Eglises d'Asie

LE TOURISME AU VIETNAM : RENAISSANCE ET CRISE

Publié le 18/03/2010




La renaissance et le nouvel essor du tourisme au Vietnam doivent beaucoup à la politique du “renouveau” (doi moi), adoptée par le 6e congrès du Parti communiste vietnamien en décembre 1986 et au changement d’orientation économique introduit alors. C’est l’époque où le pays s’est ouvert aux pays non socialistes et où l’économie de marché s’est substituée à l’économie socialiste. Ce changement de cap a permis à Hanoi de sortir de son isolement. A partir de 1988 (date de la mise en application de la décision n° 10 du bureau politique concernant le “renouveau” économique), les échanges commerciaux avec les pays d’économie libérale vont favoriser le développement rapide du tourisme qui devient ainsi une véritable industrie. Celle-ci atteint son plein rendement au début de la décennie 1990 et engendre d’autres activités florissantes comme l’hôtellerie, la restauration, les transports et les autres secteurs de service. Elle occupe actuellement 120 000 employés. Parmi ceux-ci, 92 000 travaillent dans le domaine hôtelier (1).

I – Renaissance du tourisme au Vietnam

En raison de la politique de “repli sur soi” pratiquée par le Vietnam durant la décennie 1980, les touristes étrangers qui se sont rendus dans ce pays à cette époque ont été si peu nombreux qu’aucune donnée statistique officielle n’a été rendue publique. Ce n’est qu’à partir des années 90 que leur nombre a commencé à croître. Il a ensuite très rapidement progressé, rapportant à l’Etat d’importantes ressources en devises fortes. Depuis cette époque, le département général de tourisme du Vietnam publie régulièrement le bilan annuel du tourisme, ainsi que celui des autres activités liées à ce secteur économique.

1 – Les causes

On peut s’interroger sur les raisons de ce brusque afflux de touristes étrangers au Vietnam, surtout dans les années 1990-1994. Un concours de circonstances semble être à l’origine de cet engouement du tourisme international pour ce pays.

– En premier lieu, le Vietnam a perdu l’aide économique de l’URSS, qui était, en moyenne, de 2,2 milliards de dollars par an dans les années 1986-1990. Celle-ci a été ramenée à 100 millions seulement en 1991, sous forme de crédit. A partir de cette date, elle a été tout simplement supprimée. Les autres ex-pays socialistes de l’Europe de l’Est ont fait de même. Privé de cette précieuse aide économique, le Vietnam n’a pas eu d’autres choix que de changer d’orientation économique. Telle était la seule issue pour éviter la crise: s’ouvrir ou périr. L’adoption de l’économie de marché, l’ouverture aux pays d’économie libérale, la promulgation d’un code des investissements étrangers en 1988 sont autant d’éléments qui ont attiré sur le Vietnam l’attention et l’intérêt des capitalistes aussi bien asiatiques qu’occidentaux. Ceux-ci sont donc venus au Vietnam, quelquefois en qualité d’hommes d’affaires, quelquefois camouflés en touristes, pour explorer les différentes possibilités d’échanges commerciaux et de création d’entreprises…

Par ailleurs, les touristes asiatiques et occidentaux (en particulier les Français) ont été séduits par l’image du Vietnam présentée par différents films tels que “l’Indochine”, “l’Amant” ou encore par de nombreux reportages sur le Vietnam, effectués par les médias internationaux. Cette vision médiatique du Vietnam a largement contribué à la renaissance et au développement de l’industrie touristique au Vietnam.

Enfin, les réfugiés vietnamiens à l’étranger, naguère dénoncés comme “traîtres à la patrieont, depuis l’ouverture économique, reçu l’appellation de “Vietnamiens patriotes d’outre-merIls sont autorisés, voire encouragés, à retourner au pays, en qualité de touristes. En adoptant ce nouveau comportement, Hanoi cherche surtout à exploiter le potentiel touristique de la diaspora vietnamienne, estimée à plus de 2 millions de personnes éparpillées dans 70 pays du monde (y compris les travailleurs vietnamiens “expatriés” dans les pays socialistes, avant la disparition du bloc communiste).

D’autres circonstances ont favorisé ce phénomène:

– Grâce aux “prix charters”, le tarif des voyages aériens a considérablement baissé: le prix du voyage Paris-Vietnam-Paris était de 7 200 F en 1988. Dans les années 1990-1992, il est déjà passé à 4 700 F. Actuellement, à la basse saison, on peut trouver des billets aller-retour pour le Vietnam à 4 200F.

– L’attrait exercé par un pays lointain peu connu, fermé pendant longtemps aux étrangers et encore communiste, a joué aussi un grand rôle. Les touristes espèrent y trouver des forêts, des montagnes et des plages sauvages encore intactes.

2 – Les effectifs des touristes étrangers

De 1990 à 1996, selon les statistiques établies officiel-lement (2), le nombre de touristes entrés au Vietnam, chaque année, a été le suivant:

– 1990 : 187 000

– 1991 : 230 000

– 1992 : 440 000

– 1993 : 669 000

– 1994 : 1 018 000

– 1995 : 1 350 000

– 1996 : 1 600 000 au lieu de 1,7 millions

prévus

Ces données statistiques suggèrent les observations suivantes :

– Les touristes étrangers en visite au Vietnam ont été en progression constante et rapide. Leur nombre s’est multiplié par huit en sept ans, passant de 187 000 personnes en 1990 à 1,6 millions en 1996. Il a augmenté en moyenne de plus de 200 000 par an, et parfois de plus de 300 000, pour certaines bonnes années comme en 1994-1995 par exemple. La barre du million a été franchie en 1994. Depuis, à lire les statistiques, la croissance apparaît fulgurante. Il faut cependant ajouter que 20 % de ces touristes sont des “Viêt-Kiêu” (Vietnamiens établis à l’étranger).

– Il est aussi permis de penser que, gonflées à l’extrême dans un but publicitaire, les statistiques officielles n’expriment pas l’exacte réalité du tourisme vietnamien et ne rendent pas compte de ses difficultés actuelles.

– Si on le compare aux millions de visiteurs accueillis par les autres Etats-membres de l’ASEAN, 4,2 millions en Indonésie, 7 millions en Thaïlande et 7,1 millions à Singapour, le chiffre de 1,6 million de touristes étrangers qui ont visité le Vietnam en 1996 s’avère modeste.

Il est possible de procéder à une analyse sommaire des touristes en fonction de leurs origines. Selon le dépar-tement général du tourisme vietnamien (3), 1 018 062 touristes étrangers sont venus au Vietnam en 1994. On peut isoler les trois grandes catégories suivantes:

– Les Asiatiques, au nombre de 310 389, soit 30 %, essentiellement des Taïwanais (184 241) et des Japonais (65 055), etc.

– Les Occidentaux, au nombre de 176 263, soit 16%, essentiellement des Français (96 967), des Américains (42 438) et des Britanniques (36 863), etc.

– Les Viêt-Kiêu, au nombre de 202 046, soit 20 %. Ils proviennent surtout de l’Europe occidentale (France, Allemagne) et des Etats-Unis.

Les statistiques ne précisent pas l’origine des touristes n’appartenant pas aux trois catégories précédentes.

Il ressort de cette analyse que les touristes asiatiques et les Vietnamiens à l’étranger représentent à eux-seuls la moitié des touristes étrangers en 1994. Par l’importance de leur nombre, les Vietnamiens d’outre-mer constituent la meilleure clientèle du Vietnam, suivie de près par les Taïwanais. Les Japonais se placent au quatrième rang après les Français. Les Taïwanais, les Japonais et autres Asiatiques (en provenance de Corée, de Hongkong ou d’ailleurs) pratiquent surtout un “tourisme d’affairesAprès avoir obtenu le visa dans des délais très brefs (7 à 10 jours), ils peuvent venir sur place pour se rendre compte du terrain, étudier le marché, contacter les hommes d’affaires du pays. A l’exception de quelques Viêt-Kiêu “affairistes”, la quasi-totalité des Vietnamiens de l’étranger rentrent au pays pour revoir leurs proches (on estime à 500 000 les familles ayant un proche à l’étranger. Une bonne moitié d’entre elles habite à Hô Chi Minh-Ville). La plupart des Occidentaux, en particulier français et américains, en visite au Vietnam, sont des purs touristes, attirés par un pays lointain, mais proche d’eux sous divers aspects.

II – Les signes d’une crise

Bien que la progression “officielle” du nombre des touristes étrangers ait aujourd’hui tendance à s’affaiblir (30 % en 1995 par rapport à l’année précédente, 13 % en 1996 (4)), cet afflux de visiteurs reste cependant paradoxal. Car il a lieu alors même que ce secteur économique est frappé par une crise qui dure, sans doute, depuis quatre ans (1993-1997). Ses signes sont surtout visibles dans le secteur de l’hôtellerie. Il apparaît, par exemple, que la clientèle des hôtels, toutes catégories confondues (de luxe, de première classe, de bonne tenue…) est en régression constante. Avant 1993, à Hô Chi Minh-Ville par exemple (5), le taux de remplissage variait de 80 à 90 %. Mais, à partir de cette date, il a chuté de manière inquiétante (68 % en 1993, 63 % en 1994, 54 % en 1995 et 45 % en 1996), alors que pour être rentable, ce taux n’aurait pas dû descendre audessous de 70 %.

La crise touche surtout les mini-hôtels privés (15 chambres au moins); le taux de remplissage parvient difficilement à 35 % (contre 57 % pour les hôtels “joint-venture” et 62 % pour les hôtels d’Etat) (6). La situation a été particulièrement dramatique à Hanoi, compte-tenu de la baisse de 13 % des touristes étrangers en 1996 par rapport à l’année précédente. Bon nombre de mini-hôtels se sont trouvés en faillite, faute de clients ; d’autres n’ont pu survivre que grâce à leur reconversion à d’autres activités. C’est surtout dans les plaines côtières du Centre-Vietnam que l’économie touristique s’est révélée catastrophique. Pourtant, cette région est dotée d’innombrables sites célèbres (comme Thua Thien Huê par exemple, avec les vestiges de l’ancienne capitale impériale, un haut lieu fortement imprégné de culture vietnamienne, Thanh-Hoa et Thuan-Hoi avec leurs vestiges et leur civilisation cham, leurs stations balnéaires et leurs plages réputées. A Huê (270 000 habitants), exception faite de quelques rares grands hôtels, Century, Huong Giang…, la plupart des autres hôtels ne bénéficient plus que d’un taux d’occupation de 15 % seulement, et parfois moins.

III – Principales causes de la crise

C’est la conjugaison de causes diverses qui est à l’origine de la crise du tourisme.

1 – Gonflement des statistiques

Pour essayer de remédier à cette crise du tourisme qui va s’aggravant, plusieurs colloques ont été organisés. Le plus récent a été tenu à Vung Tau (ex-Cap Saint-Jacques), du 26 au 29 décembre 1996, sous l’égide du département général de tourisme du Vietnam. Les débats avaient pris pour thème “la réalité des activités touristiques internationales, avec la politique et les mesures incitativesLes agences de voyage et les autres branches liées au tourisme (hôtellerie, restauration…), de différents statuts (étatique, “joint-venture” et privé) y ont été invitées (7). Tous les participants ont affiché leurs inquiétudes, voire leur pessimisme profond, quant à l’avenir de leur profession, et ont tiré la sonnette d’alarme. Tous ont contesté les “chiffres records” publiés par l’Etat, concernant les touristes étrangers en visite au Vietnam. “Ils sont en augmentation constante et rapide d’année en annéealors que depuis 1994, l’économie du tourisme traverse une période de crise. Aussi les intervenants ont-ils fait des réserves sur les statistiques de 1995 et de 1996, respectivement de 1,35 millions et de 1,6 millions de touristes étrangers (Viêt-Kiêu compris). Les experts, les agents de voyage et les hôteliers se sont montrés sceptiques et n’ont pas ménagé leurs critiques : “Ces données statistiques manquent de précision et de fondement

Si l’on s’en tenait aux statistiques, chacune des 78 agences de voyage que totalise le Vietnam à l’heure actuelle “aurait accueilli en moyenne plus de 20 000 touristes étrangers par anSelon les experts, mis à part quelques grandes entreprises étatiques dotées de moyens (comme Saigon-Tourist, Vietnam Tourism… à Hô Chi Minh-Ville par exemple), seules capables de parvenir à un tel chiffre d’affaires, “presque toutes les agences de voyage ont du mal à trouver 500 clients par an, condition nécessaire pour qu’elles ne soient pas en faillite”.

On a aussi fait remarquer que les statistiques officielles sur le tourisme ont comptabilisé plusieurs séries de voyageurs, qui, bien qu’ayant passé la frontière, ne peuvent être considérés comme des touristes étrangers: ainsi, les Vietnamiens revenant d’un voyage à l’étranger, mission diplomatique ou autre, voyage de travail, d’affaires et de tourisme, ou encore les diplomates ou hommes d’affaires étrangers en résidence permanente au Vietnam. N’auraient pas dû non plus être considérés comme touristes, les frontaliers qui, munis d’un passeport, franchissent les frontières sino-vietnamienne ou khmero-vietnamienne et reviennent chez eux dans la même journée.

En réalité, le nombre des touristes étrangers a été gonflé. Le manque de précision des statistiques et l’erreur de prévisions commise par les planificateurs ont eu des répercussions fâcheuses : un excédent d’hôtels de standing international, la faillite des mini-hôtels et des agences de voyage, faute de clientèle.

2 – Les erreurs de planification de l’Etat

Les statistiques officielles excessivement gonflées dans un but de propagande ont faussé les prévisions des planificateurs et provoqué des effets pervers à l’égard de l’économie touristique.

En effet, à partir d’un bilan fictif et trompeur dressé par l’Etat, les planificateurs du département général du tourisme, les investisseurs locaux et étrangers ont élaboré des programmes fort ambitieux et inadéquats, concernant la construction et le développement des infrastructures d’accueil. Ainsi, dans un court laps de temps (1990-1995), les hôtels rénovés et les nouveaux hôtels de standing international ont poussé comme des champignons à Hô Chi Minh-Ville, Hanoi, Huê, Da-Nang, Nhatrang…

De sources officielles (8), on compte actuellement 140 projets d’investissement dans la construction de 15 000 chambres d’hôtels au Vietnam. Ils auraient mobilisé 3,6 milliards de dollars. Les sombres perspectives actuelles auraient inquiété les hommes d’affaires et les hôteliers qui auraient proposé à l’Etat “d’arrêter d’accorder des licences pour la construction des hôtelsSelon eux, l’offre a dépassé la demande. Pour en faire la preuve, ils ont analysé le nombre des touristes étrangers arrivés à l’aéroport Tan Son Nhat en 1995 (9). Sur 815 000 visiteurs, il y avait 265 000 “Viêt-Kiêu” rentrés au Vietnam en qualité de touristes pour revoir leurs proches, la plupart logeant chez eux (et non à l’hôtel). En conséquence, sur 1,35 millions de touristes étrangers arrivés en 1995 (dont 815 000 à Hô Chi Minh-Ville), “environ 550 000 (au lieu de 1 million prévus) ont séjourné à l’hôtel, et peut-être moins” (10), compte tenu du nombre non négligeable des touristes étrangers “sac-à-dos” (expression employée par l’Etat pour désigner les routards). Ceux-ci en général préfèrent coucher à la belle étoile comme à Hôi An (Thua Thien-Huê) par exemple, où “le taux de remplissage des hôtels plafonne à 40 %, tandis que nombreux sont les touristes étrangers, qui passent leur nuit sur la plage

A partir de 1993, pour attirer les clients, les hôteliers ont dû baisser les prix des chambres de 30 à 40 %, même pendant la haute saison. La concurrence hôtelière a été rude. Bon nombre d’hôtels ont décidé de pratiquer le “dumping“, en réduisant de 50 % (après un marchandage avec leurs clients) les tarifs affichés au comptoir de réception (11), alors que pendant les années 1990-1993, l’offre est restée inférieure à la demande, se traduisant par les spéculations foncières et immobilières (12) et la hausse exorbitante des tarifs des chambres (13). Témoigne aussi de la crise hôtelière la fermeture du “Saigon floating hotel“, hôtel de 4 étoiles (182 chambres). En 1989, un contrat d’exploitation avait été passé avec la chaîne hôtelière australienne qui assure la gestion de cet hôtel, propriété de la firme japonaise E.I.E. Il n’a pas été renouvelé par les autorités de Hô Chi Minh-Ville, en 1996, et l’hôtel a cessé ses activités.

La crise hôtelière continuera dans les années à venir, étant donné que les travaux de rénovation et de construction en cours des hôtels de luxe (14) se poursuit, surtout à Hô Chi Minh-Ville et Hanoi, ainsi que dans certaines grandes villes (Can Tho, Da Nang, Huê…). Il s’agit de “joint-venture” entre les investisseurs étrangers (asiatiques ou occidentaux) et les autorités, ces dernières apportant les terrains. 15 000 chambres ont été déjà parachevées. Leur nombre total est de 50 000 dans tout le pays, dont la moitié de standing international. 60 % (soit 15 000 chambres) de ces chambres tout confort se trouvent concentrées à Hô Chi Minh-Ville, où récemment, de nouveaux hôtels 3 à 4 étoiles tels l’Equatorial (334 chambres), le Saigon prince, l’Omni (248 chambres), le New-World (541 chambres) ont vu le jour. D’autres s’y ajouteront dans les années 1997-1998 (Hyatt, Méridien, Delta, Ramada).

Compte tenu de ces moroses perspectives, “Hô Chi Minh-Ville n’aura pas besoinselon le département général du tourisme du Vietnam, “de construire de nouveaux hôtels, dans un proche avenirIl en sera de même dans certaines autres grandes villes dont les possibilités d’accueil sont déjà trop grandes, comme Huê par exemple. Les experts ont prévu que les hôtels de standing international de la ville perdront 15 % de leurs clients, dès que le nouvel hôtel Morin en cours de construction aura ouvert ses portes. Toujours selon leurs prévisions, à Huê, tout hôtel doté d’un taux d’occupation de 60 %, serait en faillite, s’il devait encore subir une perte de 15 % de sa clientèle.

3 – La surexploitation des clients étrangers par les hôteliers et les agences de voyage

Les agences de voyage d’Etat détiennent le monopole de la quasi-totalité des circuits touristiques guidés. Leurs prix sont élevés. Pour un tour “Paris-Vietnam-Paris”, par exemple, les tarifs oscillent autour de 10 000 francs (pour 12 jours), 14 000 francs (16 jours), 15 000 francs (21 jours) et 20 000 francs (22 jours de visite touristiques des trois pays de l’ex-Indochine française). Les tarifs pratiqués sont plus chers de 30 à 35% qu’en Thaïlande, pour des circuits équivalents et le même nombre de jours de visite. Pourtant, le coût de la vie de ce pays est supérieur à celui du Vietnam, le confort et les services de ses hôtels et ses moyens de transport, de meilleure qualité. Il faut ajouter que ces circuits sont quelquefois rigides et peu attrayants. Les autorités vietnamiennes ne résistent pas toujours à la tentation d’associer tourisme et politique.

Ainsi, le circuit touristique guidé de Hô Chi Minh-Ville à Tay Ninh par exemple permet au régime de faire le récit de ses “exploits révolutionnairesC’est aussi le cas lors de la visite de Cu Chi et ses 200 km de souterrains, selon les autorités locales. Situé à 30 km au nord de l’ancien Saigon, surnommé “terre d’acier et blockhaus de bronzece fut un haut lieu des deux Résistances (1945-1954 et 1960-1975). C’est la liberté de culte et de croyances qui est exaltée, dans le circuit de Tây Ninh, capitale de la secte Cao Dai.

La pénurie d’hôtels au début des années 1990 avait incité les hôteliers peu scrupuleux à imposer des prix hors normes, bien supérieurs à ceux pratiqués par les autres pays membres de l’ASEAN. De plus, les touristes étrangers, séjournant dans n’importe quel hôtel, doivent payer en supplément 15 % de service, alors que ce genre de taxe n’a jamais existé au Vietnam. En 1994, à Hanoi, dans certains hôtels d’Etat trois étoiles comme “Hanoi” ou “Bên Hô”, le tarif minimum d’une chambre était fixé à 160 dollars la nuit (soit 880 F), le prix maximum à 390 F (soit 2 150 F). Les hôtels de luxe 4 étoiles sont rares. On en comptait trois seulement en 1995 : deux à Hô Chi Minh-Ville (Saigon floating hôtel “joint-venture” et Bên Thanh, l’ancien “Rex”, une entreprise d’Etat), et un à Hanoi (Sofitel-Métropole “joint-venture“). Les tarifs y varient de 200 dollars à 400 dollars la nuit (taxes et services non compris).

Selon l’opinion générale des touristes étrangers (15), le prix des chambres d’hôtels étatiques est fort élevé par rapport à la qualité du service. De plus, la propreté de l’équipement laisse à désirer. Par contre, les mêmes critiques ne s’appliquent pas aux hôtels “joint-venture” et aux mini-hôtels locaux 3 étoiles qui, pour la plupart, appartiennent au secteur privé.

Les repas à l’hôtel d’Etat sont onéreux, mais leur qualité est médiocre, alors qu’en ville, bon nombre de restaurants du secteur privé sont excellents. En 1995, un repas “royal” à l’hôtel 3 étoiles “Century” ou “Huong Giang” à Huê, par exemple, coûtait 200 dollars par table de 6 personnes, soit en moyenne 33 dollars par personne (184 F) (16), à savoir 3 fois plus cher qu’un repas équivalent (avec spectacles) à Bangkok.

Pendant un temps, le tarif de la visite guidée de l’ancienne zone démilitarisée, située au 17e parallèle, non loin de Huê, était de 15 dollars par personne (soit 72 F). Les touristes devaient s’acquitter en plus d’un ticket d’entrée au site touristique, et d’autres taxes pour le port d’un appareil photographique ou d’une caméra (17). N’ayant pas assez de clients, les autorités locales décidèrent de réduire les prix; malgré cela le nombre de clients reste insuffisant.

L’omniprésence des agents de sécurité gêne les touristes et dissuade les autochtones de lier connaissance avec les étrangers. Ceux-ci souvent déçus par des circuits guidés peu intéressants et plus surveillés, reviennent rarement admirer la “perle de l’Orient”.

Bien qu’ayant acquis la nationalité étrangère, les “Viêt-Kiêu” sont toujours considérés par Hanoi comme des

citoyens vietnamiens à part entière. “Ils appartiennent, a déclaré le premier ministre Vo Van Kiêt, à une partie de la nationEn réalité ils ne sont que des “citoyens de 2e catégorie” et ne jouissent pas des mêmes droits que leurs compatriotes au Vietnam.

Les démarches administratives qui leur sont imposées pour l’obtention d’un visa d’entrée en qualité de touriste sont un véritable parcours des combattants: deux demandes, deux photos, un curriculum vitae détaillé (celui-ci n’étant pas obligatoire pour les autres étrangers). En général, le visa est délivré dans un délai de 7 à 10 jours (1 à 3 mois auparavant), à condition de s’adresser à une agence de voyage, moyennant une somme de 350 à 500 F. D’autres difficultés les attendent dès leur arrivée à l’aéroport de Hô Chi Minh-Ville (18). Pour éviter une longue file d’attente à la douane, ils doivent corrompre les douaniers en glissant discrètement un billet vert de 5 à 10 dollars dans leur passeport.

Ils règlent des notes aussi élevées que les autres touristes étrangers. Elles sont au moins 3 à 4 fois plus élevées (parfois davantage) que celles payées par les Vietnamiens vivant dans le pays. Objets de méfiance, les “Viêt-Kiêu” sont surveillés attentivement. Parfois, pour un incident minime ou divers motifs sans fondement (19), ils sont retenus au Vietnam et leur passeport temporairement confisqué. Pour quitter le pays, ils “s’arrangent” à l’amiable” avec la police moyennant une somme d’argent. Victimes de discrimination, de corruption, de brimades, de mauvais traitements…, nombre de touristes vietnamiens se sentent souvent frustrés.

Pourtant, selon les statistiques officielles, l’effectif des touristes vietnamiens revenus au pays n’a cessé de progresser d’année en année. En 5 ans, il a plus que sextuplé. Il est passé de 40 000 en 1990 à 265 000 en 1995. Le professeur Nguyên Ngoc Trân, président du “Comité pour les Vietnamiens d’outre-mer” a fait savoir que les Vietnamiens de l’étranger “rapportent bon an mal an 600 à 700 millions de dollars au pays” (y compris 50 millions envoyés au Vietnam sous forme de mandats pour aider leurs proches) (20), chiffres gonflés, paraît-il.

4 – La faiblesse des infrastructures

Les infrastructures démodées constituent un des obstacles majeurs au développement touristique du Vietnam.

Les autoroutes sont quasi-inexistantes, sauf sur un tronçon d’une trentaine de km (Hô Chi Minh-Ville – Biên Hoa) réalisé par les Forces armées américaines dans les années 1960-1963. Au Nord-Vietnam, les routes nationales, construites du temps de la colonisation française, ne sont plus adaptées aux besoins de transports modernes. Par ailleurs, elles n’ont pas été entretenues durant plus d’un demi-siècle et leur état actuel est délabré. Par contre, au Sud-Vietnam, grâce à l’aide économique américaine, durant la guerre (1960-1975), le réseau routier a été modernisé, en particulier les artères-maîtresses assurant la jonction de Saigon avec les hauts plateaux, les plaines côtières du Centre-Vietnam et l’Ouest du Delta du Mékong : les chaussées et les ponts ont été élargies. Cependant, depuis presque un quart de siècle, les routes du Sud-Vietnam sont mal entretenues et se trouvent dans un tel état de dégradation que l’accès à certains sites touristiques réputés comme Dalat (situé à 300 km au Nord de Hô Chi Minh-Ville) ou l’ancienne capitale impériale Huê, s’avère difficile.

Le chemin de fer à voie unique, reliant Hô Chi Minh-Ville à Hanoi, traverse les principales villes côtières du Centre-Vietnam. Rénové et remis en service depuis 1976, il manque encore de moyens. En effet, la vitesse moyenne du train ne dépasse pas 50 km/h et le confort laisse totalement à désirer. Quant aux transports aériens, les lignes intérieures, desservies par l’entreprise d’Etat “Vietnam Airlines”, sont peu développées. Les avions sont vieillots et le service peu soigné.

5 – Investissement démesuré dans la construction hôtelière, au détriment des autres secteurs

Le Vietnam est doté de sites naturels variés, ainsi que d’un patrimoine historique et culturel intéressant, susceptibles d’attirer les touristes étrangers, mais ils n’ont pas été aménagés ou réaménagés.

La pittoresque baie de Ha Long surnommé “la septième merveille du monde”, pourrait accueillir plus de visiteurs, avec des moyens de transport plus modernes. La route reliant Hanoi à ce site est dans un état délabré. Il faut cinq heures pour faire le trajet (150 km). Les belles plages de province côtières du Centre-Vietnam sont à peine connues. De magnifiques sites ne sont pas assez exploités: la capitale impériale Huê avec ses fêtes traditionnelles, danses et chants, le riche patrimoine de la province de Thua Thien (avec les palais impériaux, les tombeaux des empereurs de la dynastie Nguyên), divers vestiges historiques (avec les tours et les temples cham) malheureusement en ruines et non restaurés, les réseaux enchevêtrés de canaux et d’arroyos naturels (les “rach”), les mangroves… dans le delta du Mékong à la faune et flore très variées. Une étude effectuée par l’organisation mondiale du tourisme a révélé que sur les dix sites touristiques de l’Asie du Sud-Est qui seront célèbres en l’an 2000, deux appartiennent au Vietnam.

6 – Le manque de centres de distractions pour les touristes

Comme le Vietnam change d’orientation économique et s’ouvre aux pays non socialistes, le tourisme devrait lui aussi s’adapter à l’économie de marché : centres de distractions (boîtes de nuit, karaoke…) et autres activités à caractère culturel (spectacles, théâtre, danses folkloriques…). Ces distractions, susceptibles d’attirer les visiteurs étrangers, sont jusqu’à ce jour négligées. Selon une étude effectuée par les autorités locales, la plupart des touristes étrangers, visitant Huê et d’autres villes telles que Nha-Trang s’ennuient et n’y séjournent que deux jours. Rares sont ceux qui y reviennent, “étant donné qu’il n’y a rien pour se distraire” (21).

7 – Le manque de professionnalisme du personnel

Une étude effectuée par le Service du tourisme de Thua Thien-Huê (22), réalisée sur un échantillon de 940 employés, a révélé que 55 % n’avaient reçu aucune formation et 45 % possédaient un niveau universitaire, secondaire ou primaire. Parmi ces derniers, 3 % seulement avaient suivi une formation professionnelle. Les employés bilingues ne représentaient seulement que 2,7 % de l’ensemble.

Pour casser les prix, les agents de voyage et les hôteliers n’hésitent pas à engager du personnel sans formation professionnelle. Ainsi, des nourrices sont devenues réceptionnistes et des maçons, guides touristiques (23). La pénurie d’employés qualifiés a entraîné des conséquences désastreuses. Les circuits proposés manquent d’intérêt et environ 50 % des touristes étrangers n’achètent pas le tour complet. On observe une dégradation inquiétante de la qualité des services. Les repas sont médiocres et ne répondent pas au goût des touristes.

8 – La dégradation des sites touristiques

Avec le développement de l’économie touristique, on a assisté à un véritable “boom” des hôtels de toutes catégories : immeubles, villas et pavillons construits ou réaménagés en toute urgence, sans se conformer aux normes et aux règlements d’urbanisme. Ce développement rapide a entraîné de lourdes conséquences.

Les paysages urbains et les sites touristiques ont été défigurés. En deux ans seulement (1995-1996), le nombre des hôtels à Huê est passé de 10 à 40 et 15 autres sont en cours de construction (24), sans que le réseau d’égouts soit aménagé en conséquence. Il suffit d’une pluie moyenne pour que bon nombre d’hôtels ou de villas soient inondés. De plus, la pollution de l’ancienne capitale impériale atteint un niveau alarmant; chaque jour, 30 % des ordures ramassées par la société des travaux publics de Huê sont directement jetées sur les berges ou dans la rivière des Parfums.

La multiplication récente de grands hôtels et d’immeubles de plusieurs étages a défiguré les paysages urbains, les sites historiques. Vung Tàu, fréquentée par les “Saigonnais” et les touristes étrangers, est envahie par le béton et les ordures, qui cachent la mer et polluent l’air marin. La plage de sable fin de Thuan An, près de Huê, s’est transformée en plage de béton. “Les maisons, les bungalows poussent sur la plage comme un quartier en plein essor” (25). De nombreux marchands ambulants et mendiants importunent les visiteurs. Ceux-ci sont dérangés, harcelés devant leur hôtel, sur les sites touristiques. Des voleurs à la tire, des pickpockets en profitent pour subtiliser leur portefeuille, leur sac…

En définitive, les erreurs de planification, la rigidité des circuits, l’insuffisance de centres de distractions, la surexploitation des agences de voyage auxquelles s’ajoutent la surveillance policière et le mauvais traitement des autorités sont à l’origine de la crise actuelle du tourisme.

IV – Les perspectives d’avenir pour le tourisme au Vietnam

Alors que la crise se prolonge au Vietnam, l’économie touristique des autres pays de la région (Asean et Chine) est en plein essor. Le nombre des touristes étrangers en visite dans chacun de ces pays ne cesse de progresser. En Thaïlande, de 5 millions en 1994 (chiffre évalué par l’Organisation mondiale du tourisme, lors de la Conférence internationale sur le tourisme réunie à Bangkok le 20.10.95) (26), il atteignait les 7 millions en 1996 (chiffre donné par l’Association des hôtels thaïlandais Praphansak Bhatyanond) (27). Ce pays possède le plus grand nombre de chambres de standing international et le tourisme compte pour 5,4% de son P.I.B. En ce domaine, il se place au premier rang des pays de l’Asie du Sud-Est. Singapour, en accueillant 6,9 millions de visiteurs en 1996, a occupé la seconde place et talonne de près la Thaïlande (28). Cependant, malgré un progrès régulier du nombre de visiteurs, il faut noter que le taux de remplissage des hôtels de ces deux pays a subi une faible régression. Pour l’année 1996, il a été de 84 % à Singapour, alors qu’il était de 87,1 % en 1995. En Thaïlande pour les trois dernières années, ce taux s’est situé entre 70 et 75 %. Il est plus élevé en plein centre commercial (85 %) que dans la banlieue (60 %).

En Indonésie (29), la progression du tourisme est constante: 4 millions en 1994, 5 millions en 1996, 6,5 millions prévus pour 1997 et 7,8 millions pour l’an 2 000. En 1996, l’industrie touristique a rapporté 6 milliards de dollars et, selon le président Suharto, ce devrait être la plus grande source de devises étrangères pour le plan quinquennal 2000-2004. La Chine, elle, a reçu 46,6 millions de touristes en 1995. Ce nombre augmenté de 10 % en 1996, ce qui a placé la Chine au 5ème rang mondial en ce domaine, devant le Royaume Uni (30). Les recettes issues du tourisme étranger en Chine en 1996 sont estimées à 10 milliards de dollars.

Avec un taux de remplissage moyen de 50 % (31), de 45% à Hô Chi Minh-Ville, l’industrie hôtelière du Vietnam se situe encore loin de ses concurrentes des pays de l’Asie-Pacifique. Peut-elle encore relever le défi? Le département général du tourisme le croit, puisqu’il projette d’accueillir entre 3,5 et 3,8 millions de visiteurs en l’an 2000. On peut se demander s’il s’agit là d’un rêve ou d’une réelle possibilité.

1 – les conditions favorables

Les conditions favorables au tourisme sont relativement nombreuses. Sans parler ici des nombreux sites attirants dont il a été comblé à la fois par la nature et l’histoire et qu’il suffit d’exploiter, des talents bien connus de sa population en matière de relations humaines et d’accueil, le Vietnam jouit aujourd’hui d’une conjoncture, aussi bien économique que politique, favorable au développement du tourisme. La levée de l’embargo américain en février 1994, suivie du rétablissement des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, l’adhésion à l’Asean en juillet 1995 ont créé de multiples ponts entre le Vietnam et les divers pays à économie libérale. Pour le Vietnam, il s’agit là d’un potentiel touristique considérable pour les années à venir. De plus, c’est dans ces pays que se trouvent les deux millions de Vietnamiens à l’étranger (32), les plus intéressés par les voyages au Vietnam. Parmi eux se trouvent un certain nombre d’hommes d’affaires, un grand nombre de cadres scientifico-techniques (estimés à 300 000 environ) qui pourraient apporter, en plus des indispensables devises, leur savoir-faire en divers domaines.

Un autre élément de la conjoncture est constitué par l’amélioration des relations diplomatiques sino-vietnamiennes qui a favorisé la reprise des échanges commerciaux et touristiques entre les deux pays. La stabilité politique s’en trouve renforcée. Elle encourage les investisseurs étrangers asiatiques et occidentaux à investir dans des équipements touristiques comme les centres de distraction, les terrains de golf, les villages vacances, susceptibles d’attirer le tourisme international.

2 – Les obstacles au développement du tourisme

Les obstacles sont nombreux et certains paraissent aujourd’hui insurmontables.

– La restauration des infrastructures urbaines, du réseau routier et ferroviaire apparaît comme un préalable indispensable au développement du tourisme. Ces travaux exigeront les plus lourds investissements. Le directeur de l’Organisation du développement industriel des Nations Unies a estimé que le “Vietnam avait besoin d’au moins 20 milliards de dollars pour édifier ses infrastructures”. Selon lui, l’aide économique maximale accordée par les organisations financières internationales n’excéderait pas 5 milliards de dollars en l’an 2 000 (33). Par ailleurs, ces travaux demanderont un temps considérable.

– La pénurie de cadres et leur incompétence se font aujourd’hui sentir à tous les niveaux du secteur touristique. 120 000 personnes dont beaucoup manquent de professionnalisme sont aujourd’hui employées dans le tourisme et les secteurs qui lui sont liés. Selon le professeur Klauss Weiemair qui est intervenu lors d’un colloque international organisé à Hô Chi Minh-Ville du 26 au 27 avril 1996 (34), “le Vietnam aura besoin de 342 000 employés dans ce secteurs’il veut accueillir les 3,5 ou 3,8 millions de touristes qui selon ses prévisions devraient venir au Vietnam en l’an 2 000. Pour dispenser une formation aux futurs employés et recycler les anciens cadres supérieurs et moyens, des écoles seraient nécessaires qui demanderaient, elles aussi, des investissements. Une seule école fonctionne aujourd’hui. Elle été créée en 1996. Trois professeurs y dispensent leur enseignement à quelque 250 étudiants.

– Viennent ensuite un certain nombre d’obstacles déjà évoqués plus haut et qui tiennent à la politique générale du pays. Les statistiques gonflées dans un objectif de propagande ont entraîné une politique touristique peu adéquate. De plus, les données relevées officiellement manquent de précisions et ne fournissent aucun détail sur les différentes catégories de touristes, omettant même de distinguer entre touristes nationaux et touristes étrangers, autant de renseignements qui auraient permis aux responsables d’adopter une stratégie plus adéquate. Il faut ajouter à cela les conséquences fâcheuses sur le tourisme des impératifs de “la stabilité politique” ou de la lutte contre “l’évolution pacifique” et “la menace constante des forces réactionnaires extérieures”. Elles sont responsables d’un certain nombre de restrictions qui limitent les déplacements des touristes, particulièrement en certaines régions, leur imposent un encadrement strict et restreignent leurs contacts avec la population. C’est sans doute aussi à ces mêmes contraintes politiques qu’il faut attribuer les formalités de visa longues et compliquées, le manque de chaleur des ambassades à l’étranger et le peu de renseignements qu’elles délivrent aux futurs touristes.

On a enfin souvent souligné le manque de coopération des agences vietnamiennes avec leurs homologues étrangers et les différents organismes internationaux. Les entreprises d’Etat détiennent un monopole presque total sur l’organisation des tours et l’administration des grands hôtels, au détriment du secteur privé. Elles sont cependant animées par une volonté de concurrence sauvage plutôt que par une volonté de coordination. L’absence d’une politique générale et cohérente du tourisme est aussi souvent déplorée.

Ainsi le tourisme aux Vietnam qui a connu, de 1990 à

1993, une période de grand développement, est aujourd’hui en perte de vitesse. C’est pourtant, l’un des secteurs susceptibles d’apporter aux pays d’importantes devises étrangères. A l’aube du 3e millénaire, les autres pays membres de l’Asean préparent activement leur entrée dans “l’ère du tourisme”. Au Vietnam, le département général du tourisme affiche son optimisme et envisage d’accueillir entre 3,5 et 3,8 millions de touristes étrangers à la fin du siècle, soit le double du chiffre actuel, ce qui suppose un taux de croissance dépassant celui des pays voisins. Il est à craindre que l’objectif ainsi fixé n’ait été trop ambitieux et ne soit pas à la portée du Vietnam, à moins que l’environnement économique et politique ne se transforme profondément.