Eglises d'Asie

L’attaque d’Ipil compromet les efforts de paix

Publié le 18/03/2010




La violence déclenchée par un groupe extrémiste musulman le 4 avril 1995 dans la ville d’Ipil risque de réduire à néant les progrès des pourparlers de paix menés depuis vingt ans entre le gouvernement de Manille et les rebelles musulmans. Elle risque aussi de raviver dans la région des querelles sanglantes vieilles de plusieurs siècles.

Le groupe “Abu Sayyaf”, dissident du Front Moro de libération nationale et coupable de nombreux enlèvements et assassinats dans la région depuis plusieurs années (11), est soupçonné d’être l’organisateur de l’attentat. Ce groupe comprendrait un noyau dur d’anciens combattants de la guerre contre les Russes en Afghanistan dans les années 80, dans les rangs de la “Brigade Islamique internationale” appuyée par la CIA.

Selon le correspondant à Manille du quotidien de Hongkong, South China Morning Post, cet attentat risque de réveiller des haines séculaires. Il cite un militant chrétien, M. Raul Armenista: “Le conflit entre chrétiens et musulmans remonte au 16e siècle, au temps de la colonisation espagnole et à l’introduction de lois grâce auxquelles les nouveaux convertis chrétiens se sont emparé de terres appartenant aux musulmans depuis des générations. Les descendants de ces chrétiens, dont beaucoup vivent maintenant à Manille, à mille kilomètres de là, tiennnent encore fermement les terres du sud de Mindanao et la dispute continue, souvent amère”. Il s’ensuit que cette région de Mindanao est l’une des plus pauvres des Philippines. C’est le cas, par exemple, de l’île de Basilan, qui sert de forteresse au groupe terroriste Abu Sayyaf.

En 1972, le Front Moro de libération nationale a été formé avec l’aide de plusieurs pays arabes. Mais en 1976, la Libye s’est entremise pour des pourparlers entre le Front Moro et le gouvernement des Philippines et un accord fut signé à Tripoli. Le rôle de la Libye ne paraît d’ailleurs pas très clair. Le leader du groupe Abu Sayyaf a fait son entraînement là-bas au début des années 90 et, en 1994, après l’enlèvement de deux religieuses catholiques près de Basilan, c’est l’ambassadeur libyen qui, avec le représentant du Front de libération palestinienne, a servi d’intermédiaire pour leur remise en liberté.

Au cours des dernières années, le Front Moro, devenu plus laïc au grand regret d un certain nombre de jeunes, partisans de la guerre sainte, s’est engagé dans des pourparlers de paix avec le gouvernement, grâce aux bons offices du gouvernement indonésien et de l’Organisation des pays islamiques.

Mais une autre organisation musulmane appelée Jamia-atul Al Islami Tabligh, fondée au cours des années 30 dans l’Inde britannique et qui a envoyé des missionnaires dans plus de cent pays, a été introduite aux Philippines, à Mindanao, par deux intellectuels en 1984. Ils ont regroupé plus de 100 000 membres. Selon un observateur, “le Tabligh veut établir la paix, l’unité, la solidarité parmi les musulmans; il veut les aider à approfondir leur foi dans l’islam et s’adjoindre de nouveaux adeptes. Ce groupe est comme un grand frère pour d’autres plus récents comme Abu Sayyaf ou Hidayat et la compagnie Batik de Zamboanga. Ces derniers croient que tous les chrétiens, et aussi les musulmans qui ne pratiquent pas leur islam extrême, sont des incroyants et qu’on honore Allah en les éliminant. Leurs membres sont prêts au sacrifice de leur vie. Ce qui n’est pas le cas des soldats qui les pourchassent