Eglises d'Asie

Décès de Mgr Paul Nguyên Van Binh, archevêque de Hô Chi Minh-Ville

Publié le 18/03/2010




Samedi, 1er juillet, à 6 heures du matin (heure locale) Mgr Paul Nguyên Van Binh, archevêque de Hô Chi Minh-Ville, est décédé à l’âge de 84 ans dans son archevêché. Voilà déjà quelques années qu’il souffrait de troubles cardiaques et pulmonaires qui l’avaient obligé à de fréquents séjours à l’hôpital. L’état particulièrement préoccupant de sa santé avait poussé le Saint-Siège, au mois d’août 1993, à nommer d’urgence un administrateur apostolique (sede plena) pour le diocèse.

Dès lundi, la dépouille de l’archevêque a été transportée de l’archevêché à la cathédrale Notre Dame. Dans la matinée du mercredi, 5 juillet, une foule estimée à trente mille personnes selon certains, à douze mille personnes selon d’autres, se pressait sur le parvis de la cathédrale Notre Dame pour assister à ses obsèques. Seules des délégations de 700 fidèles par arrondissement avaient eu accès à la cérémonie. La célébration avait d’abord été prévue à l’intérieur de la cathédrale par Mgr Huynh Van Nghi, administrateur apostolique du diocèse. C’est le parvis qui a été finalement choisi. Le cardinal archevêque de Hanoi, Mgr Pham Dinh Tung, présidait la concélèbration à laquelle participaient une grande partie de l’épiscopat vietnamien et le nonce apostolique de Bangkok, Mgr Luigi Bressan, venu représenter le Souverain Pontife. Un évêque de la même génération que l’archevêque défunt, Mgr Nguyên Van Mâu, son ancien collègue au grand séminaire, a prononcé l’homélie. Le cercueil rouge et or a ensuite été transporté à bout de bras jusqu’au grand séminaire où il a été immédiatement inhumé dans une tombe préparée dans la chapelle. Mgr Binh avait exprimé le voeu d’y être enterré à côté des restes des missionnaires français morts à Saigon. La foule a suivi la dépouille jusque dans les locaux du grand séminaire, devenus très rapidement trop étroits pour une telle affluence.

La veille de l’enterrement, le 4 juillet, dans un télégramme envoyé du Vatican au cardinal Paul Pham Dinh Tung, le cardinal Etchegaray rappelait les relations fraternelles qu’il entretenait avec Mgr Binh, relevait la foi et la patience de celui qu’il appelait “le bon pasteur” et considérait le décès de Mgr Binh comme une épreuve pour tout le peuple vietnamien.

Les autorités vietnamiennes ont rendu hommage à l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville dès le surlendemain de son décès. Le lundi, les deux quotidiens nationaux, l’organe officiel du Parti et celui de l’armée populaire, publiaient à la une la photo de l’archevêque défunt, accompagnée d’une courte biographie. Le n° 6 du Bureau politique, M. Vu Oanh, spécialiste des questions religieuses, est venu au nom du secrétaire général du Parti présenter une gerbe lors de la veillée du corps organisée à l’archevêché de Saigon. Il était accompagné des autorités municipales. Des gerbes ont aussi été envoyées avant l’enterrement par deux hauts dirigeants du Parti et de l’Etat, M. Lê Duc Anh, président, et M. Vo Van Kiêt, premier ministre. L’ancien secrétaire général du Parti, M. Nguyên Van Linh, aujourd’hui conseiller du Comité central, est aussi venu honorer Mgr Binh avec qui il entretenait des relations cordiales.

Mgr Nguyên Van Binh était né le 1er septembre 1910 à Luong Hoa (Long An), dans une famille modeste qui vint bientôt s’installer dans la paroisse de Tân Dinh à Saigon. Il fut élevé par son père, membre du conseil de notables de la paroisse. Son curé l’envoya, très jeune au petit séminaire de Saigon où il accomplit tout son cycle d’études secondaires. En 1932, il vint à Rome pour y poursuivre ses études de théologie au collège de la Propagande. C’est là qu’il fut ordonné prêtre en 1937. A son retour au Vietnam, il fut d’abord nommé dans une petite paroisse de la Plaine des joncs, puis rappelé au séminaire comme enseignant. C’était le début de la guerre franco-vietnamienne et comme beaucoup de jeunes prêtres vietnamiens de l’époque, il marqua sa sympathie pour la cause de l’indépendance de son pays. En 1948, il était de nouveau curé, cette fois dans la région de Dalat à Câu Dât. L’évêque de Saigon le rappela au séminaire en 1955. Quelques mois plus tard, il était nommé évêque de Can Tho, diocèse nouvellement érigé.

En 1960, il fut nommé évêque de Saigon qui, en 1975, devint le diocèse de Hô Chi Minh-Ville. C’est là qu’il est resté jusqu’à sa mort. De tempérament pacifique, après le changement de régime d’avril 1975, il refusa l’épreuve de force avec le nouveau pouvoir et s’efforça de faciliter la vie des catholiques dans la nouvelle société. Dès les premiers jours, après Mgr Nguyên Kim Diên, archevêque de Huê, dans plusieurs déclarations publiques, il se réjouissait de la paix retrouvée et appelait les chrétiens à s’engager sans crainte dans la reconstruction du pays. Il fut un des inspirateurs de la lettre commune des évêques du Vietnam demandant aux chrétiens de vivre l’évangile au sein de leur peuple. Sa bonne volonté et son autorité furent reconnues par les autorités communistes elles-mêmes. Le premier ministre dans une interview de 1993 lui a rendu hommage: “En tant que membre éminent de la hiérarchie religieuse, il s’est dépensé au service de la religion, mais en même temps, il n’a pas oublié ses obligations à l’égard de son peupleDans une interview donnée à un grand journal de Saigon quelque temps avant de mourir, Mgr Binh avouait attendre encore que se réalisent des voeux qu’il avait formulés vingt ans plus tôt: “… que mon pays soit riche et prospère… que la religion se développe, que les activités religieuses soient libres et normalisées”

Mgr Nguyên Van Binh, très aimé du peuple chrétien, laisse les fidèles dans la tristesse et le diocèse dans une situation particulièrement délicate, d’autant plus que les autorités civiles refusent depuis bientôt deux ans d’accepter l’administrateur apostolique nommé par Rome qui aurait normalement dû lui succéder.