Eglises d'Asie

Grave échec des négociations entre le Saint-Siège et le Vietnam

Publié le 18/03/2010




De source autorisée, on apprend que seule l’impossibilité de se procurer des billets d’avion pour leur retour à Rome a empêché les deux membres de la délégation du Saint-Siège d’écourter leur visite au Vietnam où ils étaient arrivés le lundi 27 mars 1995 (14). Les entretiens avec les autorités du pays se sont déroulés dans un climat de très grande tension. Selon les déclarations de Mgr Claudio Celli, chef de la délégation, l’échec de cette dernière série de négociations constitue un grave contretemps pour le processus de normalisation des relations entre le Vietnam et le Saint-Siège, entamé depuis 1989.

La veille de sa rencontre avec la partie vietnamienne, la délégation avait consacré toute une journée à des conversations informelles avec un grand nombre d’évêques venus à Hanoi pour la circonstance. Ces derniers ont informé les représentants du Saint-Siège de la vie de leur diocèse et leur ont suggéré un certain nombre de propositions à présenter aux autorités gouvernementales lors des négociations. Celles-ci ont eu lieu le lendemain mercredi. Les deux membres de la délégation se sont entretenus avec les responsables du Bureau des affaires religieuses, M. Vu Quang, président en fin de mandat, et son adjoint, M. Ngoc, ancien directeur du bureau de Hô Chi Minh-Ville.

Le ton adopté dès l’abord par la partie vietnamienne a surpris les prélats romains qui s’attendaient à plus de sérénité après les difficiles négociations de l’année précédente (15) et certaines déclarations récentes laissant entendre que le climat avait changé. D’emblée, un refus catégorique fut opposé aux propositions du Saint-Siège de nommer trois évêques pour les trois sièges vacants de Hô Chi Minh-Ville, de Phu Cuong et de Hung Hoa, ainsi qu’un coadjuteur pour le diocèse de Bui Chu, diocèse de 300 000 fidèles où l’évêque Mgr Joseph Vu Duy Nhât est très âgé et de santé chancelante. Selon Mgr Celli, les raisons alléguées pour ce refus sont « inacceptables » (16). Après que la délégation romaine eut exposé son point de vue sur le diocèse de Hô Chi Minh-Ville et déclaré que Mgr Huynh Van Nghi en restait toujours l’administrateur apostolique légitime, les représentants vietnamiens exprimèrent leur total désaccord et reprochèrent au Saint-Siège de ne tenir aucun compte de l’opinion de leur gouvernement.

Le jour même les prélats furent informés que leur voyage au Sud était annulé et avec lui, la visite qu’ils comptaient rendre à l’archevêque, Mgr Paul Nguyên Van Binh. Une tournée dans les deux diocèses de Hô Chi Minh-Ville et Xuân Lôc faisait partie du programme du voyage qui avait été préalablement accepté par les autorités vietnamien-nes. Celles-ci ont fait valoir aux membres de la délégation romaine que la position romaine sur les affaires du diocèse de Saigon étant diamétralement opposée à celle du gouvernement, une visite dans l’ancienne capitale du Sud-Vietnam, en train de préparer la célébration du vingtième anniversaire de sa « libération », risquait de créer des tensions inutiles.

Son séjour au Vietnam étant devenu sans objet, la délégation a cherché en vain à quitter le pays. Un programme de remplacement lui fut alors proposé. Les deux délégués du Saint-Siège se sont rendus à Dalat où ils ont été reçus avec beaucoup de chaleur par l’évêque, les prêtres et le fidèles réunis pour une grand messe concélébrée dans la cathédrale. C’est aussi par une messe concélébrée le dimanche, 2 avril, dans la cathédrale de Hanoi avec la participation du cardinal, du président et du secrétaire de la conférence épiscopale que s’est achevée la partie religieuse du séjour au Vietnam de la délégation romaine.

Sans nul doute, le diocèse de Hô Chi Minh-Ville avec l’affaire de la succession de Mgr Nguyên Van Binh reste au centre du contentieux qui oppose l’Eglise catholique à l’Etat vietnamien. Un administrateur apostolique, Mgr Huynh Van Nghi y a été nommé le 11 août 1993 et le Saint-Siège voudrait le transformer en coadjuteur. Le gouvernement s’est opposé à cette nomination et a renvoyé l’administrateur dans son diocèse de Phan Thiêt, exigeant la nomination d’un archevêque dont la ligne politique lui convienne mieux. Jusqu’à présent, les évêques du pays étaient restés discrets, laissant au Saint-Siège le soin de négocier. Cependant une initiative prise à l’occasion de la visite de la délégation risque de changer la donne. Une lettre réclamant la venue de Mgr Huynh Van Nghi à Saigon comme archevêque du diocèse a été adressée par les évêques à M. Vu Quang du bureau des Affaires religieuses. Celui-ci leur a renvoyé la lettre après avoir refusé de la transmettre au premier ministre à qui elle était aussi destinée. Du coup, les évêques sont allés la porter eux-mêmes au bureau de M. Vo Van Kiêt qui l’a acceptée. L’affaire en est là.