Eglises d'Asie

LE LAICAT MISSIONNAIRE AU JAPON

Publié le 18/03/2010




L’Eglise du Japon s’est toujours préoccupée de la mission “ad exteros”. Le premier prêtre japonais à partir au Brésil fut le Père Chokachi Nakamura du diocèse de Nagasaki, en 1923. En 1995, 27 prêtres ou religieux travaillaient hors du Japon. En 1978, sous l’impulsion d’infirmières de retour d’une mission au Zaïre qui suggéraient la formation d’une société de laïcs missionnaires, le Père Michael Siegel, SVD, organisa un comité pour soutenir l’activité missionnaire des laïcs, qui plus tard s’intitula “Japan Lay Missionary Movement” (Mouvement laïc missionnaire du Japon).

L’objectif assigné à ces missionnaires laïcs était le suivant : Etre non pas des bénévoles de l’action sociale, mais bien davantage des missionnaire travaillant et vivant avec et au milieu de peuples, de cultures différentes. “Nous voulons aider les autres en partageant notre foi et notre expérience pour, en retour, apprendre de ceux que nous aidonsdisaient-ils.

A l’heure actuelle, ils sont 37 laïcs missionnaires dans les pays les plus divers : Zimbabwe, Macao, Samoa, Népal, Philippines, Papouasie Nouvelle-Guinée, Cambodge, Vietnam, Zaïre, Russie et Cameroun. Il est évident qu’une petite Eglise comme celle du Japon ne peut envoyer un grand nombre de missionnaires à l’étranger, mais il lui manquerait quelque chose si elle ne prenait pas sa part dans le grand mouvement de la mission universelle.

Deux témoignages de ces jeunes laïcs missionnaires nous donnent un aperçu de ce qu’ils sont, de leurs tâtonnements et de leurs découvertes de missionnaires en pays étranger. Mais surtout, ils annoncent, pour l’Eglise du Japon, un nouveau dynamisme. D’Eglise assistée, elle devient assistante et s’ouvre au monde pour servir à son tour.

Takashi Motoyanagi, dans un premier article, nous raconte sa soif de jeune lycéen, d’être utile et d’aider les autres, sa découverte de l’Eglise catholique à travers l’aide humanitaire, son baptême et son envoi en mission comme missionnaire laïc bénévole au Kenya, pour deux ans, dans un pauvre village à 400 kilomètres à l’est de Nairobi. Très vite, il est en contact avec la tribu nomade des Oluma et se lie d’amitié avec eux. Leur pauvreté le stupéfie. Il raconte :

“C’est à partir de ce moment là, que j’ai commencé à comparer nos deux cultures, d’un côté la façon traditionnelle africaine de faire les choses, de l’autre notre société moderne. J’ai découvert un peuple pauvre et arriéré. Je pensais : s’ils étaient riches comme ceux des pays industrialisés, s’ils avaient une médecine aussi avancée que la nôtre, s’ils se débarrassaient des serpents venimeux, tout irait mieux et il y aurait moins de tragédies. Bien sûr, je ne faisais là qu’utiliser l’échelle des valeurs que j’avais apportée du Japon avec moi. Je trouvais ces gens pitoyables. Je les regardais avec tristesse. Davantage encore après la mort de ce petit garçon mordu par un serpent et qui n’avait pu être sauvé. Je n’avais qu’une idée : faire quelque chose pour ces pauvres gens.

Takashi Motoyanagi décrit ensuite sa vie chez les Oluma : Je rends visite aux uns et aux autres. Nous causons. Ils me font partager leur repas. Je découvre que leur vie n’est pas seulement remplie de tristesse mais qu’ils ont aussi des moments de bonheur et de joie. Bien sûr que si on lui applique les valeurs standard des nations modernes et surdéveloppées, ce peuple est économiquement pauvre et son hygiène déplorable. Sa vie est dure avec la mort qui rôde chaque jour. Mais au vrai sens du mot, je pense qu’ils mènent un vie beaucoup plus riche que la nôtre. C’est un peuple nomade à la recherche de pâtures pour le bétail, moutons et chèvres. Si les pluies ont été suffisantes et l’herbe grasse, les troupeaux augmentent et la tribu aura suffisamment de lait, fromage, yogourt et peut être de la viande une ou deux fois dans le mois. Ils trouvent aussi les produits sauvages : noisettes, miel, petits animaux. Ils vivent au milieu de la nature et ont conscience de sa terrible puissance, de sa bonté comme de sa grandeur. Si je ne connais pas de l’intérieur la vraie vie de ces peuples, je n’en verrai que le tragique et je m’apitoierai au risque de leur faire du mal. Car il s’agit là d’une fausse compassion, destructrice et de la nature et de la culture de ces gens. ‘Oh les pauvres ! Il faut faire quelque chose pour eux’, entend-on souvent. Ce qui conduit immanquablement à vouloir, pour les soulager de leurs peines, restructurer leur société sur le modèle occidental. Leur culture et leurs religions, très profondément liées à la nature en seront détruites. Peut-on affirmer que s’ils étaient ‘développés’ comme nous, la maladie ferait moins de ravages, leur pauvreté serait soulagée, la moralité s’améliorerait, les querelles et les combats entre tribus cesseraient ?  En voyant leurs peines et leurs douleurs ne pouvons-nous pas aussi voir la beauté de leurs religions et de leur culture ? Quelque chose comme une tragédie pleine de grandeur ? Si nous sommes là pour les aider, il nous faut être au milieu d’eux en prenant garde de ne rien abîmer de leur culture et de leur religion. C’est en partageant leur vie dans leur lutte, les catastrophes et les maladies que nous pouvons leur apporter l’aide de Dieu. Etre et vivre avec eux est extrêmement important. C’est ce que j’ai appris du peuple Omula“.

Ordonné prêtre en 1995, Takashi Motoyanagi est devenu depuis lors vicaire dans une paroisse du diocèse de Yokohama.

La démarche de Jun Masamoto est tout à fait différente. Il avoue que, jeune diplômé devenu professeur de lycée, son désir de donner quelques années de sa vie à la mission à l’extérieur n’avait qu’un but : se trouver lui-même. Envoyé en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour plusieurs années, il fait son bilan :

“Effectivement, là bas, je me suis trouvé moi-même mais surtout, j’y ai trouvé, plus que jamais, la conviction que Dieu existe. Ce que j’ai vu aussi m’a attristé. Qu’a donc apporté la civilisation moderne ? Le fossé entre les riches et les pauvres s’est élargi. Les pauvres ne sont pas ceux que nous avons l’habitude d’appeler pauvres parce qu’ils sont les moins fortunés de notre société. Les pauvres à l’heure actuelle sont des gens qui ont été contraints à la pauvreté

La gentillesse spontanée, l’esprit d’entraide l’ont aussi subjugué : “Ici, on ne se prépare pas à aider les autres. Ce n’est pas une bonne résolution qu’on prend après mûre réflexion. On aide spontanément. Si quelqu’un a besoin d’aide, tu y vas et tu l’aides. Tu ne peux pas vivre sans aider les autres. Une sorte de sagesse que j’ai apprise d’eux, une façon de vivre reçue de leurs ancêtres. C’est une échelle de valeurs que le christianisme est capable de bâtir mais que ces insulaires vivent déjà. Il n’est pas certain que les missionnaires occidentaux qui ont apporté la foi en Papouasie Nouvelle-Guinée en aient compris réellement la culture ou aient essayé de greffer les deux cultures pour n’en faire qu’une, plus riche. Toujours est-il que, pour moi, de retour au Japon, grâce à eux tous et à ce que j’y ai vu, l’enseignement du Christ et ma vie de chrétien s’en sont trouvés vivifiés”.

De retour au Japon, Jun Masamoto note qu’un missionnaire de retour dans son pays, grâce à son expérience, est certainement mieux à même de transmettre la foi à ses compatriotes au fil de ses contacts quotidiens avec eux :

“C’est là notre deuxième mission, au même titre que notre envoi à l’étranger, et elle est tout aussi importante. Pour l’instant, je n’ai pas trouvé la chose très facile à réaliserécrit-il. Depuis deux ans, il travaille au siège de la Société des missionnaires laïcs. Pas facile, là non plus, d’oeuvrer sans en voir le résultat : “Mais c’est, malgré tout, quelque chose qui doit être fait. Nous avons à quitter nos bureaux où nous a appelé l’Eglise et aller là où il y a des pauvres, les plus fragiles, et leur offrir non seulement une assistance matérielle mais aussi des personnes prêtes à partager leur vie. Un missionnaire laïc doit être prêt à partir là où on l’envoie. Si c’est à l’étranger, il doit non seulement y vivre comme les gens du pays mais doit aussi se faire perceptif à leur culture et être capable d’arriver à penser comme eux. De retour au Japon, reprenant contact avec ceux de son pays, il devrait être encore mieux à même d’y témoigner de sa foi. C’est de là, je crois, qu’il faut s’attendre à voir démarrer la deuxième phase de l’évangélisation du Japon. Bien sûr, tous les chrétiens sont partie prenante de l’évangélisation, mais c’est à l’Eglise elle-même d’avoir un autre regard quant à la façon de vivre et de transmettre le message. Le Christ dit : ‘Amassez-vous des trésors dans le ciel” (Mt 6.20). Les biens matériels, que nous apprécions tant, disparaîtront un jour. Or, il existe un autre monde, d’autres valeurs autrement plus importantes. Ce n’est que si nous les cherchons dans l’Evangile et que nous en vivons que nous pourrons être appelés chrétiens. La société japonaise dans sa recherche des biens matériels a perdu de vue l’essentiel. Qu’en est il de l’Eglise du Japon elle-même ? Est-elle une communauté anxieuse d’amasser un trésor dans le ciel ?” 

Qu’est-ce que “être missionnaire” pour un chrétien ?

Le Père Isao Kikuchi (SVD), dans un article intitulé “Les laïcs : les vrais missionnaires”, fait le point sur ce bénévolat missionnaire. Il faut savoir que le bénévolat est une des constantes de la société japonaise. Chrétiens ou non, jeunes ou moins jeunes, garçons ou filles, beaucoup aiment “servir”. Ils ont fait merveille au moment du terrible tremblement de terre de Kôbé en 1995. Certains se mettent pour un temps au service des plus pauvres dans un pays du tiers monde. Une occasion, peut-être, d’échapper à leur insularité et de partir respirer l’air du large, mais leur générosité ne peut être mise en doute. Des organisations non gouvernementales de coopération existent, nombreuses, qui canalisent et planifient ce désir de servir.

A la fin de leurs années de service bénévole, de retour au pays, tous ces jeunes enthousiastes et mûris, racontent leurs découvertes. Tous, entre autre, disent leur étonnement, d’avoir été si bien accueillis par les populations locales, comme si leur gentillesse et leur générosité avaient su faire oublier les exactions commises par l’armée impériale du “Grand Japon”.

Le Père Kikuchi signale ce même étonnement chez les missionnaires japonais de retour au pays, et, en spécialiste qu’il est, à cette occasion, nous montre en quoi consiste la vraie mission d’un chrétien. Il nous dit aussi, quoique indirectement, beaucoup de choses sur cette Eglise du Japon que nous connaissons si mal. Il nous laisse entrevoir, en particulier, le poids que font peser sur cette petite Eglise, malgré eux et à leur corps défendant, les innombrables instituts religieux, de dimension internationale, compétents et suréquipés, qui travaillent au Japon.

Le Père Kikuchi est né en 1958. Membre de la Société du Verbe Divin, il a été ordonné prêtre en 1986 et envoyé au Ghana où il a travaillé huit ans, jusqu’en 1994. Il a servi ensuite une année au Zaïre dans le cadre de “Caritas-Japon”. Il a en ce moment la charge des jeunes postulants de la Société du Verbe Divin et dirige un Centre d’étude des problèmes du tiers monde à l’Université de Nanzan, à Nagoya. Il nous parle de sa mission au Ghana :

“Au Ghana, nous étions installés dans un village qui n’avait ni électricité ni tout-à-l’égout. Dans ce coin tellement isolé où j’étais, je ne m’attendais pas à rencontrer des Japonais. Pourtant, il y en avait un certain nombre qui vivaient dans notre district, des jeunes, membres de diverses organisations japonaises et internationales de coopération. Il m’est arrivé durant mon séjour de compter 120 nouveaux jeunes Japonais arrivés en une seule année. Certains passaient occasionnellement nous voir à la paroisse et nous pouvions causer et échanger nos expériences. Parmi eux, certains, destinés à animer le développement d’un village, n’avaient pas de qualification spéciale mais vivaient au milieu des villageois et partageaient avec eux leurs connaissances et leurs idées. C’était un vrai défi pour eux que d’arriver à faire travailler tout un village sur un même projet. Ces jeunes s’étaient généralement bien adaptés et étaient bien considérés par tous. Pourtant, malgré tout, il y avait une chose que les villageois ne comprenaient pas à leur sujet : le dimanche, pas un d’entre eux ne montrait quelque velléité que ce soit d’aller à l’église. Une grande partie de la population du Ghana est chrétienne. Ils fréquentent différentes Eglises, mais participer au culte le dimanche fait partie de leur vie. Ils trouvaient étrange que ces jeunes Japonais bénévoles, donc sûrement motivés par la charité, n’aillent pas à l’église. Quand ils leur posaient la question, les jeunes répondaient, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde, qu’ils ne croyaient en aucun dieu. Et les villageois, étonnés, de se demander sans doute : ‘Qu’est-ce qui a bien pu amener ces jeunes chez nous ? 

La force d’une charité motivante

“On ne peut comparer ces jeunes avec le nombre toujours croissant des touristes japonais à l’étranger. Ces garçons et ces filles qui travaillent bénévolement dans le tiers monde et jusque dans les coins les plus reculés du globe, sans aucun souci de gain matériel, sont de plus en plus nombreux. Si les gens du pays les acceptent si volontiers, ce n’est pas seulement à cause du progrès que ces jeunes leur apportent, mais surtout, en bien des cas, parce que ces jeunes étrangers venus de si loin, partagent ‘le même espace et le même temps’ qu’eux.

J’ai essayé de savoir ce qui pouvait bien motiver la générosité de ces étonnants travailleurs bénévoles. C’est triste à dire, mais la plupart n’ont pas pu me répondre. Dire ‘je suis venu de l’étranger et je suis capable de partager vraiment la vie de votre communauté, de partager avec vous le même espace et le même temps’ ne suffit pas. Le partage des coeurs et des émotions de l’existence compte aussi. Si ces Japonais bénévoles étaient capables d’expliquer en termes clairs ce qui sous-tend la peine qu’ils se donnent, quelle que soit leur philosophie, ils seraient, sans doute mieux à l’aise pour partager avec les villageois et à leur niveau. Quand on leur demande : ‘En quel Dieu croyez-vous ?’, on ne leur demande pas à quelle Eglise ou à quelle organisation ils appartiennent. On leur montre seulement le désir qu’on a de partager avec eux la même motivation qui les anime dans leurs activités. Dommage qu’en de telles circonstances ces bénévoles ne puissent pas partager ce qu’ils ont dans le coeur.

Le nombre des bénévoles partis travailler outre-mer a augmenté, celui des missionnaires catholiques japonais également. L’idéal serait que ces derniers puissent ajouter à leur signature : ‘envoyés par l’Eglise catholique du Japon’. Ce n’est, hélas, pas le cas. Il n’est pas nécessaire de lire des traités de missiologie pour savoir que chaque chrétien est mandaté pour la mission par le Christ lui-même. Chacun sait que les chrétiens se rassemblent pour former une communauté. Il s’ensuit que si une communauté ecclésiale locale décide d’envoyer des missionnaires, ce devrait être quelque chose de tout à fait normal, et non pas quelque chose de sensationnel. Il n’est pas certain que ces missionnaires ou leur église d’origine en soient vraiment conscients.

Rencontre de missionnaires retour de mission

Le Conseil catholique de la coopération internationale cherchait à savoir ce qu’on peut apprendre de l’expérience des missionnaires de retour de mission et qui travaillent maintenant au Japon. Il voulait connaître aussi l’image de l’Eglise du Japon en tant que communauté missionnaire. La première rencontre a eu lieu à Tôkyô, le 10 juin 1995. Le prêtre et les 15 religieuses présents ont parlé de leurs expériences africaines, sud-américaines ou asiatiques. Pour la plupart, il s’agissait, en fait, de l’expérience individuelle riche et pleine d’idées d’un simple catholique japonais travaillant à l’étranger. Pour dire vrai, l’idée d’avoir été envoyés par l’Eglise du Japon ou par leur église locale et les conséquence que cela pouvait avoir pour eux dans leurs relation avec la communauté qui les accueillait n’apparaissaient pas clairement. Le fait d’avoir été envoyés par leur congrégation était primordial pour eux, avec pour objectifs les mêmes que ceux de la congrégation. Même si ce n’était pas dans leurs intentions, le champ de leurs activités n’en était pas moins limité par le but spécifique de leur communauté d’origine. Il s’ensuit donc que, même si les uns et les autres ont conscience de la dimension internationale du travail de leur congrégation, il n’y a guère de place pour une prise de conscience de leur appartenance à leur Eglise locale.

Vu sous cet angle et dans des cas extrêmes, il peut arriver que quelqu’un ne soit missionnaire que par son appartenance à tel ordre religieux. On pense généralement au Japon que le travail missionnaire doit être laissé aux professionnels. Cependant, en écoutant ce que les missionnaires nous disent à leur retour et en nous souvenant de ce que veut dire ‘évangélisation’, on voit bien qu’il ne s’agit pas d’un privilège réservé à un ordre religieux.

A notre première rencontre avec ces missionnaires rentrés de mission, je n’ai rien entendu sur ce qu’ils auraient accompli ou sur ce qu’aurait été une contribution significative de leur ordre dans la communauté locale là où ils se trouvaient, rien vraiment qui puisse préciser les contours d’un résultat tangible. La plupart ont parlé de leurs relations amicales, de leurs expériences de partage de vie avec les gens. Ils ont raconté comment une religieuse ou un prêtre avaient été vraiment acceptés et la joie que cela avait été pour tous. L’accent n’était pas mis sur la catéchèse ou la pastorale mais sur le partage. A les entendre, c’était là que se situerait la vraie nature de la mission.

Pour ma part, durant mes quelques années au Ghana, j’aurai baptisé plus de monde que durant toute ma vie au Japon. J’ai bâti une église et une école. Et encore d’autres choses dont je ne veux pas me vanter. Un souvenir pourtant qui compte beaucoup pour moi: le matin de mon départ pour le Japon un vieil homme est venu les larmes aux yeux me dire : ‘Ne nous laissez pas !’. C’est à ce moment-là que j’ai compris la joie que j’avais eue d’avoir pu vivre avec les gens de ce village ghanéen.

Mission des laïcs, mission de l’Eglise du Japon

Il est évident que la mission s’enracine dans la joie de partager la vie d’autres peuples sans qu’il y ait des prérogatives ou autres activités réservées à tel institut religieux ou telle société. Tout chrétien est habilité à être missionnaire. Donc, l’activité d’un institut n’est qu’une fraction de l’activité évangélisatrice de l’Eglise universelle. Penser que l’activité missionnaire de l’Eglise du Japon est l’affaire des ‘professionnels’, c’est, nous le verrons, n’en voir qu’un des aspects. Une authentique présence de l’Eglise dans une société donnée dépend de la présence d’un laïcat dans cette société, un laïcat se sachant lui-même en mission. Un laïcat qui ne se considère pas partie prenante de la mission n’est pas un laïcat d’Eglise.

En septembre de cette année, nous avons organisé une deuxième rencontre des missionnaires de retour de mission. Nous avons eu la joie d’y accueillir trois membres du Mouvement laïc missionnaire japonais. Ce qu’ils nous ont dit de leur expérience montrait que leur activité missionnaire n’avait rien à voir avec le cadre bien organisé d’une congrégation religieuse. Mais là encore, ce qui ressortait surtout était leur joie d’avoir été acceptés et d’avoir été capables de partager la vie des gens du pays.

Mais revenons à ce qui fait la différence entre la joie d’être accepté comme bénévole et celle de l’être comme laïc missionnaire. pourquoi ce dernier n’est-il pas simplement laïc bénévole mais laïc missionnaire ? Ils ne baptisent pas ou ne font pas ce que traditionnellement les missionnaires sont supposés faire. Alors comment peuvent-ils être missionnaires ? La réponse se trouve dans le principe qui sous-tend leur activité : les valeurs évangéliques, forces motivantes de leur charité. Quand il mettent en avant ce qui fait leur vie quotidienne, le partage avec les gens, il ne s’agit pas seulement du partage ‘temps-espace’ mais de quelque chose de plus profond, qui relève de l’existentiel.

L’activité missionnaire des instituts religieux a donné des fruits abondants dans bien des pays de par le monde, c’est certain. Jusque récemment, ce fut une part de ma propre activité. Je n’ai absolument pas l’intention d’en nier la nécessité. Mais dans un pays comme le Japon où l’Eglise locale est d’une importance infime, insister seulement sur les succès des instituts religieux ne conduit-il pas à renforcer une position négative vis-à-vis des missions soutenues par l’Eglise locale ? Ne renforçons-nous pas l’idée que la mission c’est ‘l’affaire des autres’ ? Chacun d’entre nous a reçu mandat du Christ. Chacun à sa manière est un missionnaire. Mais cette prise de conscience ne s’acquiert pas par une activité mentale. Elle s’acquiert seulement peu à peu par l’observation de

ceux qui, dans le contexte actuel, sont missionnaires.

Je viens de le faire remarquer : la mission n’est rien d’autre que de placer les valeurs évangéliques à la base de notre vie. Ce qui ne nécessite pas un départ pour les pays lointains. Cependant, quitter la sécurité et le train-train d’un chemin tout tracé, abandonner toute garantie pour le futur et se plonger dans une culture inconnue, tout ce que suppose un envoi en pays lointain, tout cela suppose une vie vécue selon l’Evangile.

Je souhaite de tout mon coeur que le Mouvement laïc missionnaire du Japon (1) devienne un stimulant pour l’Eglise qui les envoie. Depuis ses débuts en 1982, de nombreux jeunes sont partis de par le monde comme missionnaires. Ils représentent une merveilleuse source d’information. Leur activité et leur expérience éveilleront l’intérêt des laïcs pour la mission et nous pousseront nous-mêmes à donner plus d’attention à notre propre manière d’envisager l’Eglise et sa mission à l’intérieur comme à l’extérieur.