Eglises d'Asie

Les dalits chrétiens continuent la lutte pour faire reconnaître leurs droits, mais des voix discordantes se font parfois entendre

Publié le 18/03/2010




Le 25 octobre 1995, à Delhi, au cours d’une réunion qui a rassemblé la commission épiscopale pour les Dalits et les représentants du “Mouvement panindien des chrétiens unis pour l’égalité des droits”, une nouvelle campagne de protestations a été décidée. Elle a été lancée le 18 novembre et s’est terminée le 30. Ces dates ont été fixées afin de faire coïncider la campagne avec l’ouverture de la session d’hiver du parlement, le 27 novembre.

Le premier jour, la Mère Teresa de Calcutta a lancé une grève de la faim qui s’est poursuivie pendant les treize jours de la campagne. Le 21 novembre, les écoles dirigées par les chrétiens ont été fermées dans toute l’Inde, et, le dernier jour, une convention nationale a été convoquée dans la capitale. Au cours de la prière inaugurale, la Mère Teresa a appelé à l’unité: “Que dans ce beau pays, il n’y ait ni séparation ni division; qu’y règnent la paix et l’unitéa-t-elle dit. Sa présence ne pouvait manquer d’attirer l’attention des médias. Mais les commentaires n’ont pas tous été positifs: “Espérons qu’un personnage de la stature de la Mère Teresa ne va pas être rabaissé au rang des politiciens myopesécrivait un journaliste, M. Chandan Mitra, le 20 octobre 1995. Après le début du jeûne, il ajoutait: Elle aurait dû choisir “un auditoire mieux approprié pour lancer son message tellement émouvant; elle aurait dû choisir un autre sujet que cette question, source de tant de divisionsDe son côté, le quotidien Hindustan Times reprochait à la religieuse sa présence au milieu d’un groupe qui prétendait défendre une “cause sectaire

A l’intérieur de l’Eglise même, des murmures commencent à se faire entendre: non pas pour critiquer la position de la conférence épiscopale et d’autres institutions sur cette question difficile, mais plutôt pour demander que les paroles soient davantage suivies d’actes. Le 6 novembre 1995, le Frère José Daniel, Frère de Saint Gabriel et président du “Mouvement panindien des chrétiens unis pour l’égalité des droits”, se plaignait par exemple d’avoir du mal à “trouver les ressources nécessaires pour continuer la lutteIl accuse par ailleurs les groupes appartenant à l’Eglise de simplement sacrifier à la mode du jour lorsqu’ils militent en faveur des dalits. Ils oublient de mettre en oeuvre les décisions prises. “Les Eglises, dit-il, devraient encourager les dalits par des actes pratiques. Elles montreraient par là qu’elles s’en soucient vraiment

Chez les protestants aussi, plusieurs accusent les groupes chrétiens d’action en faveur des dalits de se diviser selon des critères d’ordre confessionnel. Une accusation que d’autres réfutent avec indignation. C’est ainsi que M. Jaikaran Joseph, membre du “Mouvement chrétien pour la libération des dalits”, une organisation protestante, se félicite d’avoir vu l’Eglise catholique prendre une part active à une manifestation qu’il avait organisée à Madras. De son côté, le Rev. James Massey, de la “Société pour la promotion de la connaissance chrétienne”, nie qu’il y ait la moindre division entre les groupes chrétiens luttant pour les droits des dalits.

Il n’en reste pas moins que lors de la réunion du 25 octobre 1995, l’archevêque de Delhi, Mgr Alan de Lastic, a demandé aux organisateurs des manifestations prévues pour la fin-novembre, de ne pas s’adresser à lui pour financer les opérations. Ce qui provoque l’étonnement de M. Jose Chiramel, président de l’Union catholique panindienne, qui voit l’Eglise dépenser sans trop compter lorsqu’il s’agit de protester contre les sévices subis par des religieuses, mais hésiter à faire la même chose en faveur des dalits.