Eglises d'Asie

Le cardinal Pham Dinh Tung dresse un état des lieux de l’Eglise du Vietnam

Publié le 18/03/2010




Lors de son passage à Rome où il était venu participer à une réunion de la commission “Cor Unum”, du 25 au 28 octobre 1995, le cardinal archevêque de Hanoi, Mgr Pham Dinh Tung, a passé une journée, le 6 novembre 1995, avec la communauté des prêtres, religieux et religieuses vietnamiens de la capitale italienne. A cette occasion, il a évoqué devant eux la situation de son pays (8). Selon le cardinal, le Vietnam se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire, un tournant qu’il a caractérisé à grands traits.

Sur le plan matériel, l’introduction de l’économie de marché a permis à la population de gagner sa vie dans une plus grande liberté. Mais en même temps, l’écart s’est creusé entre une minorité de riches habitant dans les villes et la majorité de pauvres des campagnes et des régions de montagne. Les statistiques officielles évaluent à 20% le nombre de ceux qui souffrent de la faim trois mois par an. 10% de la population manquent de nourriture six mois par an. Le revenu moyen par tête à la campagne est au-dessous de 100 dollars par an.

Cette pénurie matérielle entraîne une autre pauvreté d’ordre spirituel, moral et religieux. Comme 80% des ressources des familles pauvres sont utilisées pour assurer leur subsistance, il n’en reste plus pour satisfaire les autres besoins de la vie. Il y a 10% d’illettrés pour tout le Vietnam. La proportion est beaucoup plus forte dans les campagnes que dans les villes. Les enfants quittent l’école avant l’âge requis, les parents n’ayant pas les moyens d’assurer les frais d’école. Le nombre des enfants livrés à eux-mêmes dans les rues des villes, les “poussières de la vie”, a augmenté d’une manière inquiétante.

Dans la société, l’ancien matérialisme dialectique s’est désormais transformé en un matérialisme hédoniste qui a sacralisé le dollar. Par suite, les fléaux sociaux, comme le chômage, la mendicité, la délinquance, la prostitution, ont pris des dimensions dramatiques et vont s’aggravant, favorisés par l’extension du tourisme et l’introduction dans le pays de littérature et d’enregistrements dits “décadents”.

L’Eglise catholique du Vietnam ne peut rester indifférente à cet état de choses. Le cardinal a énuméré les tâches auxquelles l’Eglise doit collaborer avec les diverses instances sociales : lutter pour l’élimination de l’analphabétisme, de la pauvreté, des fléaux sociaux et en même temps pour la promotion des valeurs humaines, morales et spirituelles dans une société menacée à la fois par le matérialisme pratique et divers courants de l’athéisme.

Mais pour mener à bien cette tâche, les moyens de l’Eglise au Vietnam sont encore limités. Le clergé est trop peu nombreux et ses capacités sont restreintes. La plupart des laïcs sont extrêmement pauvres et de niveau culturel peu élevé. Leur formation religieuse est superficielle et ils n’envisagent la pratique religieuse que dans le cadre de l’Eglise et des cérémonies religieuses. Rares sont ceux qui jouissent d’une position sociale élevée ou de capacités intellectuelles leur permettant d’influencer leurs compatriotes.

Le cardinal a appelé ses auditeurs à la prière et à la sainteté. Pour des raisons de santé, il a été obligé d’écourter son séjour en Europe, qu’il a quittée pour le Vietnam, le 17 novembre 1995. Il est le seul membre de l’épiscopat vietnamien à avoir accompli un voyage à Rome avec l’administrateur apostolique de Huê, Mgr Nguyên Nhu Thê venu participer à la réunion du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Les autres évêques dont la visite ad limina avait été prévue pour la fin de cette année sont attendus à Rome pour le printemps 1996.