Eglises d'Asie

A quelques mois des prochaines élections, le premier ministre essaie de s’attirer les bonnes grâces des musulmans

Publié le 18/03/2010




Depuis plusieurs mois, le premier ministre indien, M. P.V. Narasimha Rao essaie par divers moyens de regagner la faveur de la communauté musulmane. On peut lire cette intention par exemple dans le refus “arbitraire” opposé récemment à la demande de visa faite par Mme Taslima Nasreen, cette femme-écrivain du Bangladesh qui a dû fuir son pays pour échapper à la vindicte des fondamentalistes musulmans (3). D’après M. Ajoy Bose, dans la “Far Eastern Economic Review” de Hongkong, des pressions auraient été exercées sur les responsables du ministère des Affaires étrangères de Delhi en vue d’imposer ce refus.

Dans les premiers mois de 1996, des élections nationales donneront aux Indiens l’occasion de renouveler le parlement. Elles auront lieu dans la confédération indienne toute entière. Or lors d’élections régionales en 1994-95, le parti du Congrès, dont M. Narasimha Rao est le leader, a perdu le pouvoir en plusieurs Etats. Les musulmans, qui forment presque 12% de l’électorat indien, ont, contrairement à leur habitude, boudé le parti au pouvoir (4). Ils voulaient par là, semble-t-il, prendre une sorte de revanche contre le premier ministre, qui n’avait pas su empêcher la destruction de la mosquée d’Ayodhya, en Uttar Pradesh, le 6 décembre 1992 (5). Sentant sa popularité en baisse et effrayé de la montée du BJP (“Parti du Peuple indien”), un parti hindou de droite à tendance fondamentaliste, M. Rao s’est donc, depuis plusieurs mois, lancé dans une offensive de charme à l’égard du clergé musulman. C’est ainsi que M. S. Chavan, le ministre de l’Intérieur, qui est considéré comme le numéro deux du cabinet, a reçu la mission de négocier avec les théologiens musulmans à travers tout le pays. Il visite mosquées et lieux de pèlerinages et essaie de dialoguer avec les imams. Par ailleurs, le 15 août 1995, M. Narasimha Rao lui-même, dans son discours du jour de l’Indépendance, promettait que le gouvernement n’interférerait en rien avec les lois et coutumes othodoxes des musulmans. Cette déclaration venait à la suite d’une demande émanant de la cour suprême qui réclamait l’établissement d’un code civil unique pour toutes les communautés religieuses de l’Inde.

Mais les efforts du premier ministre indien sont diversement appréciés, y compris dans la communauté musulmane elle-même. Au sein de celle-ci, des libéraux craignent que le gouvernement ne finisse par se mettre définitivement à dos leurs coreligionnaires: “Ce sont les mullahs qui sont les premiers responsables de la pauvreté et de l’état de stagnation dans laquelle se trouve la communauté musulmane. Si l’on veut gagner leurs votes, c’est aux masses musulmanes elles-mêmes qu’il faut s’adresserdit un membre du gouvernement fédéral.

Les libéraux proposent que soit remis à l’honneur un programme en quinze points préparé autrefois par Indira Gandhi dans le but de procurer aux musulmans davantage de travail et de favoriser l’éducation de leurs enfants. Il y était prévu par ailleurs de recruter de plus nombreux musulmans pour la police et les forces de sécurité.

Une autre suggestion a été faite par le ministre délégué aux affaires sociales, M. Sitaram Kesari. Elle demande que l’on réserve aux musulmans des emplois et des places dans les universités, comme on le fait pour les hindous des basses castes. Déjà, un musulman a été nommé à la tête de la cour suprême, un autre secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et un troisième ministre chargé des minorités.

Et pourtant, dit M. Ajoy Bose, “M. Rao risque fort de se retrouver assis entre deux chaisesLes électeurs musulmans semblent rester de glace devant les avances du premier ministre. Selon les termes d’un journaliste musulman, M. Faraz Ahmed, “il peut bien essayer de graisser la patte au clergé ou à la communauté, cela ne servira à rienEt la décision de refuser un visa à Mme Nasreen, simplement pour leur faire plaisir, risque de faire le jeu du BJP.