Eglises d'Asie

Au nom du gouvernement le président fait amende honorable auprès des familles des nationalistes taiwanais massacrés par le Kuomintang le 28 février 1947

Publié le 18/03/2010




Le 28 février 1995, en présence de membres du gouvernement, de parlementaires et de parents des victimes, un mémorial a été inauguré par le président de Taiwan, Lee Teng-hui, au Nouveau Parc de Taipei, en souvenir des victimes du massacre de 1947 (16).

Cette année-là, lorsque l’armée communiste l’emporta sur le continent dans la guerre civile de Chine, les forces du Kuomintang de Chang Kai-shek se consolidèrent dans l’île de Taiwan en balayant la résistance locale. A partir du 28 février, elles tuèrent par milliers les militants du parti nationaliste anti-Kuomintang. Selon un chercheur de l’Academia sinica rattachée aujourd’hui au bureau du président, le nombre des victimes se situerait entre dix-huit mille et vingt-huit mille. Le massacre fit disparaître toute l’intelligentzia de Taiwan. Depuis 1992, les services du ministère de l’intérieur ont identifié, par l’intermédiaire des familles, 1 382 victimes.

Le président Lee a déclaré au cours de la cérémonie commémorative : « Après toutes ces années, je reste profondément blessé par cette tragédie historique, qui aurait pu être empêchée et en tant que chef de l’Etat, prenant la responsabilité des erreurs du gouvernement de l’époque, je présente de sincères et profondes excuses aux familles des victimesLe président leur a annoncé l’octroi d’une indemnité, dont le montant, voté le lendemain 1er mars par le Kuomintang qui est toujours au pouvoir, équivaut à trois cent vingt mille dollars américains par famille. Le maire de Taipei, Chen Shui-bian, a choisi le 28 février comme Journée annuelle de la paix.

Les Eglises chrétiennes ont accueilli la déclaration du président à l’adresse des victimes et de leurs familles comme un signe de réconciliation, mais elles ont souhaité qu’il fût fait davantage. Selon Marie Chao Jung-chu, directrice du centre pastoral de l’archidiocèse de Taipei, « mieux vaut tard que jamais pour une réconciliation, mais la plupart des personnes concernées ont disparu, quelle compensation parviendra aux victimes ? » Pour le père jésuite Richard Wang Ching-hung, le président a fait un premier pas, ses excuses représentent une percée, mais les familles vont continuer de se demander pourquoi il a fallu faire mourir leurs êtres chers et exigent la recherche des responsables. Le père Wang, secrétaire de la commission Justice et Paix des supérieurs majeurs de Taiwan, est d’avis que l’amende honorable faite par le chef de l’Etat implique la réouverture et l’étude approfondie des rapports officiels sur le massacre qui ont depuis longtemps été enterrés.

Les excuses tardives du président paraissent également insuffisantes au Révérend presbytérien Jean Tin, Taiwanais, survivant de l’événement du 28 février. « Il manque sur le mémorial national qui vient d’être inauguré l’injonction faite à tous ceux qui ont trempé dans le massacre à venir en demander pardonLe Révérend Tin, de l’institut des transformations sociales à la faculté théologique de Tainan, à Taipei, dit que la famille de Chiang Kai-shek devrait parrainer un musée où seraient conservés tous les documents relatifs au massacre de 1947, semblable au musée de Hiroshima au Japon sur les victimes de la bombe atomique.