Eglises d'Asie

MESSAGE DE NOUVEL AN de Mgr Hisao Yasuda, archevêque d’Osaka

Publié le 18/03/2010




Cette année sera pour le Japon le 50ème anniversaire de la fin de la guerre du Pacifique qui a conduit le pays à une capitulation sans conditions. C’est donc une occasion historique de grande importance, pour nous, de procéder à un examen de conscience au sujet du sens de cette guerre, des différentes responsabilités engagées ainsi que de la façon dont nous les avons traitées durant ces 50 années; une occasion aussi pour nous décider à nous engager pour l’avenir.

Lorsque j’ai participé à cette guerre en tant que militaire, je pensais comme beacoup que c’était au service de la libération de l’Asie. Pourtant, j’ai été témoin d’opérations militaires et de la politique d’occupation de l’armée japonaise et je me suis rendu compte qu’en réalité il ne s’agissait de rien d’autre que d’invasion et d’exploitation. En particulier, les populations civiles sans défense aucune, ont dû supporter de terribles répressions et discriminations.

Dans les régions occupées, la brutalité des massacres, les travaux forcés, les réquisitions, le traitement des prostituées au service de l’armée, la construction de temples shintoïstes et tout ce qui a attenté à la vie des gens, tout cela constitue une blessure inoubliable même pour les héritiers des victimes de ces drames.

Pourtant, à cette époque, j’avais une conscience plutôt superficielle de ces réalités et je me situais du point de vue d’une personne peu concernée. Ce n’est que bien après que, finalement, je me suis rendu compte que dans tous ces pays les gens se détournaient de moi et refusaient de m’adresser la parole. Ce qui m’a amené à me rendre compte de la profondeur de la blessure qui leur avait été infligée, et ceci m’a amené, je le confesse, à me convertir.

C’est pourquoi, même si je n’ai pas participé directement à telle ou telle action, en tant que Japonais je considère que j’ai été un agresseur et qu’avec l’ensemble de la nation japonaise, moi aussi, je me dois de faire amende honorable et de m’engager à faire des réparations.

A ce sujet, je voudrais prendre exemple sur la sincérité des citoyens allemands qui ont, à travers les générations, reconnu leurs responsabilités dans la guerre et ont fait officiellement des déclarations les engageant à s’acquitter des réparations correspondant aux dommages causés.

Ce problème est également un problème qui concerne l’ensemble de l’Eglise du Japon. En 1986, lors de l’Assemblée générale de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie, qui s’est tenue à Tokyo, nous avons clairement signifié notre propre responsabilité concernant la guerre et fait amende honorable; mais, est-ce que cette déclaration est vraiment devenue pour moi ainsi que pour l’ensemble de l’Eglise du Japon une réelle et sincère prise de conscience?

En fait, peu importe que la raison invoquée ait été la sauvegarde de nos institutions ecclésiales, la réalité de la collaboration de l’Eglise à la politique de guerre ne peut être niée et il nous reste encore maintenant à prendre nos responsabilités pour invoquer le pardon de Dieu et celui de notre prochain.

C’est pourquoi, en tant qu’évêque, je me suis engagé sincérement et dans un esprit de responsabilité, au niveau de tous les problèmes qui concernent la législation sur l’enregistrement des étrangers, les réfugiés ou autres résidents étrangers, ou encore les problèmes relatifs à la justice, ceux relatifs à la paix, ainsi qu’aux questions de discrimination et des droits de l’homme, considérant ces questions comme partie intégrante de ce devoir de réparation.

De plus, je vous invite à vous engager pour que nous nous exprimions à la face du monde, sans nous lasser de défendre le serment de non-belligérance et de non-recours aux armes contenu dans la constitution du Japon; ce serment en effet peut être considéré comme le ressort qui nous permet de travailler au service de la justice et de la paix au-delà de toute dimension politique ou diplomatique. Encore une fois, rappelons-nous que toute guerre est destructrice du caractère sacré de l’homme.

Ce qui rend l’homme sacré, c’est le Christ lui-même qui, au prix de sa vie, aime tous les hommes sans distinction aucune; c’est pourquoi, comme croyant en Jésus-Christ, je me permets de considérer que le fait de m’impliquer dans tous ces problèmes est l’expression même de ma foi.

Le Christ a enseigné le vrai sens de la paix par sa vie, sa mort et sa résurrection. Fidèle au Seigneur, le fait de m’attaquer concrètement aux problèmes de la paix constitue pour moi un devoir.

Tous et toutes, joignez-vous à moi.