Eglises d'Asie

L’aide sociale extérieure accentue les déséquilibres internes de la société bhoutanaise

Publié le 18/03/2010




A côté d’organisations internationales comme l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé, le Fonds mondial de protection des espèces sauvages, etc., beaucoup d’agences étrangères venues principalement de Suisse, du Danemark, de Hollande… travaillent à d’ambitieux projets de développement, favorisés par d’immenses ressources naturelles : l’eau, le bois… et par une stabilité politique rare en Asie. Depuis vingt ans, par exemple, une organisation suisse de l’Eglise évangélique, Helvetas, établie dans la province centrale de Bumthang, a créé des centres agricoles, des stations de soins vétérinaires et des exploitations forestières. Helvetas est connu dans tout le pays pour ses produits laitiers : fromages, beurre, yaourts fabriqués dans une usine semblable à celles de Suisse. Ses vergers de pommiers et de pêchers fournissent les fruits et le cidre. Helvetas a lancé la culture de la pomme de terre, que des milliers de fermiers ont substituée au riz et vont vendre à bien meilleur prix à Puntsholing, sur la frontière indo-bhoutanaise. Le Bhoutan, dont le sous-sol recèle selon les experts d’immenses ressources naturelles, exporte des grumes et vend de l’électricité à l’Inde.

Mais avec l’introduction de la monnaie dans une vieille société habituée troc, avec l’amélioration du niveau de vie, les gens du pays voudraient aussi obtenir davantage de responsabilités. Habillé du kho traditionnel, Fritz Maurer, Suisse de l’agence Helvetas marié à une Bhoutanaise et père de quatre enfants, n’en fait pas mystère : « D’ici très peu d’années, la plupart des programmes seront passés entre les mains des BhoutanaisIl n’est pas seul à penser que l’assistance extérieure a atteint son point de saturation, les coopérants étant plus nombreux que les touristes. Le tourisme, qui rapporte à l’Etat une taxe de 330 dollars américains par jour, reste limité à trois mille touristes par an.

Le roi Jigme Singye Wangchuk mène une politique d’ouverture « en douceur », pas à pas. L’assistance étrangère n’est acceptée que sous la condition de préserver la culture et les traditions bhoutanaises. Et les aides ne vont pas aux minorités ethniques en lutte. La loi oblige ces minorités à adopter les coutumes du bouddhisme. Un fonctionnaire est puni s’il ne porte pas le kho traditionnel. Les habitants d’origine népalaise ont fui les provinces du sud. A la fin des années 80, on comptait 113 000 réfugiés du Bhoutan en Inde ou au Népal (1). En 1994, à travers la frontière étroitement contrôlée, des échos sont parvenus de heurts sanglants entre les forces bhoutanaises et des habitants d’origine étrangère, surtout népalais. En vertu de lois récentes, les immigrés venus depuis 1958 sont expulsés. En l’espace d’une année le Bhoutan aurait perdu un dizième de sa population.

Entre le gouvernement du roi Wangchuk et les forces religieuses conservatrices, les relations sont tendues. Les dirigeants bouddhistes craignent les influences du monde moderne et veulent préserver le royaume bouddhiste. Le roi Wangchuk a néanmoins encouragé les mariages mixtes et proclamé une certaine liberté religieuse. Mais sa politique d’ouverture prudente a encouragé les gens à s’opposer aux structures féodales. Un paysan de la région de Tashigang à l’est du pays prévoit des mouvements d’insurrection dans tout le pays : « Ce n’est, dit-il, qu’une question de temps. Les gens sont depuis des siècles sous ce pouvoir. Ils veulent la démocratie

L’assistance étrangère s’étant cantonnée dans les provinces de l’ouest, du centre et de l’est, la différence de statut politique qui sépare les minorités d’immigrés des Bhoutanais d’origine s’est doublée d’un écart économique. Ceux-ci ont seuls profité des investissements. Des observateurs pensent que la tâche principale du roi est de combler ces écarts et de réduire le déséquilibre entre son gouvernement tout-puissant et une population privée de tout pouvoir.