Eglises d'Asie

Lutte pour l’indépendance à l’intérieur de l’Eglise bouddhique patronnée par l’Etat

Publié le 18/03/2010




Le 25 novembre 1994, une délégation de la “Sangha (communauté) des religieux de la province du Thua Thien”, composée d’une trentaine de religieux appartenant à 28 pagodes de la région, s’est présentée à la pagode Tu Dam, siège de l’Eglise bouddhique d’Etat à Huê (13). Les religieux y ont exposé un certain nombre de leurs doléances et revendications au vénérable Thich Thiên Siêu, qui est vice-président du conseil central d’administration de cette Eglise et député à l’assemblée nationale. Ce dernier n’ayant pas donné de réponse satisfaisante, une grève de la faim a été immédiatement entamée par un des religieux de la délégation, le vénérable Thich Thiên Hanh.

Dans le vigoureux combat mené depuis près de trois ans (14) pour arracher le bouddhisme à la dépendance des pouvoirs civils, ce sont des dirigeants et des religieux de l’Eglise bouddhique unifiée qui se tiennent généralement aux premières lignes. Cependant, au sein de l’Eglise bouddhique du Vietnam, pourtant fondée en 1981 sous le patronage du Front patriotique et de l’Etat, les mêmes revendications d’indépendance sont de plus en plus fréquentes comme le montre le conflit qui oppose à leurs propres supérieurs hiérarchiques les religieux de cette “Sangha” de Huê qui viennent d’exprimer publiquement leur insatisfaction.

Voilà bientôt deux ans, depuis la fin de l’année 1992 (15), que les moines bouddhistes regroupés dans cette association incitent les instances dirigeantes de leur Eglise à prendre leurs distances à l’égard des autorités gouvernementales. Les doléances actuelles des moines, comme d’ailleurs les premières qu’ils avaient rendu publiques (16), font état des interventions extrêmement voyantes du bureau des affaires religieuses provincial dans les affaires intérieures du bouddhisme. Les religieux contestataires accusent en outre les instances supérieures de leur Eglise d’avoir ouvertement sollicité l’intervention de la force publique contre l’association où ils sont rassemblés. Les doléances font état de deux documents officiels qui témoignent de ce recours des autorités religieuses aux pouvoirs publics, alors qu’il existe au sein du bouddhisme traditionnel des instances destinées à régler ce genre de conflits.

Les instances dirigeantes du bouddhisme d’Etat à Huê sont mises en cause dans une deuxième affaire, la création d’une école d’études bouddhiques (école de formation de religieux). Celle-ci, selon un bulletin bouddhiste paru à Huê le 14 novembre 1994, présente de nombreuses anomalies. Outre qu’elle ne pourra recruter que tous les sept ans des étudiants qui auront dû produire un curriculum vitae approuvé par les autorités, l’école est dotée d’un corps enseignant sans connaissances réelles, d’où ont été éliminés les religieux les plus versés en sciences religieuses. Neuf enseignants ont été retirés de la liste proposée après intervention du bureau des affaires religieuses. Un cours de politique a, de plus, été introduit à l’intérieur du programme religieux. Selon l’AFP, des incidents auraient marqué le jour de la rentrée dans cette école, le 27 novembre 1994.

Par ailleurs, le patriarche Thich Huyen Quang dont l’état de santé ne cesse de se détériorer sans qu’il puisse se soigner convenablement est maintenu sous une surveillance policière de plus en plus stricte dans son exil du Quang Ngai. C’est la raison qui l’a conduit à confier une partie de ses attributions au vénérable Thich Quang Dô, actuellement à Saigon. La lettre de passation de pouvoir est parvenue à Paris (18). Le vénérable Thich Quang Dô était secrétaire général du Bouddhisme unifié dès avant 1975. Comme l’actuel patriarche, il avait été envoyé en exil dans le Nord Vietnam à la suite de son opposition à la nouvelle Eglise créée sous le patronage du Front patriotique. Il a quitté son exil, de son propre chef, semble-t-il, et rejoint Saigon où il exerce ses anciennes fonctions