Eglises d'Asie

Kerala : une controverse oppose évêques et divers groupes charismatiques

Publié le 18/03/2010




Plusieurs groupes charismatiques sont, depuis plusieurs mois, l’objet d’une enquête menée par une commission spéciale formée en 1994 et composée d’évêques des trois rites catholiques. L’enquête porte en particulier sur un centre établi à Athirampuzha, dont le directeur est le P. James Manjakal, et sur le “Centre du Verbe Divin” qui est dirigé par les lazaristes.

Le président de la commision épiscopale est Mgr Jacob Thoomkuzhy, évêque syro-malankara de Thomarassery. Avec lui siègent Mgr Peter Chenaparampil, évêque latin de Alleppey et Mgr George Punnakottil, évêque syro-malabar de Kothamangalam.

Au cours de leur enquête, les membres de la commission ont constaté que, depuis une vingtaine d’années, grâce aux conventions et aux retraites qu’ils organisent, les groupes charismatiques touchent des dizaines de milliers de croyants de toutes religions.

Les évêques ont remarqué par ailleurs que les conventions et retraites charismatiques provoquent chez beaucoup de participants, en particulier chez les jeunes, un vrai réveil spirituel. Elles ont été l’occasion de véritables conversions. Elles ont formé des milliers de personnes à la prière : personnelle, familiale, paroissiale. Elles ont renouvelé chez les participants l’amour de la Parole de Dieu et de la liturgie.

Mais ils ont aussi relevé des aspects plus négatifs. Les membres de la commission pensent par exemple que le mouvement charismatique, tel qu’il est vécu dans les centres observés, tend à créer un certain “orgueil” spirituel chez les participants, qui donnent parfois l’impression de se croire “plus saints” que les autres. Les évêques ont de plus émis des doutes sur la manière dont sont utilisées les importantes sommes d’argent collectées au cours des réunions. Ils pensent que les charismatiques observés donnent à la Bible une importance telle qu’ils en arrivent à négliger les autres aspects de la vie de l’Eglise. Ils auraient tendance à remplacer le sacrement de réconciliation par une aide psychologique: avec ce danger que ceux qui la donnent ne sont pas forcément qualifiés pour cela. Ils ont aussi trouvé exagérées les promesses de guérison.

En conclusion de leur rapport, les évêques membres de la commission recommandent la formation d’une équipe dont le rôle serait de discerner et de guider les gens, en particulier en ce qui concerne le don des langues, les visions, les guérisons, l’aide psychologique. Cette équipe aurait aussi à donner son approbation dans le choix des personnes désirant donner leur témoignage au cours des conventions et retraites.

Mais les résultats de l’enquête ne sont pas acceptés par tout le monde. Un chrétien originaire de Kochi, M. Rajan George, qui a, au cours d’une retraite charismatique, été guéri de son penchant pour la boisson, commente: “Les évêques reprochent aux charismatiques de nous donner ce qu’eux mêmes ne peuvent pas nous donner”. De son côté, le P. James Manjakal accuse la commission de se contredire en prétendant que “le mouvement est à la fois une bénédiction et une malédictionIl se plaint de ce que les membres de la commission n’ont consulté ni lui ni les autres prédicateurs, mais sont allés trouver des personnes hostiles au mouvement. Quant à l’argent, il est, selon le religieux, utilisé pour aider les pauvres et pour offrir une compensation financière à ceux qui viennent donner leur témoignage au cours des conventions et retraites. Pour lui, les décisions de la commission épiscopale vont “à l’encontre de la Parole de Dieu. Elles ne nous lient pas”.