Eglises d'Asie

Réfugiés vietnamiens: y aura-t-il pour eux une deuxième chance offerte par les Etats-Unis ?

Publié le 18/03/2010




Alors que quelque trente jours seulement nous séparent de l’échéance initialement prévue pour la totale évacuation des réfugiés vietnamiens hors des camps de l’Asie du sud-est, jamais encore l’avenir de ceux-ci n’est apparu plus incertain. En ce dernier acte d’une tragédie dont l’enjeu est le sort de près de quarante mille Vietnamiens qui s’obstinent à résister au rapatriement vers leur pays, la situation semble se figer et ne point évoluer. L’indécision s’empare même des principaux acteurs.

Ainsi le Haut-commissariat aux réfugiés qui, le 23 août dernier, par la bouche de son principal responsable, M. Casella, avait annoncé à grand fracas l’abandon de ses responsabilités dans les camps pour la fin de l’année 1995 (23), vient de changer d’avis et a fait savoir qu’il maintiendrait son activité jusqu’au mois de juin 1996. Selon des information recueillies par la presse de Hongkong auprès de fonctionnaires du Haut-commissariat, celui-ci s’estimerait lié par ses responsabilités morales et humanitaires à l’égard de ceux que pourtant il ne considère plus comme des réfugiés. Il assurera pour eux la fourniture de provisions et des médicaments essentiels, mais ne rétablira ni les écoles ni les autres services déjà supprimés depuis le début de l’année (24).

La même hésitation règne dans l’ensemble des pays de premier accueil qui, ces temps derniers, n’ont renvoyé vers le Vietnam que de maigres contingents de réfugiés malgré l’engagement, pris à Kuala Lumpur en février 1995, d’en rapatrier 3 600 par mois. Aucun jusqu’ici n’a atteint cet objectif. Le gouvernement de Hongkong se heurte au refus constant des demandeurs d’asile. Les 11 conseillers du Haut-commissariat qui au début du mois de novembre ont essayé de persuader les 1 100 Vietnamiens du camp de Whitehead de s’inscrire pour un départ volontaire au Vietnam, n’ont recueilli que 4 réponses favorables assorties de certaines conditions. Le gouvernement a été obligé de recourir au rapatriement forcé, procédure coûteuse, compliquée et, de surcroît, impopulaire. Les deux derniers ont eu lieu au mois d’octobre et ont concerné 168 demandeurs d’asile (25). Selon certains observateurs de Hongkong un nouveau départ forcé devrait avoir lieu à la fin du mois de novembre (26).

Bien qu’il continue de déclarer publiquement qu’il veut se débarrasser des camps le plus rapidement possible, le gouvernement de Hongkong ne semble plus avoir d’idée précise. Il participera avec l’ensemble des pays concernés à une réunion de concertation qui aura lieu à Bangkok peu de temps avant Noël. Peu d’observateurs peuvent aujourd’hui deviner les nouvelles orientations qui y seront envisagées.

De toute façon, elles devront tenir compte des pourparlers secrets qui, depuis quatre mois, se déroulent à Hanoi entre le Vietnam et les Etats-Unis au sujet de l’énigmatique solution proposée par le département d’Etat, la deuxième voie “track two” (27). Une délégation américaine conduite par un haut fonctionnaire du département d’Etat, Charles Sykes, vient de discuter de ce sujet à Hanoi au début du mois de novembre, mais peu de renseignements ont filtré sur le contenu des débats. Les grandes lignes de la solution américaine commencent à être mieux connues. Une nouvelle sélection serait opérée par des agents de l’immigration américaine parmi les actuels pensionnaires des camps de réfugiés, leur donnant une nouvelle chance de s’établir aux Etats-Unis, à condition que, préalablement, ils acceptent de quitter les camps et de revenir au Vietnam. Trois catégories de réfugiés pourraient être accueillis aux Etats-Unis: ceux qui, avant 1975, ont été particulièrement liés aux Etats-Unis ou à l’ancien régime, les personnes récemment libérées des camps de rééducation ou susceptibles d’être persécutées pour leur foi religieuse, enfin tous ceux qui entretiennent une crainte bien fondée d’être persécutés à leur retour.

Cependant, on voit très mal la façon dont ce projet pourrait prendre une forme concrète au Vietnam et, en particulier, comment les autorités vietnamiennes pourraient reconnaître l’existence de ces différentes catégories de réfugiés.

Pour le moment, les réactions du gouvernement vietnamien ne sont pas connues. On sait seulement que ses représentants ont fait valoir à la délégation américaine que ce projet risquait de provoquer un nouvel exode de boat-people en direction des pays de premier asile et que, par ailleurs, cette nouvelle chance donnée aux derniers 40 000 pensionnaires des camps serait considérée comme une injustice par les 73 000 autres Vietnamiens ayant accepté de revenir volontairement dans leur pays.