Eglises d'Asie

Après l’exécution à Singapour d’une employée de maison accusée d’un double meurtre, l’Eglise se joint aux protestations des Philippins

Publié le 18/03/2010




Le 18 juin 1995, Mgr Bacani, évêque auxiliaire de Manille, a présidé la messe de funérailles de Flor Contemplacion, employée de maison originaire de la région, exécutée la veille à Singapour pour le meurtre de l’une de ses amies et d’un jeune enfant.

Déjà, le 16 mars au soir, accompagné d’un autre évêque auxiliaire de Manille, Mgr Rolando Tirona, et d’une quinzaine de prêtres, Mgr Bacani avait célébré une messe à l’intention de la condamnée, rejoignant dans la prière les centaines d’habitants de Manille qui s’étaient rassemblés au sanctuaire dédié à Notre Dame sur l’avenue EDSA. Dans son homélie, le prélat avait dit: “La raison pour laquelle nous sommes rassemblés ce soir, c’est que Flor fait partie des humbles de Dieu. Elle représente tant d’autres Philippins, qui, partis à l’aventure vers des pays étrangers afin d’y chercher une vie meilleure, non seulement n’y trouvent pas une meilleure vie, mais n’y trouvent pas la vie”. Au cours de la cérémonie des funérailles, le lendemain de l’exécution, Mgr Bacani devait dire encore: “Il est très rare que les Philippins se retrouvent ensemble, unis”. Et rappelant qu’ils étaient réunis autour de Flor Contemplacion, il ajouta : “Beaucoup se reconnaissent dans son histoire tellement tristeparce qu’elle était tout ordinaire, toute “petite”.

Un peu partout dans Manille, avant l’exécution, avaient eu lieu des manifestations de soutien et des veillées de prière en faveur de la condamnée.

Les faits remontent à 1991. Une employée de maison philippine, Delia Maga, avait été trouvée assassinée, et l’enfant dont elle avait la charge, noyé dans sa baignoire. Accusée, Mme Contemplacion avait plaidé coupable. Condamnée à mort, elle s’est vu refuser toute forme de pardon, même lorsque des témoins se sont présentés, prétendant apporter des éléments nouveaux à l’affaire et affirmant en particulier que les aveux de Flor Contemplacion lui avaient été extorqués sous la torture. Mais les autorités singapouriennes ont refusé de retarder l’exécution, même pour examiner ces faits nouveaux.

Le président philippin, M. Fidel Ramos, avait plaidé en faveur de la condamnée, mais sans résultat. En colère, il a rappelé son ambassadeur de Singapour qui a, lui-même, rappelé le sien de Manille.

Au-delà du drame des personnes en cause, l’affaire prend une importance particulière en raison de la campagne électorale qui se déroule aux Philipines. De nombreux Philippins, dans leur pays comme à l’extérieur, par exemple à Hongkong, reprochent au président de n’avoir pas su réagir avec toute l’énergie nécessaire. Les partis de l’opposition ne manquent pas de profiter de l’occasion. On accuse le gouvernement de ne pas se soucier des millions de ses ressortissants employés au Moyen-Orient et en de nombreux pays d’Asie, ainsi qu’en Europe.

Une commission a été formée à Manille pour étudier les faits nouveaux qui auraient dû, selon beaucoup, être examinés par le tribunal de Singapour. M. Ramos menace de rompre les relations diplomatiques s’il s’avère que ces faits sont exacts et que la suppliciée a été exécutée injustement. Des avocats philippins ont déjà établi une liste de ce qu’ils considèrent comme des irrégularités au cours du jugement.

Quoi qu’il en soit de la culpabilité de Flor Contemplacion, il n’en reste pas moins que, selon le commentaire de Mme Mary-Ann Benitez dans le quotidien de Hongkong Eastern Express du 23 mars 1995, “cette affaire pourrait marquer le commencement d’un examen de conscience aux Philippines : jusqu’à quel point ce pays a-t-il le droit d’envoyer au loin ses travailleurs, simplement pour gagner quelques dollars de plus?”

La conférence épiscopale des Philippines a, quant à elle, dans une déclaration du 17 mars 1995, demandé au gouvernement de “faire davantage pour protéger les travailleurs philippins employés à l’étranger