Eglises d'Asie

LES FEMMES ET LES IDENTITES RELIGIEUSES EN INDE APRES AYODHYA

Publié le 18/03/2010




Cet article essaie de faire le point sur la relation des femmes indiennes à leur identité après Ayodhya. Si Ayodhya est considéré comme une ligne de démarcation, c’est principalement parce que la destruction de Babri Masjid , le 6 décembre 1992, symbolise un bouleversement sans précédent de la société civile et des valeurs séculières. Les choses ne seront jamais plus pareilles. Cependant, le glissement des identités, la montée de la violence, la crise du nationalisme et l’accélération des politiques de développement destructeur, qui ont précipité la situation, se préparent déjà depuis plus de dix ans.

Voici les questions qui demandent une réponse: Comment se fait-il que tellement de femmes aient été récupérées par les fondamentalistes? Pourquoi le mouvement des femmes, en tant que force d’intervention dans une situation de carnage communautaire, est-il pratiquement resté absent de la scène? Pourquoi ce peu de soutien aux rares groupes et mouvements qui osèrent se montrer?

Pour chercher une réponse, nous allons reconstruire le débat historique sur la religion dans le mouvement des femmes1, en même temps que l’histoire des changements organisationnels dans les organisations communalistes et dans les autres mouvements des femmes. Sommes-nous, en fait, en face d’une sorte de fragmentation communaliste dans le mouvement lui-même? Si oui, comment la traitons-nous, et quel est le lien entre les politiques d’identité et des changements dans les politques économiques ainsi que dans le paradigme de développement? Les réponses ne sont pas toutes faites. Mais les choses ne bougeront que si nous posons les bonnes questions, tout en essayant de trouver des solutions organisationnelles en même temps que les changements dans nos styles de vie.

1.Le débat historique de la religion dans le mouvement des femmes

Très brièvement, les positions suivantes apparaissent dans le débat historique. Jusqu’au milieu des années 1980, la religion n’était pas un sujet brûlant dans le mouvement des femmes en Inde. Pour bien des gens éclairés, la foi religieuse n’était qu’une affaire privée et pleine de superstitions, à la différence de la spiritualité. En général, la religion était considérée comme un édifice patriarcal, opprimant les femmes. Au mieux il fallait l’ignorer, au pire la combattre.

Un autre courant de pensée défendait “l’usage de la religion” à des fins émancipatrices: la religion est présente de toute manière parmi le peuple comme une force culturelle, et l’autorité religieuse doit être contestée. En somme, les adeptes de cette position ne s’occupaient pas tellement de la question de la foi, puisque la religion était constamment instrumentalisée pour des contrôles conservateurs ou à des fins progressistes. Les adversaires faisaient remarquer que les forces du progrès seront toujours minoritaires, et que dès lors le crédit accordé aux sources religieuses ne fera que renforcer l’autorité religieuse.

Il est également important de comprendre que l’application d’une telle approche peut fournir des résultats différents dans différents contextes. Par exemple, alors que “l’usage progressiste de la religion” était brièvement expérimenté dans certains pays islamiques, le problème de la méthode était que le fondamentalisme ne laissait pas d’espace à l’expérimentation et que la critique historique était perçue comme blasphématoire.

De manière contrastée, les théologiennes chrétiennes féministes se sont situées dans le contexte de la théologie de la libération et de la critique historique. (Bien que certaines parlent d’un “passé utilisable”, leur approche de la religion n’est pas purement instrumentalisante). En même temps, elles ont souffert du fait que les modèles occidentaux de théologie féministe ne sont pas toujours facilement applicables. (Par exemple, tout le débat sur la religion des déesses a peu de sens dans un pays à la fois plein de déesses et aussi patriarcal que le nôtre). En général, l’interaction entre les femmes d’Eglise et le mouvement séculier des femmes a été assez réduite.

L’accent, dans cette utilisation progressiste de la religion”, était davantage sur une réinterprétation des Ecritures. Comme les religions populaires hindoues s’occupent moins des Ecritures, la situation de la majorité des femmes était différente. Ici se posait la question de savoir si les fêtes et les rituels pouvaient être réinterprétés et appropriés avec une connotation féministe.

Les différentes positions furent débattues chaudement pendant la conférence sur les mouvements autonomes des femmes à Bombay en 1985. Quelques groupes basés à Delhi, comme Saheli, adoptèrent une position nettement antireligieuse. D’autres, quotidiennement confrontés à la religiosité des femmes, comme SEWA à Ahmedabad (qui organise les femmes du secteur informel en mouvement syndical), voyaient plutôt la religion comme un espace où leurs camarades de travail trouvaient répit et soutien. Elle s’efforcèrent de distinguer les aspects oppressifs de la religion et les tentatives de la communaliser, de ses aspects positifs, et d’élaborer un concept de “véritable réforme religieuse”, afin de favoriser l’expression des femmes en termes religieux. Cette approche tenait vraiment compte de la dimension de la foi pour elle-même, à la différence de l’autre tentative, “l’usage progressiste de la religion”.

Le débat se déroulait dans un climat où la communalisation de la religion avait déjà commencé à apparaître sous une forme aiguë. Dans l’affaire Shah Bano en 1985, le jugement de la Cour suprême accordait – suivant la Section 125 du code de procédure pénale – une aide de subsistance à une musulmane d’Indore âgée de 73 ans. Ceci provoqua une crise d’identité parmi les fondamentalistes musulmans. En fait, ce ne fut pas le jugement lui-même, mais la polémique du juge Chandrachud contre la loi islamique personnelle, qui créa l’angoisse et invita la polémique antimusulmane avec des accents de communalisme majoritaire. Juste avant la conférence de Bombay, un meeting public eut lieu à propos du code civil séculier. Y prirent la parole, entre autres, Indira Jaisingh, une avocate aux lettres de créance séculières impeccables, et Shahnaz Seikh, une divorcée musulmane qui avait été au tribunal pour défier la loi islamique du Talaq . La revendication d’un code civil uniforme, proposée par Indira Jaisingh et ses larges sections du mouvement des femmes, se retrouva soudain au milieu d’une polémique de communalisme majoritaire. Et Shahnaz Sheik, qui avait défié la loi islamique, dut alors soigneusement distinguer sa position de celle des “supporters” proches du RSS . (Elle découvrit même que son avocat était membre du RSS). La conférence avait lieu à la période de Noël (23-26 décembre), ce qui limitait l’assistance des chrétiennes à celles très motivées. Pendant ces jours-là, la presse rapporta les débats au Parlement à propos d’une proposition de loi sur la protection des musulmans, une loi exemptant les musulmans de la section 125 du code de procédure pénale et laissant la question de leur subsistance aux mains du “Waqf Board”. La loi fut votée en 1982 et, comme j’en ai parlé plus abondamment autre part 2, ce processus se développait parallèlement à l’ouverture de Babri Masjid à Ayodhya en février 1986. Le décor commun à tous ces développements était: les émeutes anti-sikh à Delhi et ailleurs après l’assassinat d’Indira Gandhi en réponse à l’opération Blue Star à la fin 1984, ainsi que le rôle cynique dans ces événements du parti du Congrès, le gardien présumé du sécularisme.

Cette situation conduisit aussi à un débat sur la question de savoir si le mouvement des femmes pouvait devenir une force contre le communalisme 3. En ce temps-là, on croyait encore très largement que les femmes ne seraient pas fort enclines à s’impliquer activement dans la violence communaliste, puisqu’elles en étaient les principales victimes.

Le point important avancé dans le débat était que les organisations féminines ne pourraient intervenir contre le communalisme que si elles pouvaient s’appuyer sur une base de masse viable, surtout dans les banlieues pauvres. Ce fut une tâche extrêmement dure pour la plupart des groupes féminins. Par convention sociale, la vie des femmes est fragmentée en corvées familiales, travail salarié et activités associatives. Leur capacité à s’impliquer dans un effort organisationnel soutenu est handicapé par les contrôles sociaux et les contraintes physiques. On n’a pas non plus accordé suffisamment d’attention à leur capacité de construire une base de masse.

2.La nouvelle situation: l’émergence d’un communalisme majoritaire

Depuis les émeutes anti-sikh de la fin 1984, le spectre d’un communalisme majoritaire a hanté le mouvement des femmes. Le problème devint plus évident pendant l’agitation autour du jugement Shah Bano , qui déclencha de violentes réactions musulmanes fondamentalistes et marginalisa les forces réformatrices de la communauté musulmane. La demande d’un code civil uniforme fut court-circuitée par les forces communalistes de la majorité, et le mouvement des femmes se trouva coincé dans un dilemne: fallait-il revendiquer des réformes équitables au niveau des sexes à l’intérieur de chaque loi personnelle, ou bien coller à la demande d’un code civil uniforme en s’attirant les applaudissements du camp indésirable?

La prise de conscience de l’énorme menace du communalisme majoritaire fut exprimée pendant la conférence des mouvements de femmes autonomes à Patna, en février 1988, par une résolution qui condamnait explicitement les attaques sur des minorités4. La conférence dénonça aussi la part de l’Etat dans la promotion du communalisme et du fondamentalisme, en citant le cas Shah Bano et le Deorala Sati de Rup Kanwar comme des incidents spécifiques. Cependant, comme la conférence se centrait davantage sur la situation rurale, le communalisme et le fondamentalisme comme tels reçurent moins d’attention, pour laisser plus de temps aux problèmes de travail et aux conflits de caste.

La conférence des mouvements de femmes autonomes à Calicut en 1990 s’étendit davantage sur la religion, le fondamentalisme et le communalisme. Il devenait plus apparent qu’il existait un fossé nord-sud dans la question religieuse et culturelle. Alors que le fondamentalisme et le communalisme sont des problèmes majeurs dans l’Inde du Nord, les femmes du sud sont nettement plus affligées par les conflits de caste. Ceci fut spécialement souligné par les femmes du Tamil Nadu et par la Women’s Voice (Voix des femmes) de Bangalore. Pourtant, de nombreuses femmes du sud se sentaient frustrées du fait que leur point de vue n’avait été suffisamment compris. La conférence décida de faire du 8 mars 1991 une journée anticommunaliste et ce problème devint l’objet de leur campagne d’année. Malgré tout, le suivi de leur campagne s’avéra nul, et le rapport n’a même pas encore été publié jusqu’à ce jour (février 1994). Bien que beaucoup de groupes de femmes firent du 8 mars une journée anticommunaliste, le fait fut complètement laissé dans l’ombre par les médias, qui ont contribué à l’expansion du communalisme très activement et de manière répétée.

Un dilemme sous-jacent pour venir à bout des problèmes religieux et culturels peut être le fait que la conférence de Patna, qui essayait de renforcer la participaton des femmes aux mouvements de transformation politique et économique globale, comprenait un grand nombre de gauchistes disant ouvertement qu’ils considéraient la religion comme simplement oppressive et donc comme une force à affronter carrément. D’autre part, la conférence de Calicut fut davantage dominée par des tendances féministes autonomes, plus éloignées des mouvements de masse, et par des groupes de femmes liés à des ONG. Bien que la perception des problèmes apparaissait plus variée et différenciée, il n’y eut pas de tentative organisationnelle d’intégrer la religion et les questions culturelles à d’autres aspects de transformation, ni de poursuivre la campagne contre le communalisme. Ceci illustrait, d’une certaine manière, la perception antérieure que le mouvement des femmes ne peut être une force contre le communalisme que s’il accomplit son travail d’organisation de masse.

La profondeur réelle de l’expansion de la culture communaliste majoritaire est devenue beaucoup plus visible pendant la conférence nationale sur les études féminines à l’université de Yadavpur à Calcutta, en 1991. La conférence elle-même était consacrée au sujet général de “communalisme, fondamentalisme et culture religieuse”. L’une des contributions les plus profitables lors de la conférence fut celle de Flavia Agnes, une juriste de Bombay, qui avait déjà donné des éclairages sur les problèmes de violence et de femmes battues, avec beaucoup d’implication émotionnelle et personnelle. Flavia vient d’un milieu catholique romain, mais se déclare non croyante du point de vue religieux. Elle s’est efforcée de revaloriser certaines expressions culturelles chrétiennes (par exemple, la croix comme symbole de souffrance, ou certaines intuitions de la théologie féministe chrétienne) comme symboles de sa propre histoire de souffrance. Elle a décrit de manière très émouvante les pressions et les suspicions de ringardise religieuse subies de la part de ses amis “séculiers” hindous, et même de ses filles qui se demandaient si leur maman devenait sénile en se réfugiant dans des expressions religieuses. Elle contrasta ceci avec les assomptions tacites de ses amis “séculiers” hindous, que leur usage de statues religieuses dans leur maison était complètement culturel et sans aucune référence à la religion. Elle plaidait pour une culture vraiment pluraliste, dans laquelle les expressions tirées de toutes les religions seraient accessibles à tous, croyants et non-croyants.

Cette présentation suscita des réactions émotionnelles très denses de la part de l’audience. Beaucoup de femmes étaient confrontées, pour la première fois, à leurs présupposés inconscients, tirés du communalisme majoritaire. Une autre contribution importante fut celle de Razia Patel, une musulmane d’Ahmedabad, vivant un mariage “mixte”. La question des sorties des musulmanes au cinéma lui avait attiré une grande résistance et même des menaces de violence de la part des hommes musulmans de sa communauté, qui la considéraient comme une traîtresse. Ce sujet provoqua un long débat sur l’identité religieuse. C’était pratiquement la première fois qu’on admettait que les femmes de notre pays sont non seulement inégales devant la loi, mais doivent encore faire face à la division culturelle parmi elles. On avait déjà perçu des indications de cette réalité plus tôt, par exemple, pendant la conférence de l’IAWS à Trivandrum, dès 1983, où l’on n’était vraiment pas d’accord sur la question de savoir si le chant du Vande Mathram et le découpage des noix de coco lors de la fonction inaugurale étaient compatibles avec l’ethos séculier avoué. A Vishakpatnam, en 1989, il y eut un débat agité – aux tonalités sensiblement religieuses – à propos de l’imposition de la langue hindi. Cependant, la conférence de Calcutta fit prendre conscience du fait que la communauté religieuse est une entité sociale à part entière, à ne pas minimiser. La majorité des participants étaient d’accord pour affirmer la richesse des différentes cultures face aux tentatives de revendication d’universalité et d’uniformité par une forme d’hindouisme militariste, promu par les organisations communalistes et les médias. A la même conférence, il y eut aussi des discussions animées au sujet des castes et de la relation entre les mouvements dalit et les mouvements de femmes, bien que cet aspect fût fort sous-représenté.

Alors que la prise de conscience des divisions culturelles internes dans le mouvement des femmes était déjà bien déconcertante, une réalité plus dure encore devait être affrontée, notamment celle de la récupération d’un grand nombre de femmes par l’ethos communaliste au sein des organisations communalistes. Les féministes furent choquées d’entendre leurs slogans chantés par les femmes des brigades safran , comme par exemple: “Ham Bharat ki nari hain, phool nahin Chinari Hain” (Nous sommes les femmes de Bharat, nous ne sommes pas des fleurs mais des charbons ardents). Ceci fut quand même une surprise, car on avait cru que le caractère partiarcal et l’intervention violente des organisations communalistes marginaliseraient les femmes d’une manière ou d’une autre. Il y avait eu aussi un certain romantisme à propos de l’unité des femmes à travers les barrières religieuses. Pendant un atelier des féministes sud-asiatiques en 1989, il y eut de grandes discussions à ce sujet. Force était de constater que les identités communalistes n’étaient pas seulement imposées par l’Etat et le patriarcalisme des hommes, mais que les femmes elles-mêmes avaient fait des choix communalistes volontaires. Amrita Chhachi le formulait comme suit: “Des explorations préliminaires ont montré que les femmes dans les organisations fondamentalistes ne sont pas uniquement sous la domination de l’idéologie patriarcale. Leur engagement actif les a en fait libérées des contrôles patriarcaux traditionnels sur leur mobilité, puisqu’elles peuvent circuler pour le service de Dieu, la propagation et la défense de leur religion. Quelques femmes plus jeunes ont aussi rapporté qu’elles avaient été libérées des pressions pour se marier, puisque leurs vies étaient maintenant considérées comme valables et légitimement engagés. D’autres ont dit que leur engagement dans des groupes fondamentalistes leur avait permis de participer à la vie publique et d’avoir des discussions avec les hommes, de nouveau avec l’approbation de la religion. Ces expériences ont des implications contradictoires, puisque l’objectif de beaucoup de ces organisations est de confiner les femmes à la maison et à la famille” 5.

Ayodhya et ses conséquences nous ont obligés à constater que les femmes prennent aussi part au front des violences communalistes. Ceci ne vaut pas seulement pour le rôle actif d’Uma Bharati et de Satvi Ritambara, qui incitaient les escadrons à démolir la mosquée, mais pire, dans les émeutes après la démolition, des femmes furent activement impliquées pour déchirer les vêtements d’autres femmes et faciliter le viol.

Une partie de ce phénomène est liée à des constructions idéologiques, et une autre aux efforts concertés des organisations communalistes et fondamentalistes. Alors que des femmes des “minorités” sont mises au pas dans leurs communautés pour répondre aux attaques extérieures, la plupart des ajustements communalistes majoritaires sont d’une nature plus complexe. Pour une part, évidemment, l’idéologie de la majorité ces dernières années a “fait un Sri Lanka”, c’est-à-dire qu’elle a attisé les angoisses de l’hindouisme qui se sent menacé par les forces pan-islamiques à travers le monde, de la même manière que la majorité Sinhala a projeté la menace de millions de Tamils par dessus le détroit de Palk. Ce mécanisme est analogue à l’appel à la rescousse fait aux musulmans, parce que “l’islam est en danger” (et que donc les réformes sont hors de question!). De tels ajustements marchent assez bien, quoique le contenu patriarcal des organisations communalistes milite également contre l’engagement des femmes 6.

Pourtant, l’appel subtil est à la fois idéologique et organisationnel: ces deux aspects sont complémentaires. Tanika Sarkar, qui a fait un travail de pionnière en analysant tout le phénomène, a montré comment des organisations communalistes comme le RSS et le VHP ont fourni d’énormes efforts organisationnels pour attirer les femmes et les jeunes, et comment elles l’ont fait sans remettre en question l’idéologie familiale patriarcale 7. Au contraire, l’organisation plus large est perçue comme l’extension de la famille, et l’implication des femmes est donc acceptable. De cette manière, les femmes peuvent non seulement acquérir une image militante sans remettre en question leurs rôles traditionnels, elles peuvent aussi s’entraîner au yoga et aux arts martiaux, qui s’avèrent intéressants pour l’autodéfense dans toute situation. Ainsi, les liens familiaux, par exemple dans les sakhas de la branche féminine du RSS, sont en fait renforcés, et on encourage également des activités de soins de santé et de nourrissons, de cuisine. Les femmes engagées de cette façon ne doivent plus craindre la critique ou l’antagonisme. Personne ne leur en veut pour ces activités publiques, qui ne sont pas perçues comme subversives ou dommageables pour la famille; au contraire, elles peuvent en profiter pour gagner un statut, un pouvoir, de la compétence et du savoir-faire. Les compromis atteints de cette façon semblent pratiques et attirants. Ceci s’appuie sur des constructions idéologiques qui projettent l’égalité avec une différence – femmes et hommes sont égaux mais pas identiques – , et par des concepts de “complémentarité”. Evidemment, reste la question de savoir qui définit les qualités normatives pour les femmes et les hommes, et quels sont les choix. Par exemple dans le débat sur les Sati , Vijaya Raj Scinda est réputée avoir dit que le Sati fait partie de notre héritage culturel, et qu’il faut préserver le droit fondamental des femmes hindoues à le commettre 8. Ratna Kapur et Brenda Cossmann ont finement analysé ces constructions idéologiques et montré qu’elles ne sont pas tellement faciles à démanteler, pour la simple raison qu’une approche féministe plus consistante requiert l’organisation de systèmes de soutien, qui ne sont pas souvent faciles à obtenir dans la vie réelle.

La nouvelle situation a révélé non seulement les divisions idéologiques et les problèmes organisationnels fondamentaux des femmes, mais aussi que la question de la violence n’est plus un facteur d’union chez elles, comme on aurait pu le croire auparavant. Ceci a été exposé avec lucidité par Flavia Agnes à la conférence IAWS de Mysore, en mai 1993. Elle avait travaillé avec une organisation Majlis après les émeutes de Bombay au début de 1993, et rencontré de très grandes difficultés pour enrayer la violence. Le viol était davantage un problème communaliste qu’un problème féminin, les femmes étant devenues les remparts de l’identité communautaire. Les alliés et les adversaires changeaient selon les problèmes, et les femmes étaient profondément divisées entre elles. Nous nous en étions rendu compte déjà plus tôt quand, lors de discussions avec des femmes dalit , nous avions bien dû reconnaître que le type de violence varie suivant les castes et les classes. Les femmes de castes supérieures subissent plus de violences domestiques, mais la grande majorité des viols ruraux se font publiquement sur des femmes dalit. Il fallait maintenant comprendre que l’impact principal de la violence communaliste avait été encaissé par des femmes appartenant aux minorités (les sikhs en 1984, les musulmans après Ayodhya), et que les Hindutvatis avaient tenté d’enrôler les dalits et les Adivasis pour battre les musulmans. De telles tentatives peuvent parfois paraître attirantes, non seulement comme un raccourci pour la réhabilitation des hommes dalit et adivasi, mais même pour les femmes qui peuvent y voir un moyen de résoudre leur problème de violence sexuelle de caste. Tanika Sarkar a fait remarquer que le nouveau programme des organisations communalistes hindoues – qui se limitaient jusqu’ici aux castes supérieures et à la classe moyenne – est de cibler les femmes dalit et adivasi 9. Le fait que la principale violence physique sur les dalits ne vient pas des brahmanes, mais surtout des BC et OBS , complique le problème et fait obstacle à l’unité entre paysans et ouvriers.

Heureusement, beaucoup d’organisations dalit s’apprêtent à relever le défi communaliste, et le résultat des élections dans l’UP , fin 1993, montre que ce n’est pas en vain. Au moment où j’écris ces lignes (fév.94), l’UP est aussi secoué par des conflits de caste entre propriétaires terriens et dalits. Il faut dire que, à l’intérieur du mouvement des femmes, nous n’avons pas suffisamment abordé les problèmes des femmes dalit, et cela peut expliquer pourquoi notre résistance contre le communalisme est restée assez impuissante 10. Il sera important de faire siennes les expériences des femmes dalit dans le mouvement du Dr Ambedkar , en tant qu’histoire commune des luttes féminines.

De plus, l’émergence du communalisme majoritaire a rendu extrêmement difficile la lutte pour un code civil commun. Aujourd’hui, même les réformateurs musulmans les plus radicaux ont tendance à penser que la loi musulmane familiale ne peut pas être abolie par un trait de plume. Beaucoup croient que l’article 44 des principes directeurs de la constitution menace l’identité musulmane, et que son abolition ouvrirait la voie à des réformes de genre équitables dans la loi musulmane. D’aucunes ont fait remarquer que l’uniformité présuppose une vue monolithique de l’Etat-Nation, qui ne favorise pas nécessairement la justice sociale ou les droits des femmes11.

Les chrétiens aussi se sont démenés à propos de la réforme de la loi sur le divorce et au sujet du droit des femmes à la propriété. Après la spectaculaire victoire juridique de Marey Roy à la cour suprême, à propos de la loi de succession chrétienne de Travancore, qui accordait à une fille un quart du partage de la propriété ou 5 000 roupies, “suivant ce qui est le moins”, la décision est de nouveau âprement contestée. En effet, il y a des tentatives d’invalider le jugement de la Cour suprême pour la période rétrospective de 1951 (quand Travancore est devenu partie du Kerala et donc de l’Union indienne) à 1986 (la date du jugement de la Cour suprême). La loi chrétienne sur le divorce est l’une des pires pour les femmes, et malgré des années de lutte par des organisations comme “Join Women’s Program” (rejoindre le programme des femmes), peu de progrès est en vue à cause de la résistance des autorités religieuses. Pendant ce temps, des couples éclairés peuvent tranquillement recourir à l’inscription sous la loi des mariages spéciaux), qui assure aux femmes une protection nettement meilleure, mais qui n’est pas aussi séculière qu’on aurait pu l’espérer. Comme l’a fait remarquer Tohini Hensman, la réforme des lois familiales et les tentatives de produire un code civil uniforme ne doivent pas se combattre, mais avancer ensemble 12. Entre-temps, quelques réformateurs suggèrent le recours à un formulaire standard de Nikahnama, équitable pour les sexes, qui réglerait la propriété, le mode de talaq et autres questions épineuses.

En résumé, comme le dit Flavia Agnes: “Il a été réduit en pièces une fois pour toutes, ce mythe selon lequel les femmes mènent une existence séparée de leur identité communautaire, où nous pouvons discuter des problèmes de viol, de divorce et d’entretien sur la base d’une plate-forme commune. Il est maintenant établi, non seulement que le même problème affecte différentes femmes en des temps différents (sic), mais aussi que nos alliés et nos adversaires changent selon le problème. Il n’y a pas de division permanente et éternelle”13. Flavia déplore donc les divisions à l’intérieur du mouvement des femmes, mais considère aussi que la dépendance de nombreux groupes de femmes vis-à-vis de l’Etat est l’une des raisons principales de leur incapacité à intervenir lors d’un carnage communaliste, quand l’appareil d’Etat est paralysé ou soutient activement la majorité.

3.Le lien entre les identités culturelles et la vie organique

a.Les femmes commes vestiges de la culture

Une chose s’est clarifiée ces dernières années: la caste et la communauté religieuse sont plus fortes dans la vie des femmes que le genre, au moins en situation de conflit communaliste 14. Alors que la violence patriarcale continue à paralyser et parfois à menacer la vie quotidienne, la menace “extérieure” de la violence communaliste devient écrasante en temps de conflit. Ainsi, le climat actuel de tensions communalistes accrues renforce inévitablement les contrôles patriarcaux dans la communauté. En outre, le processus des femmes devenant les vestiges de la culture – malgré l’imposition de codes vestimentaires et autres restrictions culturelles – possède son propre mécanisme générateur de pouvoir pour les femmes, avec l’approbation patriarcale. C’est, en quelque sorte, un parallèle public correspondant au pouvoir accordé à la belle-mère dans la famille. Cela nous montre encore une fois comment “donner du pouvoir” (empowerment) est en lui-même un concept hautement problématique.

De manière sous-jacente, le lien de la femme avec la caste et la communauté passe par la famille. Il est interconnecté avec tout ce qu’on pourrait appeler la “vie organique”. Un des problèmes principaux semble être le fait que la production de la vie se passe dans les institutions patriarcales. Ceci ne concerne pas uniquement la transmission de la vie, mais aussi celle de la culture. Pareille transmission n’appartient pas seulement au domaine intellectuel et doctrinal, mais se retrouve dans le substrat de l’organisation quotidienne, comme par exemple: les habitudes alimentaires, qui peut entrer dans la cuisine, avec qui on mange et on dort, les habitudes vestimentaires et les ablutions, le langage corporel, nos modèles de comportement avec les différentes générations et les degrés divers de parenté dans la famille étendue et en dehors, l’interaction avec les autres castes et communautés. Du fait que les femmes sont considérées comme cruciales dans l’organisation de la maison et la socialisation des enfants, le contrôle culturel sur les femmes joue un rôle essentiel dans la continuité non seulement de la race, mais aussi de la tradition et de l’identité communautaire elle-même. Ainsi, la production de la vie et les contrôles culturels sont intimement liés. L’idée d’Engels que l’héritage est un problème-clé ne constitue qu’un aspect particulier de la question. Entre-temps, les féministes ont découvert le rôle constitutif de la violence pour établir le contrôle.

Cependant, outre la maîtrise de la sexualité, de la fertilité et du travail, il faut aussi vraiment faire attention à toute l’emprise des hommes sur la culture, quand ils érigent les femmes en vestiges de la culture et codifient le pouvoir des femmes de produire la vie en mythologies qui perpétuent ce contrôle et conservent la tradition. Ajoutons encore que si les hommes ne contrôlent plus les femmes, ils perdent leur emprise sur les enfants et sur la continuité de la vie. En effet, les femmes possèdent, de manière très concrète, les clés du royaume. Nous sommes loin des déformations de la vie réelle – surtout dans la société technocratique occidentale – que nous ont présentées des féministes existentialistes de la première heure comme Simone de Beauvoir, quand elles ne voyaient que des inconvénients dans la condition physique féminine (menstruation et grossesses). Dans la suite, ceci fut développé plus largement par des soi-disant féministes radicales comme Shulamist Firestone, qui attendaient la libération des femmes, de techniciens de laboratoire qui pourraient s’occuper des bébés-éprouvettes. Le soin des enfants comme apport social – qu’il soit effectué par les mères physiques, d’autres femmes ou même par des hommes – est un facteur crucial pour humaniser la société et créer le terrain pour la production de la vie et pour tous les réseaux plus larges de société et de culture. Le patriarcat a essayé de militer et de s’approprier ce pouvoir, en élaborant toute la mascarade des menaces de viol et le besoin de “protection” des femmes.

Malgré tout cela, la famille a, en quelque sorte, protégé la capacité des femmes à donner la vie. On s’en est souvent servi pour les écarter d’autres recherches importantes. La volonté de conquérir la vie publique a souvent occulté le pouvoir caché et la sécurité que nous abandonnions, et qu’il nous fallait plus d’une fois laisser afin d’aller de l’avant et devenir un tout. Le phénomène de la récupération des femmes par des organisations communalistes est finalement une tentative des femmes de conquérir la vie publique, sans délaisser les sécurités que leur offre la famille patriarcale. Le prix à payer est bien sûr l’extériorisation de la violence comme moyen nécessaire pour conquérir le pouvoir et être prêt à en faire usage actif contre “l’autre”.

Si nous, dans le mouvement des femmes, avons éprouvé des difficultés à bien percevoir ces liens, c’est probablement et principalement dû a deux raisons. D’une part, nous n’avons pas maîtrisé le concept de famille que nous avons attaqué comme la source de tout pouvoir patriarcal, et d’autre part, nous n’avons pas bien compris que les femmes – précisément dans leur pouvoir de maternité et d’éducation – ne sont pas les victimes passives de la violence, mais une ligne de transmission vitale pour la continuité de la vie et, tout autant, une clé d’accès à la tradition et à l’identité culturelle. En Inde méridionale, le concept de karpu (chasteté), qui signifie la fidélité de la femme à un seul homme, se fonde sur l’angoisse bien réelle des hommes de voir les identités culturelles changer de manière tout à fait imprévisible si les femmes échappent à leur contrôle.

Evidemment, cette crainte de l’individualisme, de l’atomisation ou du chaos est tout à fait injustifiée, puisque les femmes ont toujours été notoirement les gardiennes des relations sociales à travers toutes les cultures. Il ne faut pas sous-estimer pour autant la peur des hommes de perdre le contrôle et l’accès à la progéniture et à la tradition. Ainsi, la montée actuelle des conflits communalistes et de caste, en même temps que le problème de la compétition économique dans une société pauvre, se nourrit d’angoisses psychologiques plus profondes que celles visibles en surface. Le communalisme et les divisions de caste sont des moyens idéaux pour récupérer les femmes dans le patriarcat. Cette récupération se passe à différents niveaux, et les identités de caste sont aussi une menace pour les identités communautaires, comme l’a montré très clairement la controverse Mandal-Mandir. Ce faisant, les femmes prennent des initiatives, gagnent du pouvoir et du contrôle sans perdre la protection et le statut que leur procure en quelque sorte la famille. Le prix à payer est la violence contre leurs semblables.

b.L’idéologie de la maternité

L’un des facteurs unificateurs pour codifier l’ambiguïté de la perception des femmes est le symbole de la maternité, qui, de multiples manières, traverse toutes les cultures du sous-continent. Evidemment, le contrôle patriarcal de ce symbole connaît de nombreuses variantes. La maternité n’est pas à proprement parler une idéologie religieuse, elle appartient aussi au domaine séculier 15. En Tamil, le proverbe dit que les vertus essentielles de la femme sont acham (crainte), madamai (folie, stupidité), vetkam (timidité) et payiupu (fertilité).

Ce proverbe est très répandu et bien connu de tous. Il appartient au folklore séculier dont tous les enfants ont entendu parler. Il est frappant de voir comment certains stéréotypes réapparaissent au cours de l’histoire avec des variantes. Danst l’ethos védique, la glorification de la maternité est liée à la fertilité du pays et à la procréation de la descendance mâle 16.

D’autre part, la déesse indépendante, avec son pouvoir sur la vie et la mort, fournit une autre image de la maternité, qui n’est pas liée à la fertilité individuelle mais au pouvoir et à l’autonomie 17. Elle n’est pas représentée comme une épouse, mais comme la protectrice, la mère des dieux, des rois et du monde; elle est père, mère, enfant et reproductrice 18. On a fait remarquer que la déesse indépendante a été constamment menacée de se faire “épouser et domestiquer” 19. Elle est à la fois bienveillante et destructrice, mais on tend à attribuer sa bienveillance à sa qualité d’épouse, et sa malveillance à son autonomie. Cela n’a toutefois pas réussi, car, surtout au niveau villageois, la déesse indépendante est la protectrice générale de la santé, des champs, du sol, des récoltes, des frontières et des foetus. Comme le dit Kamala Ganesh: “La déesse ets un symbole puissant de tous les liens. Elle fait le pont entre royaumes et niveaux, hiérarchies et schismes, entre autonomie et aliénation, conquérants et conquis, entre castes brahmanisées et castes inférieures, entre caste et tribu, entre philosophie contestataire et philosophie dominante, entre théologie sophistiquée et cultes vivants, entre rituel réifié et pratique locale concrète. Qu’elle se retrouve dans le balancement de crochets, la marche sur le feu, le sang, la viande et l’alcool, entre le texte classique sanscrit et la tradition orale, entre des matériaux comme le métal, la pierre et l’argile, qu’elle soit inversée, neutralisée, absorbée ou dans le courant principal, la déesse est toujours là par sa présence dérangeante, en osant exister elle revendique le droit à la différence”.20

Evidemment, le problème est que cette perception reste dans le domaine des structures culturelles du communalisme majoritaire. Alors que les chrétiens, sous l’influence de la théologie féministe occidentale, peuvent éprouver une affinité avec ce genre de symbolisme, cela reste nécessairement inaccessible aux musulmans. Cependant, pour ces derniers, ce ne sera pas la déesse mais la femme elle-même qui sera considérée comme source de force, comme sexuellement active et capable de subvertir l’ordre patriarcal. C’est grâce à quelques auteurs féministes audacieuses, comme Fatima Menissi, que de tels aspects on été mis à jour, mais ils n’ont pas encore eu beaucoup d’impact sur l’autocompréhension des musulmanes indiennes 21.

c.La Mère-Inde et le nationalisme hindou

Le lien entre l’idéologie de la maternité et le nationalisme a été clairement mis en lumière dans la renaissance hindoue au Bengale. Comme le dit Jasodhara Bacchi: “Les mères bengalies étaient renommées pour leur affection indéfectible, manifestée dans un esprit infatigable d’abnégation pour la famille. Malgré des protestations violentes contre l’oppression des femmes – mariage des enfants, veuvage à vie pour les hindous de caste, l’auto-immolation de la veuve sur le bûcher funéraire de son mari -, l’ère de la réforme sociale a considéré la maternité de manière très positive… Les mères trouvaient grâce dans la grandeur de leur fils”22. Quelques nationalistes se servaient même de la maternité pour établir un contrôle idéologique sur les femmes, pour les tenir à l’écart de l’enseignement et des carrières professionnelles, et les limiter ainsi à leurs pouvoirs reproducteurs. En même temps, elles étaient glorifiées pour leur esprit de sacrifice et conceptualisées comme mères de la nation; on leur attribuait les pouvoirs bienveillants des déesses.

On peut trouver un équivalent de ce genre de philosophie dans la renaissance Tamil du 20ème siècle, où l’accent est mis sur la chasteté (karpu). Comme le dit C.S. Lakhsmi: “…Les néo-Tamils avaient besoin d’un clou pour accrocher leurs idées de pureté et de sainteté, qui valident la grandeur et la profondeur de leur identité. La figure de la mère semblait représenter tout ce qu’ils recherchaient en termes d’identité, puisque toutes les femmes étaient considérées comme mères potentielles. Les mères Tamil devinrent l’élément central de cette réinterprétation et élaboration de la culture Tamil, car elles garantissaient la pureté de la progéniture et l’authenticité de la continuité historique. Dans la mère – dans son corps – repose la totalité d’une identité. Une fois établi comme sanctuaire, le corps de la mère peut valider tous les autres éléments de l’identité, qu’il faut alors raviver et conserver. Le corps de la mère devient la métaphore de toutes les valeurs sacrées et pures comme la terre et la langue”23.

La mère chaste est constrastée avec la prostituée. Ce stéréotype vit un renouveau, à la fois dans la culture cinématographique Tamil et dans les campagnes politiques du mouvement dravidien . La particularité du Tamil Nadu est que l’idéologie de la maternité apparaît en habits séculiers, mais acquiert quand même, par son accent sur la sainteté et la pureté, le caractère d’une idéologie religieuse.

Un renouveau de l’idéologie de la maternité, en habits séculiers avec des colorations religieuses, apparaît aujourd’hui dans l’idéologie du Sang Parivar . La Mère-Inde est projetée comme en danger d’être violée ou démembrée. L’ennemi est évidemment l’islam. Le viol des femmes et le viol de la nation coïncident, sans tenir compte du fait que, lors des émeutes communalistes, ce furent les femmes musulmanes qui furent violées en grand nombre. En réponse, on mobilise un esprit militant hindou, qui, à son tour, a recours à la métaphore de la famille pour exprimer l’hégémonie: Vasudeva Kuttumkam – Le monde est une famille – 24. Il y a un refus explicite de scinder la famille en castes. L’unité est atteinte en projetant le musulman comme “l’autre”.

d.Famille, caste, communauté, nation

Faisons le point. Alors que nous avions cru que l’existence même du patriarcat, dans la famille et les autres institutions, était un facteur d’union entre les femmes, les événements nous ont forcé à admettre que cette supposition ne se vérifie qu’en temps de paix, non lors de tensions communalistes. Les organisations communalistes et de caste contribuent à donner un certain pouvoir avec le soutien de la famille patriarcale. L’idéologie de la maternité est un catalyseur important dans ce processus de récupération. Même au point de vue organisationnel, la famille apparaît comme un domaine de recrutement important pour la militance politique des femmes, tout en contraste avec l’option féministe, qui suppose une prise de distance inévitable avec la famille patriarcale. Cela signifie aussi que les femmes, aujourd’hui, contrôlent moins les symboles et le contenu de leur identité religieuse qu’auparavant. En même temps et de manière paradoxale, les femmes ont également fait des brèches dans les hiérarchies religieuses (devenir prêtre, à la fois chez les hindous et chez les chrétiens), et participent activement aux organisations communalistes.

Il semble exister deux tendances différentes, qui coïncident en partie avec la division nord-sud et en partie avec les différences urbain-rural et castes supérieures-inférieures. La première est l’option communaliste, dans laquelle nous trouvons le renforcement conscient des liens familiaux patriarcaux et la subsomption des femmes sous la barrière communaliste. Ceci est davantage une option urbaine et de caste supérieure: elle relie les femmes dans la famille avec l’hindouisme étendu et projette l’option du nationalisme hindou. En théorie, cette option est anti-caste et projette l’égalité de tous les citoyens. Cependant, la caste supérieure y est hégémonique. Une solide base OBC n’existe que dans le cas spécial du Shiv Sena à Bombay.

La seconde tendance opère également sur une base familiale, mais projette l’identité de caste comme la famille étendue et, en ce qui concerne les dalits , exige aussi le démantèlement du système de caste. En fait, l’identité de caste est cruciale pour la conscience de soi à l’intérieur de cette tendance, tandis que les formes prises par le patriarcat peuvent être moins opprimantes. L’identité de caste accompagne aussi la culture religieuse spécifique locale, plus décentralisée et plus démocratique et qui est un antidote à un hindouisme militant plus pointu, dans la ligne communaliste. Les identités ainsi projetées par ces deux tendances ne se limitent pas au domaine idéologique. L’appel est vers une intégration et identification organiques dans l’identité communaliste ou de caste, en projetant la famille comme unité de base. L’octroi de pouvoir se fait aux niveaux organisationnel et idéologique, sous les auspices patriarcaux.

Tout mouvement de transformation est confronté à la question cruciale de savoir comment il se positionne face aux éléments organiques d’organisation sociale, c’est-à-dire, la famille, la caste et la communauté. Des mouvements comme le mouvement féministe ont longtemps cru que la caste, la classe et la communauté ne peuvent pas nous diviser. En même temps, les féministes n’ont pas suffisamment exploré les éléments constitutifs et les différentes options de vie dans la famille, tels que des unités de soutien qui ne sont pas en elles-mêmes patriarcales. L’individualisme et l’atomisation connus dans les pays occidentaux ne sont pas viables dans une société frappée par la misère, quand la survie économique et culturelle ne peuvent s’envisager que dans des soutiens groupés. En même temps, les dalits et les Adivasis peuvent être pleinement intégrés et appréciés dans leur identité culturelle. Parallèlement, la tâche inachevée d’une véritable réforme religieuse est plus urgente que jamais. Il n’y a pas longtemps que le débat sur le communalisme a donné plein droit de cité au problème de la foi 25. Rustom Barucha a suggéré que la foi est une source d’harmonie communaliste (Puisse Dieu entendre!). Pourtant, ce n’est pas uniquement une question de discussion théorique. Comme les mouvements des femmes ont dû passer des “problèmes spécifiquement féminins” aux questions générales de survie telles que les services publics de distribution, l’agriculture alternative et le contrôle des ressources, le logement et les commodités élémentaires, le travail dans le secteur informel, etc., le travail organisationnel doit se faire avec des groupements “mixtes”, comme les syndicats du secteur informel, les mouvements écologiques et culturels. C’est dans un cadre organisationnel de cette sorte que doivent être soulevés et résolus les problèmes d’identité, de rapport à la foi organique, de régime religieux, de contre-culture et de structures familiales alternatives. Les mouvements ne peuvent évidemment pas remplacer la famille, mais il faut voir si leur impact peut, au-delà de la résistance, aider à créer du neuf.

4.Culture, religion et développement

L’évaluation des tendances serait incomplète si on ne faisait pas le lien entre la question de l’identité, de la culture et de la religion et celle de l’impact des récentes politiques de développement. Ce n’est pas une simple coïncidence si l’échec du concept “néruvien” (Nehru) de sécularisme dans l’Inde post-indépendante accompagne le démantèlement des restes des accessoires “socialistes” dans le domaine économique. Il y a un lien étroit entre les Nouvelles mesures économiques (NEP) et la montée du communalisme. Comme ce phénomène est universel, il se détecte au premier coup d’oeil. Dans tous les anciens pays socialistes, les politiques d’identité et les tensions communalistes ont atteint des proportions démesurées et souvent dégénéré en guerres civiles. Ceci est partiellement dû à la concurrence accrue, sous les conditions de la pénétration toujours plus agressive du capitalisme mondial. C’est aussi une réaction contre l’uniformité de la culture – technocratique et individualiste – occidentale de consommation, qui balaye vigoureusement le monde sans trop se préoccuper de la crise écologique des ressources, qui prouve à l’évidence la non-viabilité du concept de développement ainsi projeté.

On a fait remarquer les rapports étroits entre les Indiens non-résidents (NRI) et le VHP . Même quand les organisations communalistes furent bannies après la démolition de Babri Masjid, les NRI n’en organisèrent pas moins leur rassemblement “Global 2000” à Washington DC 26. Cette section, qui constitue la classe profitant des NEP , compense son déracinement culturel en propageant le Hindutva aux USA et en soutenant la lutte communaliste en Inde. On peut tirer certains parallèles avec les exilés du Sri Lanka qui soutiennent la guerre ethnique dans leur pays d’origine par des dons financiers réguliers et par une propagande à l’étranger. Le BJP a décidé de soutenir le capital étranger de haute technologie, qui a déjà fait son entrée dans le capital monopoliste indien. Il peut cependant devoir affronter d’autre entités étrangères, susceptibles de déranger l’équilibre actuel.

Quoi qu’il en soit, les choses ne sont pas aussi simples. Il y a changement au sein du Sang Parivar à propos des NEP . Une partie du RSS , opposée à l’implantation des multinationales en Inde, soutient le capital indépendant contre le capital étranger. Ainsi, l’occupation du Carghill Office à Belary par le Karnataka Rajya Taitha Sangha , le 12 juillet 1993, a été revendiquée par les organisateurs sous l’étiquette “Participation des saints à Swadeshi”27. Le “Groupe patriotique de science et de technologie populaires” à Madras – qui a projeté la science et la technologie indigènes à l’encontre des versions coloniales – est en partie proche du SPI(M) (Parti communiste indien/marxiste) et en partie des Hindutvadis. Cette complexité explique comment même le juge Krishna Iyer peut se retrouver à l’occasion sur une plate-forme RSS 28.

Les mouvements paysans sont également divisés. Alors que les paysans du Karnataka se battent pour protéger les semences indigènes et s’opposer aux NEP, le Shetkari Sangathana dans le Maharashtra a accueilli les NEP, espérant ainsi obtenir des prix honnêtes pour les denrées agricoles par l’exportation, sans tenir compte de la sécurité alimentaire intérieure ni des aspects écologiques. Le Shetkari Sangathana se réfère explicitement à la position des dalits et des femmes29 et suppose que le capitalisme indigène sera dominé par les brahmanes, alors que les paysans peuvent prendre eux-mêmes l’initiative en matière de commerce extérieur. Cela revient, évidemment, en fait à chasser le démon par Béelzéboul.

Il n’existe certainement pas de solutions faciles. Les mesures néruviennes de développement n’étaient pas viables à cause de leur centralisation et de leur poids bureaucratique au sommet. Elles n’étaient pas viables non plus à cause de leur accent sur l’industrialisation de l’agriculture par la révolution verte. C’est seulement maintenant que le prix écologique de ces mesures apparaît lentement. La nouvelle insistance sur l’exportation peut aggraver le dilemme écologique. Par exemple, une source importante de devises – vitale pour le remboursement de la dette – est l’aquaculture, déjà bien implantée dans le Kérala et aujourd’hui très poussée dans le Cauvery Delta, l’ancien grenier à riz du Tamil Nadu, en train de devenir de plus en plus sec. Les terres agricoles fertiles ont été reconverties pour la culture des crevettes, qui ne peut durer que quelques années et la terre devient tellement saline qu’elle est incultivable pour des décennies. Les mouvements gandhiens, animés par des vétérans comme Jaganathan et Krishnammal luttent contre ce développement30. Les paysans du Karnataka ont déclenché une vaste campagne pour la protection des semences indigènes. Inévitablement, de telles luttes pour protéger les systèmes indigènes de connaissance puisent dans la culture religieuse du peuple où l’agriculture plongeait ses racines. Une grande partie de ce savoir, qui était initialement sous le contrôle des femmes, s’est donc plus facilement érodée sous l’intervention de l’Etat tournée vers la population masculine. Mais la résistance grandit. Des mouvements comme Narmada Bachao Andolan essaient aujourd’hui de coordonner toutes sortes de campagnes contre les projets de la Banque mondiale dans notre pays. L’Alliance nationale des mouvements populaires a organisé une contestation générale contre le Dunkel Draft le jour de la Fête nationale en 1994. Elle exhorte toutes les organisations de masse séculières et égalitaires à

contrer la politique religieuse qui divise notre peuple

contrer les NEP qui, par des mesures comme le Dunkel Draft et l’établissement de multinationales, poussent à la consommation, à la délocalisation et à la corruption sous forme de libéralisation;

maintenir les droits des gens ordinaires – minorités, agriculteurs et ouvriers – pour qu’ils aient leur mot à dire dans la consommation de ressources nationales comme l’eau, la forêt et la terre.

Il faudrait ajouter que, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est le droit des gens à la vie et aux ressources quotidiennes, mis en danger par la privatisation et la délocalisation. Le droit au travail doit être protégé également, tout comme le droit au logement et aux commodités de base près du lieu de travail. Ces types de forces étaient derrière les émeutes de Bombay en janvier 1993, quand les gens furent boutés dehors et déplacés au nom des religions, pour le plus grand profit du lobby de la construction. En fin de compte, les gens se rendront certainement compte que les problèmes de survie ne seront pas résolus par les organisations communalistes, et que la communalisation de la politique agit non seulement contre l’autre communauté mais contre le droit à la vie et aux ressources quotidiennes en général.

Que signifie tout ceci pour le développement culturel? Il est évident que le sécularisme néruvien n’a pas réussi à endiguer la marée du surgissement communaliste, même à l’intérieur du Parti du congrès lui-même. La tentative avortée d’introduire un projet de loi au parlement en 1993 contre l’usage politique de la religion, en dit long sur les raccourcis essayés pour résoudre le problème communaliste et sur le manque de crédibilité pour prendre position.

Les mouvements populaires se sont trouvés paralysés devant les événements d’Ayodhya. Mais ils témoignent maintenant d’un renouveau certain. Là où existait l’intervention d’un milieu de voisinage viable, des vies ont pu être protégées, et ce fut accompli davantage par le vrai courage des citoyens que par l’organisation politique. Aujourd’hui, l’offensive des NEP s’en prend à la cohésion de la structure sociale. La tendance est à la désintégration. La privatisation accroît la compétition et l’insécurité. Dans des cités comme, par exemple, ma ville de Madurai, les terres communes sont vendues à des acheteurs privés, au détriment des secteurs les plus fiables. Le chaos écologique a été causé en occupant les réservoirs avec des bâtiments gouvernementaux et des projets de la Société de logement, mais on blâme les gens des pauvres baraquements qui habitent sur les rives du canal. Ces derniers sont accusés d’intrusion et éjectés au nom de l’écologie, alors qu’en fait il n’y a pas d’écoulement prévu pour les eaux, même après l’éviction. Dans cette situation, la démarcation de caste et de communauté est très aiguë, et un conflit peut s’enflammer à tout moment. Quoi qu’il en soit, les gens essaient de rassembler des forces et de riposter ensemble.

Les forces dalit et anti-brahmaniques sont un facteur important dans ce contexte, mais elles n’arrivent pas à fournir des alternatives. Les alliances sont difficiles, mais d’une urgence cruciale. Les femmes des secteurs les plus faibles sont particulièrement touchées par la situation présente, à cause de la désintégration des prix des PDS , du désinvestissement dans les service sociaux et de l’encombrement du secteur non organisé suite au démantèlement du secteur organisé. J’en ai parlé ailleurs de manière plus détaillée 31. Mais les femmes sont en train de s’organiser.

Comme j’ai longtemps été en contact avec la culture des travailleurs – surtout des femmes – dans le secteur non organisé, je suis profondément convaincue que beaucoup de ces personnes, qui ne se soucient pas de religion, ont une foi religieuse accentuant leur préoccupation humanitaire et non communaliste en soi. Ici, je suis d’accord avec Rustom Barucha. Si la religion est bien un soutien dans les vicissitudes de la vie et même dans le travail organisationnel, elle n’est pas perçue comme une force politique. Elle n’est évidemment pas non plus une affaire privée ni libératrice par elle-même.

Côte à côte, les forces anti-brahmaniques grignotent aussi du terrain. Dans le Tamil Nadu, quelques-unes des protestations énergiques contre les communalisations sont venues du mouvement DK , qui mobilise une fois de plus des dizaines de milliers de personnes avec le cri de guerre: “Il n’y a pas de Dieu”. On a vu également de vives agitations, des slogans peinturlurés et une campagne culturelle avec chants et théâtre, qui sont le fruit d’une organisation ML de première ligne Maka-i-ka (Makkal Kalvi Ilakkiya Kazhagam, c’est-à- dire groupe populaire d’éducation et de littérature). Leur lutte populaire enthousiaste ridiculise les forces communalistes aux yeux du grand public. A cela s’ajoutent les pèlerinages aux sanctuaires de Murugan et d’Ayyapa ainsi qu’aux nombreux temples locaux qui constituent un monde à part des hindutvadis. Chez les musulmans, on trouve une variété de tendances. Ceux du Tamil Nadu se considèrent d’abord clairement comme Tamouls, ils défendent leurs droits comme enfants du pays et promettent fidélité à la renaissance tamoule. Malheureusement, le parti dravidien au pouvoir sous la direction d’une femme-premier ministre, a montré à maintes reprises sa disposition à s’associer avec le BJP , afin de frapper le Parti du Congrès. Mais les gens ne suivront pas si facilement cette direction.

Dans un ouvrage récent, Jeremy Seebrook a fait remarquer l’immense caractère destructif des processus de développement durant le siècle

écoulé 32. Les gens ne désirent pas cette sorte de changement. Ils ne veulent pas non plus une révolution du genre de celle conceptualisée par la gauche. Ils voudraient résister en s’aménageant des endroits de refuge, de stabilité, de tranquillité et de paix, où leur vie serait protégée dans un environnement qui sauvegarde l’autonomie et la parenté, la protection de la vie et le pain quotidien. En tant que féministes, nous avons dû nous battre contre les chaînes liées à une telle tranquillité. Nous savons aussi que la transformation requise est de fait redoutable. Les communalistes, d’autre part, piègent les gens avec un faux sens d’appartenance qui sera terriblement destructeur. La culture populaire est prête à résister à une telle destruction. Cependant, on ne voit pas encore comment nous allons puiser dans cette culture pour bâtir des unités de vie qui abriteront sans emprisonner les femmes, les dalits et autres secteurs opprimés. Il nous faut faire confiance à la créativité du peuple et à sa foi dans la vie.

Pendant les années à venir, nous devrons répondre à plusieurs questions. Tout d’abord, comment allons-nous défendre cette culture populaire et séculière contre l’offensive des médias et les forces communalistes ? Ensuite, comment pouvons-nous rendre nos différentes cultures accessibles l’une à l’autre, afin d’être soutenues dans nos luttes pour le contrôle des ressources essentielles pour la survie et pour la recherche d’une vie digne, qui sauvegarde le respect réciproque de tous les humains ?

G L O S S A I R E

AdivasisTribus aborigènes

AmbedkarVoir Dalits.

Babri MasjidUne mosquée construite par le chef musulman Babur sur le site de Ram Janma Bhumi, lieu de naissance supposé du dieu hindou Rama, et détruite le 6 décembre 1992.

BC”Backward Castes”, castes “retardées”, défavorisées.

BJPBharatiya Janata Party. Le parti politique principal des Hindutvadis, conduit par L.K. Advani.

Dalits (opprimés)Anciennement considérés comme “intouchables”. Aussi enregistrés comme “Scheduled Castes” (SC), qu’on peut traduire par “Castes répertoriées”. Leur leader était Dr Baba Sahib Ambedkar, le père de la constitution indienne.

DKDravida Kazhagam. Un parti dravidien pour la promotion de la culture et de la langue tamoules.

Dravidiennes (cultures)Culture du sud de l’Inde, basée sur les langues dravidiennes (surtout le tamoul), à la différence des cultures du nord basées sur le sanskrit.

Dunkel DraftUn projet de libéralisation économique faisant partie des NEP (voir NEP).

HindutvaUnification et montée de toutes les tendances hindoues.

HindutvadisMembres du Hindutva.

Karnataka Raya Raita Sanga

Mouvement paysan au Karnataka.

Narmada Bachao Andolan

Mouvement populaire pour sauver la rivière Narmada et les habitants de ses berges des grands projets de barrages.

NEPNew Economic Policies : les nouvelles mesures économiques.

NRINon-Resident Indian : les Indiens à l’étranger.

OBCOther Backward Castes : autres castes retardées, défavorisées.

PDSUn service de distribution publique, fournissant les biens de première nécessité aux pauvres à des prix réduits dans les magasins de rationnement.

RSSRashtriya Svayam Sevak Sangh. Une organisation communaliste populaire de militants hindous, existant depuis 1922, fondée par Dr K.B. Hedgewar.

Safran (les brigades safran)

De nombreux hindutvadis sont habillés couleur safran, traditionnellement une couleur sacrée pour les hindous. Aujourd’hui le safran a été récupéré par les organisations hindoues politiques et militantes.

Sangh ParivarLa “famille” de l’organisation communaliste hindoue.

SatiMort des veuves par le feu.

Shah BanoJugement de la cour suprême rendu en 1985, accordant un soutien financier aux femmes divorcées.

Shetkari SangatanaMouvement paysan au Maharashtra.

Shiv SenaOrganisation communaliste hindoue à Bombay, dirigée par Bal Thakkaray.

Talaq (loi du)Une loi musulmane de divorce, selon laquelle le divorce peut se faire en prononçant talaq trois fois au cours d’une séance.

UPUttar Pradesh, un Etat du nord de la république indienne.

VHPVishwa Hindu Parishad : organisation pour l’unification idéologique des différentes tendances hindoues depuis le début des années 60.