de la joie aux gens, partager leurs difficultés, annoncer la vérité qui libère et prendre une part plus grande à la construction d’une société meilleure”.

Le bouddhisme jokye a connu pendant plusieurs mois une crise interne très grave qui a culminé au printemps 1994. La lutte entre adversaires et partisans de la réforme a été très chaude: une faction a même fait appel à des hommes de main et le temple central de la secte s’est transformé en champ de bataille au point qu’il a fallu faire appel à la force publique. Le parti de la réforme semble avoir maintenant les choses en main et a établi un comité qui paraît très actif. Certains indices montrent qu’une réelle réforme est en cours : la vie dans les monastères est mieux ordonnée, les vêtements des moines plus propres, leur assiduité aux offices communs et à la méditation plus grande. Les évolutions actuelles dans tous les domaines de la société et de la culture provoquent aussi des changements dans les religions. Le bouddhisme n’y échappe pas : les conservateurs avaient l’habitude de soutenir le pouvoir politique qui les appuyait en retour. L’élection d’un réformateur comme modérateur de la secte Jokye risque bien de troubler ce bel arrangement. Wolju a déjà fait connaître les grandes lignes de l’action qu’il compte mener :

1 – refaire l’union entre les moines et aussi entre les fidèles encore divisés par les troubles du printemps 1994. Certains moines sanctionnés à la suite de ces événements devront être amnistiés à certaines conditions.

2 – mettre de l’ordre dans les finances. Ce ne sera pas facile. La collusion avec le pouvoir politique avait apporté des avantages certains : tant que le pouvoir était aux mains des militaires, la reconstruction des temples allait bon train. Mais c’était aussi une servitude: il fallait inviter les fidèles à voter du bon côté et en même temps reverser une contribution importante pour les campagnes électorales… Le nouveau modérateur se donne pour tâche de rendre la secte financièrement indépendante. Les droits d’entrée dans les temples payés par les visiteurs et la charité publique ne suffisent pas. Le nouveau modérateur se propose de créer de grandes entreprises dont les bénéfices serviront à faire vivre la secte.

3 – engager la secte dans la société pour susciter une nouvelle civilisation. Les bouddhistes ont déjà créé un certain nombre d’oeuvres sociales, comme des jardins d’enfants, etc. Il s’agit d’aller plus loin et de montrer que le bouddhisme est un chemin pour l’homme et la société du vingt-et-unième siècle.