Eglises d'Asie

Quatre religieux et deux laïcs bouddhistes condamnés à des peines de prison

Publié le 18/03/2010




Malgré leurs demandes, les représentants de la presse internationale et des missions diplomatiques à Saigon n’ont pas été autorisés à assister au procès intenté le 15 août 1995 à six religieux et laïcs bouddhistes. Prévu pour durer trois jours, le procès s’est achevé en un jour et, le soir-même, le verdict prononcé par la tribunal populaire était déjà connu de toutes les agences de presse. Le principal accusé, le vénérable Thich Quang Dô, a été condamné à une peine de cinq ans de prison tandis que les autres inculpés, trois religieux et deux laïcs se sont vu infliger des condamnations allant de cinq ans de prison ferme à deux ans et demi avec sursis. La peine la plus légère a été prononcée contre la seule femme du groupe des accusés (12). Les trois avocats français requis par la défense n’ont pas obtenu de visa d’entrée pour le Vietnam et ce sont des avocats commis d’office qui ont assuré les plaidoiries. Seuls quelques religieux appartenant à l’Eglise bouddhique patronnée par l’Etat ont pu être témoins des débats.

C’est sous le couvert d’une accusation de portée très générale que les six inculpés avaient été réunis dans l’enceinte du tribunal pour un même procès, appelé par la presse officielle “procès de Dang Phuc Tuê (nom séculier de Thich Quang Dô) et de sa cliqueTous étaient poursuivis pour avoir “saboté la politique gouvernementale d’union des religions… et utilisé la liberté et la démocratie pour attenter aux intérêts de l’Etat” (13). Cependant derrière cet énoncé général se cachaient des faits bien précis et de nature différente, qualifiés de crimes par le tribunal et, à ce titre, reprochés aux divers accusés.

Le plus connu de ceux-ci était le vénérable Thich Quang Dô, secrétaire général et deuxième personnage dans la hiérarchie de l’Eglise Bouddhique unifiée. Banni de Hô Chi Minh-Ville et exilé au Nord-Vietnam en février 1982 pour s’être opposé à la création d’une Eglise bouddhique contrôlée par le gouvernement, il avait pris lui-même la décision de mettre un terme à son exil en 1992 et de revenir à Saigon où il avait repris ses fonctions de secrétaire général. Il avait été arrêté le 4 janvier 1995 (14) et de nouveau amené en exil où il se trouvait juste avant le procès. Trois crimes principaux lui ont été imputés. On lui a reproché en premier lieu la rédaction et la diffusion d’un manifeste de quarante pages, intitulé “Remarques sur les erreurs néfastes commises par le communisme à l’endroit du peuple et du bouddhisme vietnamiens” (15). Il lui a aussi été fait grief d’avoir installé sur le mur de sa pagode une pancarte portant l’inscription “Institut de propagation du Dharma (16) de l’Eglise bouddhique unifiéeDans l’acte d’accusation figurait aussi la mention de trois textes envoyés à l’étranger par télécopie et accusant la police de s’être emparée de produits de premier secours destinés aux victimes des inondations du Mékong.

Outre la publication de textes critiquant la politique religieuse du gouvernement, la fondation d’une association pour la défense du Dharma, la principale charge retenue contre les cinq autres accusés (les vénérables Thich Không Tanh, Thich Nhât Ban, et Thich Tri Luc, ainsi que M. Nhat Thong et Mme Dong Ngoc) a été d’avoir organisé une mission d’aide au profit des victimes des inondations du Mékong. Les cinq religieux et laïcs avaient été arrêtés à Hô Chi Minh-Ville le 5 novembre 1994 et dans les jours qui ont suivi alors qu’ils acheminaient vers le delta du Mékong un convoi de vivres et de médicaments (17). Peu avant le procès, deux d’entre eux avaient poursuivi une grève de la faim pour protester contre le refus du pouvoir vietnamien d’autoriser trois avocats français à venir assurer leur défense.

Grâce aux confidences de religieux présents au procès, quelques informations relatives aux débats ont été rapportées. Les accusés qui n’avaient pas l’autorisation de porter leur habit religieux ont été appelés tout au long du procès par leur nom séculier. Ils n’ont pu assurer leur propre défense comme ils l’auraient voulu et n’ont répondu aux questions que par oui ou par non. Cependant après la proclamation de la sentence, interrogés par le tribunal pour savoir s’ils demandaient l’indulgence des autorités, ils ont refusé en disant. “Nous ne demandons aucune indulgence, car nous n’avons commis aucun crime. Que l’Etat fasse ce qu’il a envie de faire

Le lendemain du procès, les autorités vietnamiennes annonçaient par l’intermédiaire de l’Agence Vietnam Presse, que le vénérable Thich Huyên Quang, patriarche de l’Eglise bouddhique unifiée, ainsi que le vénérable Thich Long Tri, premier responsable de la mission d’aide aux victime des inondations du Mékong, seraient jugés prochainement dans des tribunaux du Centre-Vietnam, quand l’instruction de leurs cas sera terminée (18). On a aussi appris que, le 17 août, les trois religieux condamnés dans la procès du 15 août avaient fait appel contre le jugement injuste et calomniateur rendu contre eux (19).

Les réactions internationales à ce procès se sont multipliées. Le jour-même du procès des bouddhistes, un porte-parole du département d’Etat qui réagissait aussi au procès des neuf opposants politiques du 12 août précédent a fait savoir que cette répression n’était pas la bienvenue et qu’elle était susceptible de retarder l’obtention des avantages commerciaux souhaités par le Vietnam. Celui-ci rétorquait aussitôt qu’il refusait de lier les droits de l’homme aux négociations commerciales. Deux jours plus tard, un haut responsable américain a demandé au gouvernement vietnamien de “reconsidérer” les diverses condamnations. Beaucoup d’organisations internationales ont été particulièrement attentives aux deux derniers procès de Hô Chi Minh-Ville. C’est en particulier le cas de “Human rights Watch” et de “Amnesty international”.