Eglises d'Asie

La faveur de l’Etat pour l’Islam mise en cause par des catholiques et des musulmans

Publié le 18/03/2010




Au cours d’un séminaire destiné à marquer le quarantième anniversaire de la présence de la Société du Verbe divin à Jakarta, deux intellectuels catholiques ont fait part des fruits de leur réflexion sur la renaissance actuelle de l’islam et sur l’appui que lui accorde le groupe politique au pouvoir. Le premier d’entre eux, Frans Seda, a été ministre du gouvernement et président du Parti catholique indonésien, aujourd’hui disparu. Le second, Daniel Dhakidae, spécialiste en science politique, a obtenu un doctorat à l’université Cornell aux Etats-Unis et fait partie de la direction du journal Kompass, quotidien d’inspiration catholique.

Frans Seda a fait remarquer que si toutes les politiques mises en oeuvre par le parti au pouvoir sont désormais parées des couleurs de l’islam, c’est pour mieux prendre le contrôle de ce groupe religieux majoritaire dans la nation. Il a qualifié d’extrêmement dangereux les efforts entrepris aujourd’hui pour définir et interpréter le “Pancasila” en fonction d’une seule religion. On neutralise ainsi la fonction d’unification de cette idéologie d’Etat. Il en a conclu que si l’on ne s’oppose pas à ce type de politique, la nation ira vers sa désintégration.

Pour sa part, Daniel Dhakidae a analysé en termes de stratégie, le soutien accordé à l’islam par l’actuel groupe dirigeant. Il y voit surtout un effort des autorités pour se maintenir au pouvoir, coûte que coûte. Elles ne peuvent en effet trouver ailleurs un soutien plus sûr. La population n’accorde plus sa confiance et sa fidélité qu’à la religion. Le sachant, le régime exploite le sentiment religieux islamique au mieux de ses intérêts. Il a ajouté que ce soutien accordé à l’islam avait pour résultat d’accentuer encore l’écart entre les minorités religieuses, en particulier le christianisme, et le reste de la population. “Les régions reculées de population à prédominance chrétienne, sans accès à l’éducation et sans moyens économiques sont désormais de plus en plus identifiées avec l’esprit retardataire”.

Quatre jours après le séminaire, le 4 juin 1995, un précieux appui a été apporté par un dirigeant religieux musulman aux thèses soutenues par les deux intellectuels catholiques lors du séminaire. En effet, lors d’une rencontre organisée par le mouvement des étudiants nationalistes, Abdurrachman Wahid, chef du Nahdlatul Ulama, l’organisation islamique socio-religieuse la plus importante du pays, lauréat du prix Magsaysay en 1993, a accusé le gouvernement de favoriser l’islam au détriment de l’ensemble de la société. Selon lui, certains groupes sont en train d’essayer d’islamiser le concept de nationalisme indonésien: “A leurs yeux, a-t-il dit, les nationalistes doivent être musulmans. Ceci est une vue dangereuse qui ne peut conduire qu’à la désintégration du pays