Eglises d'Asie

“L’EGLISE DOIT RECONNAITRE LES DROITS DES FEMMES” Un entretien avec la soeur Cléopâtre, responsable du bureau “femmes” au sein de la Conférence épiscopale indienne

Publié le 18/03/2010




Dans votre travail de secrétaire du bureau “femmes”, qu’est-ce qui vous prend le plus de temps?

Les femmes catholiques, parce que notre bureau fait partie de la conférence épiscopale. Mais je fais aussi un travail d’animation en collaboration avec les dirigeantes féminines des autres Eglises. Nous servons les femmes, en général. Sur le plan de l’organisation, j’encourage chaque diocèse à établir des bureaux “femmes” parallèles. Je m’efforce encore de collaborer avec les organisations de femmes et leurs militantes sur des projets précis. J’essaie de faire un travail de coordination.

Beaucoup avaient envie de faire quelque chose, de s’organiser, pour changer la situation pathétique des femmes. Le bureau a été créé en juin 1992, à l’intérieur de la commission pour les laïcs; mais il a droit à la même aide financière qu’une commission.

Je suis libre de faire tout ce que je peux pour les femmes. Cependant, les femmes elles-mêmes, cette moitié soumise de la population catholique, devraient avoir une commission séparée. Les leaders laïcs et religieux le recommandent très fortement, comme je le fais moi-même. Le plus tôt sera le mieux.

Que pensez-vous des compensations financières ordonnées par les tribunaux pour les deux religieuses qui ont été violées à Gajraula en 1990, ainsi que pour les meurtres en rapport avec la dot et d’autres abus contre les femmes en Inde?

La dignité des femmes est la chose la plus précieuse. Donner une compensation sans arrêter les coupables, c’est commettre une injustice à l’égard des victimes. Tant que les coupables eux-mêmes et la société ne comprendront pas que les auteurs de tels crimes ne peuvent simplement s’en aller les mains dans les poches, il sera impossible de supprimer ce mal.

Nous entendons continuellement parler de persécutions ou de morts en raison de paiements insuffisants de dots (du moins au jugement de la famille du mari). Cela arrive aussi parmi les catholiques, qui sont une communauté relativement évoluée. Je demande aux bureaux locaux de parler de cela avec les organisations qui s’occupent des droits de la femme. Les problèmes locaux ne sont pas ma responsabilité: je ne puis que faire des recommandations et jouer un rôle d’animation. Ce que nous recherchons, ce sont des solutions orientées sur la personne, afin de donner aux femmes égalité et dignité.

Nous sommes contre le système de la dot. Nous ne sommes pas des objets que l’on vend sur le marché, ni des produits que l’on marchande. Cela va contre la dignité humaine. Nous voulons la dignité et l’égalité.

Que suggérez-vous pour que les femmes obtiennent l’égalité à l’intérieur de l’Eglise?

Les femmes devraient participer à l’administration temporelle et spirituelle de l’Eglise. Leur représentation dans les affaires de l’Eglise devrait atteindre les 50%. La conférence épiscopale des évêques catholiques de l’Inde a recommandé 30%.

En ce qui concerne les affaires spirituelles, les femmes dépendent des hommes même pour leurs besoins les plus simples. Dans certains diocèses, en particulier dans le sud de l’Inde, même les religieuses ne sont pas autorisées à porter la communion aux malades. Ce n’est pas normal. On devrait conférer les ordres mineurs aux femmes. Pour cela, elles devraient recevoir une formation théologique appropriée. Autrefois, même les religieuses n’étaient pas admises à faire des études de théologie. En tant que secrétaire, je veux faire quelque chose pour la formation théologique des femmes. Mais comme mon rôle se limite à conseiller, je ne puis qu’inviter les femmes à entreprendre des études de théologie.

Que pensez-vous des femmes prêtres?

Le sacerdoce aussi est lié au pouvoir et à la domination. Lorsque les femmes demandent à être ordonnées, elles ne font que réclamer l’égalité de leurs droits et leur part dans l’exercice de l’autorité.

Quant à moi, peut-être parce que je suis membre de l’Eglise, je pense que c’est encore trop tôt. Ce que je demanderais, c’est que l’on commence par conférer les ordres mineurs aux femmes. Les Ecritures et la Tradition de l’Eglise primitive le permettent. Saint Paul lui-même avait une diaconesse.

Il existe des cas où les religieuses sont mal traitées par des prêtres autoritaires. C’est mauvais et il n’y a aucune justification à cela. Au cours de leur formation théologique, les prêtres devraient apprendre à collaborer avec les hommes et les femmes dans leur ministère pastoral. Davantage de femmes devraient être admises dans les séminaires comme animatrices afin d’apporter un contrepoids à une certaine attitude patriarcale.

Heureusement, il existe des prêtres qui placent les choses dans une bonne perspective: hommes et femmes doivent être des partenaires dans les divers ministères et se respecter mutuellement.

Les Eglises protestantes ont des femmes prêtres, responsables de paroisses ou membres des conseils; mais l’Eglise catholique n’a pas encore mis ce processus en route. Une raison pour laquelle le dialogue oecuménique entre les Eglises est au point mort, c’est la question des droits de la femme, en particulier son droit à l’ordination.

Quels sont les résultats les plus importants et la plus grave déception enregistrée par le bureau pour les femmes depuis qu’il existe?

Ce que nous avons fait de mieux, je crois, c’est l’éveil que nous avons provoqué dans les diocèses, l’éveil à la souffrance des femmes et à leur sous-développement. L’aspect positif, c’est le sentiment, vivant dans tous les diocèses, qu’il faut faire quelque chose pour remettre les choses en place.

Les femmes qui sont dans le monde expriment ce sentiment en parlant de leurs problèmes. Grâce au bureau, j’ai pu faire croître la confiance en certaines femmes. Sur le plan de l’organisation, 108 des 126 diocèses de l’Inde ont établi leur propre bureau diocésain pour les femmes. Et cela en tout juste deux ans et demi.

Cependant, quelques évêques n’ont pas encore établi leur bureau “femmes”. Peut-être ont-ils été déçus par la consultation nationale des leaders parmi les femmes chrétiennes, à Bangalore en 1993, une consultation parrainée par le bureau “femmes”. Ou peut-être cela leur a-t-il fait peur?

Pour la première fois, 49 femmes, responsables, militantes ou prêtres de différentes Eglises ont participé à la consultation: cela est peut-être trop progressiste.

Quelle est la meilleure contribution des femmes chrétiennes de l’Inde à l’Asie?

Les femmes chrétiennes ont apporté une contribution dans le domaine de l’éducation et dans les problèmes de la famille. Les femmes chrétiennes de l’Inde font preuve de fidélité aux traditions familiales saines, en particulier à ces vertus familiales que sont l’amour, la solidarité et en inculquant les valeurs religieuses à leurs enfants, à la maison.

Elles jouissent d’un certain degré de liberté lorsqu’il s’agit de choisir leur état de vie, ainsi que dans le veuvage. Elles maintiennent aussi la dignité du service des malades, en particulier, lorsqu’elles travaillent comme infirmières ou dans d’autres professions de santé.