Eglises d'Asie

BOUDDHISME ET CHRISTIANISME : CONVERGENCES ET DIVERGENCES Déclaration finale du colloque interreligieux de Taiwan

Publié le 18/03/2010




1- Au vu du désir mutuel ressenti par les bouddhistes et les chrétiens de se rencontrer au niveau international, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a organisé un colloque bouddhiste-chrétien dans les locaux de l’ordre bouddhiste Fo Kuang Shan à Kaohsiung, Taiwan, du 31 juillet au 4 août 1995.

Le colloque sur le thème “bouddhisme et christianisme, convergences et divergences”, a rassemblé dix intellectuels bouddhistes et dix chrétiens, venant du Japon, de Taiwan, du Sri Lanka, des Etats-Unis et d’Italie.

Inhérentes au succès du colloque ont été l’atmosphère de prière, l’observation monastique rigoureuse, l’hospitalité généreuse de la communauté et la sérénité du lieu. De plus, l’ordre bouddhiste Fo Kuang Shan a prêté une collaboration efficace au cheminement sans heurt de ces journées.

L’ordre du jour du colloque incluait quatre sujets: la condition humaine, le besoin de libération, la réalité ultime et le Nirvana, Bouddha et le Christ, le détachement personnel et l’engagement social.

Vivant ensemble pendant cinq jours, lisant les contributions et discutant les croyances et valeurs des deux traditions, participant à des dialogues en groupes plus restreints, les participants bouddhistes et chrétiens ont pu arriver à une compréhension réciproque plus profonde des convergences et divergences des deux religions. En communiquant ce qui avait le plus de valeur sur le plan religieux dans leurs coeurs et leurs esprits, les participants du colloque sont arrivés à un respect mutuel plus profond pour leurs traditions réciproques. Beaucoup de malentendus ont été clarifiés par ce processus de dialogue et il y a eu une réelle croissance pour chacun dans la perception et l’appréciation de la religion de l’autre.

2-La condition humaine et le besoin de libération

Bouddhisme et christianisme s’accordent à reconnaître que la condition humaine est en quelque sorte imparfaite, et admettent la possibilité d’une transformation positive. L’approche bouddhiste de la condition humaine est d’examiner l’expérience humaine, d’en présenter une analyse précise, et une méthode pratique qui amène à la libération. L’analyse bouddhiste traditionnelle affirme que l’énergie du karma enracinée dans l’ignorance et l’attachement à soi sont les causes de la souffrance humaine et du mal. Les bouddhistes proposent un chemin hautement moral, une pratique de méditation profonde, et une grande sagesse comme remèdes à cette condition. Selon la tradition chrétienne, chaque être humain est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Cependant, nous en expérimentons les limites non seulement à cause de notre statut de créatures mais aussi par suite des conséquences du péché originel. Cet héritage produit des limitations causées par l’ignorance, la concupiscence, l’aliénation de soi, des autres et de Dieu, et même la mort. Au coeur de l’histoire chrétienne du salut, se trouve le mystère pascal de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, mystère à travers lequel la condition humaine est définitivement transformée et participe à la vie divine de la grâce.

3- La réalité ultime et l’expérience du Nirvana

Dans leurs traditions respectives, bouddhisme et christianisme proposent un idéal concret de perfection humaine. Pour les bouddhistes, cet idéal comporte un équilibre subtil, dans l’oubli de soi, pur et détaché, entre une sagesse éveillée et un engagement de compassion dans le monde. Bien que la nature précise du Nirvana ne puisse pas s’exprimer facilement, sa réalisation comporte à la fois une libération de soi et la liberté de vivre pleinement pour le bien des autres. Enraciné dans la révélation biblique et accompli dans la personne de Jésus-Christ, l’idéal chrétien est toujours vu dans une perspective théiste. En tant que pèlerins sur la terre, les chrétiens sont appelés à trouver la perfection dans l’union avec Dieu. Cette union est une participation dynamique et commune dans la vie du Dieu trinitaire. Puisque Dieu est lumière et amour, cette perfection comporte à la fois l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Cette vie d’amour est nourrie par la Parole de Dieu et les sacrements.

4- Bouddha et le Christ

Une divergence importante entre les deux traditions se trouve dans les compréhensions respectives des figures de Bouddha et du Christ. Il a été clarifié que le Bouddha est un être humain “illuminé” qui nous montre la perfection de l’être-Bouddha (parfait oubli de soi manifesté comme pureté, compassion et sagesse) et donne aux gens l’espérance qu’ils peuvent eux-mêmes atteindre cet idéal. L’être-Bouddha qui peut être accompli est la condition positive de l’intégralité humaine et la liberté caractérisée par l’amour, la compassion, la joie sympathique, et l’affinité, qui font que l’on peut vivre pleinement pour le bien des autres. Un grand mouvement historique est né (la Sangha) avec un message de libération spirituelle pour tous les êtres sensibles. Il fut aussi compris plus clairement que, pour les chrétiens, Jésus-Christ est la manifestation de la volonté salvatrice de Dieu, l’incarnation de la seconde personne de Trinité, apportant une fois pour toutes la lumière du salut dans le monde pour toute l’humanité. Par la grâce de cet Evénement “qui illumine toutes les personnes” (Jn 1,9), la signification de l’histoire individuelle et humaine est révélée. Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, l’amour infini et la miséricorde de Dieu, source du salut, sont aussi révélés. Cet événement central du salut du monde a culminé dans le don du Saint-Esprit à la Pentecôte. L’Eglise est alors née comme rassemblement de tous les peuples toutes les langues et toutes les races pour être la famille de Dieu sur la terre.

5- Détachement personnel et engagement social

Le lien entre pratique spirituelle et engagement social a été pour les chrétiens et les bouddhistes un sujet de dialogue, mais aussi une occasion de

collaboration. Pour les bouddhistes, plus l’esprit est purifié et plus profondes sont la sagesse et la compassion. Dans la sérénité de l’esprit, ils essayent d’amener la paix dans le monde en appliquant les enseignements du Bouddha à leur contexte personnel et social. Il a été noté que Bouddha lui-même s’était engagé dans une mission de renonciation à soi et avait conseillé à ses disiples de vivre de la même manière pour leur bien-être et celui du peuple. Dans l’esprit des enseignements du Bouddha, dans le détachement et la compassion, les bouddhistes d’aujourd’hui s’engagent pratiquement dans de nouvelles formes de service social et spirituel. Dans l’histoire récente du christianisme, il y a eu un renouveau de l’engagement traditionnel pour la justice sociale qui est compris comme inséparable de la vie de foi. C’est le détachement enseigné par Jésus-Christ qui rend quelqu’un libre d’actualiser la libération qu’il a gagnée pour tous. La dimension sociale de cette libération invite le chrétien à se dévouer consciemment et totalement à une vie de charité et de service des autres, avec une option préférentielle pour les pauvres, et développe une perception particulière de l’environnement global.

6- Les participants bouddhistes et chrétiens du colloque ont aussi reconnu qu’ils se réunissaient dans un monde déchiré par les divisions, la pauvreté et l’injustice, la violence et la guerre, l’érosion des valeurs spirituelles et la destruction de la nature. Ils ont réaffirmé le besoin des religions aujourd’hui de promouvoir une transformation personnelle et sociale pour amener un monde plus paisible. Finalement, il y a eu une prise de conscience qu’un dialogue vrai en profondeur peut renforcer une impulsion créative pour travailler ensemble à une authentique amitié interreligieuse pour une unité plus grande entre tous les peuples et nations. L’espoir des participants est que cette réunion nous rendra capables de grandir dans la connaissance et l’expérience de nos traditions propres et celles des autres, ouvrant ainsi la possibilité d’autres rencontres à divers niveaux, locaux, nationaux et internationaux.