Eglises d'Asie

Hongkong: le rapatriement des boat-people vietnamiens est marqué par des violences policières et une résistance acharnée

Publié le 18/03/2010




La volonté des autorités de vider les camps du territoire au rythme de 1 800 pensionnaires chaque mois provoque en retour une résistance de plus en plus acharnée chez les réfugiés. Désormais chaque tentative de la police pour satisfaire à cette échéance mensuelle provoque une flambée de violence, chaque fois plus désespérée.

Le 11 mai 1995, c’est au camp de High Island qu’elle s’est produite (28) alors que la police tentait de transférer trente huit pensionnaires du camp dans la prison Victoria, dernière étape avant le rapatriement. Des réfugiés postés sur les toits des baraquements depuis la veille ont soumis 100 agents de la police anti-émeute et du service correctionnel à un bombardement de morceaux de béton, de plaques d’acier et d’objets divers. Les forces de l’ordre équipées de boucliers anti-émeute et d’un container de gaz lacrymogène sont finalement arrivées à leurs fins. A l’issue de l’émeute, il y avait 52 blessés légers, mais les réfugiés résistants étaient désarmés et les trente huit boat-people récalcitrants, transférés à la prison Victoria pour y attendre leur rapatriement. Il a eu lieu le 17 mai suivant, dans le calme, selon les autorités; cependant, selon des témoins qui les ont vus à la sortie de la prison Victoria, deux des rapatriés étaient attachés avec des menottes, un troisième était entièrement enveloppé dans une couverture (29), cinq étaient transportés par la police. Parmi eux, se trouvait un jeune religieux bouddhiste, Vuong Thanh Binh, qui avait tenté de s’immoler par le feu lors de l’incursion des forces de sécurité dans le camp de High Island, le 11 mai (30).

Le samedi 20 mai, le même type d’incident s’est répété au centre de détention Whitehead dans les Nouveaux-territoires, mais cette fois-ci avec une violence décuplée, après que les autorités eurent annoncé aux 1 500 réfugiés qu’ils devaient être transférés le lendemain dans le camp de High Island pour y attendre un éventuel rapatriement forcé au Vietnam. Environ un millier de policiers anti-émeute et de gardes ont utilisé grenades lacrymogènes et canons à eau pour faire redescendre les manifestants qui étaient montés sur les toits des baraquements, agitant des banderoles “SOS” ainsi que des drapeaux des Etats-Unis et de l’ancien Sud-Vietnam.

Le heurt a été beaucoup plus brutal que la semaine précédente. Au soir de l’échauffourée, un porte-parole du gouvernement de la colonie britannique annonçait qu’au moins 168 membres des forces de sécurité et 27 Vietnamiens avaient été blessés (31). Cependant trois jours plus tard, un représentant de l’association “Refugee Concern” affirmait que l’on comptait les blessés par centaines parmi les réfugiés (32). Selon certaines sources (33), on aurait utilisé six fois plus de grenades lacrymogènes que le jour de la terrible attaque d’avril 1994 et beaucoup de témoignages laissent entendre que dans leur majorité les réfugiés ont résisté les mains nues.

La confrontation violente a duré toute la journée du samedi. Le lendemain dimanche, l’effervescence était calmée et la majorité des réfugiés avaient été transportés à High Island. A Whitehead, seul un petit groupe de quarante femmes et enfants attendait encore leur transfert (34).

Le lendemain des événements, l’association “Refugee Concern” a demandé au gouverneur de Hongkong d’ouvrir une enquête sur cette attaque et en particulier sur l’utilisation de gaz dans un camp ou 70 % des pensionnaires étaient des femmes et des enfants. Cet appel a été réitéré le 24 mai suivant.

Malgré leur acharnement à réclamer l’asile, la cause des réfugiés vietnamiens ne soulève que peu d’écho à l’étranger. La seule réaction enregistrée est aux Etats-unis où la chambre des représentants a voté, le 24 mai 1995, à une grande majorité, une mesure qui classe les boat-people parmi les immigrants prioritaires et gèle les fonds américains destinés à subventionner le rapatriement dans le cadre du plan global d’action (35). On se demande si cette mesure a, d’une quelconque manière, motivé l’ajournement d’une opération de rapatriement volontaire qui devait avoir lieu le 31 mai par avion. Selo le porte-parole du gouvernement du territoire, ce rapatriement a été annulé pour “des difficultés techniques de dernière heure survenues entre le Haut-commisariat et le Vietnam” (36). Quelques jours auparavant, le Vietnam avait demandé aux Etats-Unis de revenir sur leur décision de cesser de financer les frais de rapatriement des réfugiés (37).