Eglises d'Asie

Arrestation des deux plus hauts dirigeants du bouddhisme unifié

Publié le 18/03/2010




Le 29 décembre 1994, les forces de sécurité ont pénétré à l’intérieur de la pagode de Hôi Phuoc dans la province du Quang Ngai, siège provisoire de l’institut pour la propagation du Dharma, « Viên Hoa Dao », et lieu d’exil du patriarche de l’Eglise bouddhiste unifiée, le vénérable Thich Huyên Quang (16). Le religieux a été arrêté et amené à dix kilomètres de là dans la commune de Nghia Hanh. En même temps, une perquisition avait lieu dans les locaux de la pagode, à la suite de laquelle la police a confisqué le sceau officiel du « Viên Hoa Dao » ainsi qu’un certain nombre de documents. Le 4 janvier suivant, dans l’après midi, c’est à Hô Chi Minh-Ville, à l’intérieur de la pagode Thanh Minh Thiên, que les forces de police de la ville ont appréhendé le vénérable Thich Quang Dô, secrétaire général du « Viên Hoa Dao », deuxième dirigeant du bouddhisme unifié dans l’ordre hiérarchique (17).

Ainsi, en l’espace d’une semaine, les deux plus hauts dirigeants du bouddhisme unifié ont été arrêtés. Un certain nombre de signes donnaient à penser que les autorités vietnamiennes étaient résolues à étouffer la voix de ces deux religieux qui se sont exprimés à de nombreuses reprises au cours de ces derniers temps dans des lettres ouvertes dont les médias internationaux se sont fait l’écho. Des sources bouddhistes du Centre-Vietnam avaient fait savoir que, depuis le début du mois de novembre 1994, les forces de police encerclaient et isolaient la pagode du Quang Ngai où réside le patriarche en exil, empêchant ses proches de le visiter et de le ravitailler et interdisant à l’infirmier de venir lui apporter ses soins. Cet isolement auquel il était condamné avait incité le patriarche à entamer une grève de la faim à partir du 27 décembre 1994. Dans une lettre ouverte publiée à cette occasion (18) le patriarche affirmait que, par son jeûne, il protestait aussi contre l’incarcération des religieux bouddhistes arrêtés à la fin octobre 1994 pour avoir organisé une équipe de secours aux victimes des inondations du Mékong, en dehors du cadre de l’Eglise bouddhiste d’Etat et sans permission des autorités (19).

Le jour même de l’arrestation du vénérable Thich Huyên Quang, le 29 décembre 1994, la police faisait une incursion dans la pagode Thanh Minh Thiên à Hô Chi Minh Ville, lieu de résidence du secrétaire général de l’Eglise bouddhique unifiée, Thich Quang Dô (20). Les fidèles bouddhistes ne manquèrent pas de voir là le signe que les autorités avaient déjà décidé l’arrestation du religieux. Celui-ci s’était fait entendre plusieurs fois ces temps derniers. Il avait protesté lors de l’intervention des forces de l’ordre contre l’équipe de secours aux victimes des négociations. Il avait en particulier rédigé un épais mémoire de 44 pages dactylographiées, intitulé « Remarques sur les erreurs néfastes commises par le Parti communiste à l’égard du peuple et du bouddhisme vietnamiens », destiné au secrétaire général du Parti communiste vietnamien. Ce document était accompagné d’une lettre de présentation où le religieux exprimait un jugement particulièrement négatif sur le Parti communiste et sur l’oeuvre accomplie par lui au Vietnam (21).

Les deux dirigeants bouddhistes récemment arrêtés ont, dans le passé, suivi un itinéraire très parallèle. Le poste qu’ils occupaient dans l’Eglise bouddhique unifiée au mois d’avril 1975, au moment du changement de régime, était également important. Thich Huyên Quang était vice-président du Viên Hoa Dao tandis que Thich Quang Dô en était le secrétaire général, fonction qui est toujours la sienne aujourd’hui. En 1977, leurs protestations publiques contre la persécution de leur Eglise leur valut d’être arrêtés avec quatre autres dirigeants bouddhistes. Ils ne furent libérés qu’à la fin de l’année 1978. En 1981, les deux religieux s’élevèrent énergiquement contre la fondation de l’Eglise bouddhique du Vietnam, patronnée par le Front patriotique et destinée à supplanter l’Eglise bouddhique unifiée. L’un et l’autre furent, peu de temps après, le 25 février 1982, arrêtés puis bannis de Hô Chi Minh-Ville et priés de regagner leurs lieux de naissance respectifs. Depuis lors, Thich Huyên Quang n’a jamais quitté son exil dans le Quang Ngai, sauf pour assister à Huê à l’enterrement du patriarche auquel il a succédé à la tête du Bouddhisme unifié. C’est de sa pagode de Hôi Phuoc qu’il dirigeait l’Eglise bouddhique et écrivait ses nombreuses lettres ouvertes. Thich Quang Dô est resté en exil dans le nord-Vietnam jusqu’en 1992, date à laquelle il prit lui-même la décision de revenir à Saigon où il se réinstalla lui-même dans ses fonctions de secrétaire général et travailla à la restauration du bouddhisme unifié.