Eglises d'Asie

L’EGLISE CATHOLIQUE DANS LA NATION INDONESIENNE

Publié le 18/03/2010




I – Introduction

Les catholiques célèbrent le cinquantième anniversaire de l’indépendance nationale avec une gratitude profonde pour le Dieu tout-amour, sa grâce et sa bénédiction, particulièrement pour le don qu’il nous a fait d’une vie libre, paisible et digne avec et au milieu de nos compatriotes.

Ce jubilé d’or est par conséquent l’occasion appropriée pour les catholiques de tenir cette grande assemblée nationale des évêques et du laïcat indonésiens. A cette réunion qui a duré du 28 octobre au 2 novembre 1995, les participants ont réfléchi à la vocation et aux devoirs des catholiques dans la société. Ils ont renouvelé leur détermination à encourager l’engagement des catholiques dans le développement de la vie nationale dans le présent et l’avenir.

II – La mission de l’Eglise dans le monde

Membres de la communion de l’Eglise universelle, les catholiques indonésiens partagent la mission que l’Eglise a reçue de Jésus-Christ.

L’Eglise est envoyée pour mettre en oeuvre l’action salvatrice de Dieu en soutenant continuellement la vie, en luttant pour la libération de l’humanité et l’intégrité de la création divine. Communion fraternelle fondée sur la foi, les catholiques sont envoyés pour être le signe de l’amour de Dieu, et témoins de la puissance du Royaume de Dieu dans la société à laquelle ils appartiennent.

L’Eglise est envoyée, en particulier pour se mettre du côté de ceux qui souffrent, des faibles, des pauvres, de ceux qui sont sans pouvoir, parce que Dieu est de leur côté. Dans les petits qui sont souvent des victimes, l’Eglise voit Jésus-Christ lui-même.

Koinonia, la vie communautaire chrétienne doit être pratiquée de telle manière que l’Eglise puisse mettre en oeuvre plus fidèlement sa diakonia, son service dans la société.

III – La mission des catholiques indonésiens

Comme la nation elle-même, les catholiques indonésiens sont pluralistes. La population catholique comporte beaucoup d’aborigènes, de groupes ethniques et raciaux appartenant à des cultures différentes. Ils font partie de groupes sociaux variés à l’intérieur de la société. Beaucoup de catholiques sont pauvres ou vivent très modestement dans des régions reculées du pays.

Une caractéristique unique est le fait que, étant une minorité parmi les musulmans, les hindous, les bouddhistes, les protestants et les fidèles des religions indigènes, les catholiques sont en même temps pleinement intégrés à la vie de la société dans laquelle l’abîme entre riches et pauvres demeure toujours évident.

C’est dans ce contexte que les catholiques sont appelés à témoigner d’un Dieu qui libère et qui donne la vie. Les catholiques sont appelés à construire la koinonia en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu à travers les Ecritures, en étant unis avec le Seigneur et entre eux par l’Eucharistie, et en s’aidant les uns les autres dans l’esprit d’amour fraternel du Christ.

Bien que minoritaires, les catholiques veulent devenir des éléments positifs irradiant la vertu et l’amour dans la société. On attend d’eux qu’ils défendent toujours ce qui est bon, droit, juste et tout ce qui contribue à la fraternité et à l’unité nationales.

Sans attendre de récompense, les catholiques travaillent avec d’autres membres de la société à promouvoir la justice, la paix et l’intégrité de la création.

Les catholiques sont appelés spécialement à porter attention aux plus faibles, aux pauvres, aux opprimés, à ceux qui sont sans pouvoir à l’intérieur même de la communauté catholique comme dans le reste de la société.

Les catholiques ne sont pas seuls à mettre en oeuvre la diakonia, mais ils le font en coopération avec d’autres membres et groupes de la société qui ont des idéaux positifs. Les catholiques sont particulièrement préparés à coopérer avec les fidèles des autres religions pour la sauvegarde et le progrès de la nation.

IV – Participation des catholiques dans la vie nationale

En tant que membres de la nation indonésienne, depuis l’époque du mouvement nationaliste pour l’indépendance (au début du XXème siècle) jusqu’aujourd’hui, les catholiques ont toujours été activement engagés dans toutes les dimensions de la vie de la nation et de l’Etat.

Le Pancasila comme fondement des attitudes

Le Pancasila, philosophie de l’Etat, devient réellement une garantie de liberté religieuse et de statut d’égalité pour tous les croyants. Fondement spirituel et moral de qualité, le Pancasila permet aux catholiques de se motiver dans un esprit de fermeté pour se battre afin de vivre leur indépendance dans la nation et en coopération avec lui (1).

En s’appuyant sur le Pancasila, les catholiques sentent qu’ils sont appelés à participer aux efforts de construction de la nation et de l’Etat.

L’avenir et les nouveaux défis

En regardant l’avenir qui n’est pas dépourvu de problèmes et de défis complexes, les catholiques perçoivent un certain nombre de courants qui nécessitent l’attention de tous.

La construction idéologique de la nation dans les deux premières décennies, puis le développement national qui a pris place depuis trois décennies, ont fait progresser le bien-être de la population.

Les succès de ce développement se manifestent de bien des manières : l’accès à de meilleurs moyens de communication, une mobilité sociale plus grande, une éthique du travail plus productive, un esprit critique plus développé, une plus grande espérance de vie, et de plus en plus de membres des classes moyennes dans des positions et des rôles importants dans la vie nationale.

La globalisation des réseaux d’information, la capitalisation, les télécommunications et les médias électroniques sophistiqués sont des phénomènes qui atteignent toutes les personnes dans les régions les plus reculées du monde. En même temps, une civilisation et une coopération mondiales sont en train de grandir comme on le voit dans l’établissement de diverses sortes de collaboration qui exigent une ouverture d’esprit et l’adoption de valeurs humaines universelles comme références communes.

Il est nécessaire aussi de prendre conscience des problèmes divers qui demeurent, comme la pauvreté et l’arriération, les abîmes sociaux et économiques, la crise des valeurs, le féodalisme qui freinent le processus de démocratisation de la nation.

L’indifférence à ces défis pourrait susciter des réactions étroites et primaires qui menaceraient l’unité nationale.

La vision nationale

En observant le développement du monde et l’expérience de la lutte de la nation indonésienne, les catholiques sont pleinement convaincus que la conscience nationale demeure nécessaire au maintien de l’identité et de l’unité nationales, et augmente la capacité de la nation de se développer.

La conscience nationale doit se débarrasser du processus qui mène à l’étanchéité sociale et à l’exclusivisme primaire. Il doit ouvrir les perceptions du peuple aussi largement que possible pour soutenir la réalisation totale des valeurs humaines dans tous les aspects du développement.

La conscience nationale doit se préoccuper de l’intérêt général et se rendre capable de créer une ambiance de vie nationale, juste et ouverte, dans laquelle tous les citoyens seront respectés et traités sans discrimination, dans laquelle tous seront égaux devant la loi en accord avec la dignité humaine de chacun, dans laquelle chacun aura la possibilité d’agir concrètement dans le domaine de son choix.

La conscience nationale stimule le processus d’émancipation humaine par l’élimination de la pauvreté, de l’arriération, des différences sociales et de toutes les formes d’aliénation.

La vocation des catholiques

Conscients des différents défis, les catholiques pensent qu’ils sont appelés à participer à l’effort de la nation et à la construction de l’Etat. Les catholiques ne travaillent pas pour leur propre intérêt mais pour le progrès de toute la nation.

Inspirés par l’esprit de Jésus-Christ, les catholiques ont conscience que, où qu’ils soient et dans quelque position que ce soit, ils sont envoyés pour rayonner de l’amour du Christ et de son amour pour la justice.

Cela signifie que, dans la vie sociale, les catholiques doivent montrer beaucoup de respect pour la dignité de l’homme et les droits de chaque individu, de chaque groupe et de toute la société. Ils doivent éviter l’utilisation de la violence et être prêts à payer une mauvaise action qui leur est faite par une bonne action et par l’amour. Ils doivent éviter la corruption, s’engager à travailler pour la paix, ne pas tolérer des pratiques injustes, et porter une attention particulière à la défense des droits et de la dignité humaine des pauvres et des petits.

Les catholiques doivent soutenir tous les efforts positifs du gouvernement mais, en tant que citoyens responsables, ils critiqueront et proposeront des corrections nécessaires pour le bien de la nation et dans l’intérêt général.

Conscients de leur vocation sacrée, les catholiques ne doivent pas être fermés sur eux-mêmes, mais participer pleinement à toutes les dimensions de la vie : sociale, politique, économique, culturelle. La solidarité nationale motivera les catholiques à donner le meilleur d’eux-mêmes au service de toute la nation, et, en retour, la vertu de la nation renforcera les catholiques.

V – Les domaines de l’engagement des catholiques

La vocation des catholiques à s’engager pleinement dans la lutte nationale pour la réalisation d’une société juste et prospère, fondée sur le Pancasila, peut se détailler de la manière suivante :

La vie familiale

La famille étant une mini-Eglise est le lieu premier de l’enseignement des valeurs. Les valeurs évangéliques ne peuvent pas s’implanter à moins que les familles chrétiennes ne développent une bonne atmosphère de vie chrétienne de qualité. Le sens catholique, (sensus catholicusdes fidèles doit être nourri et continuellement développé dans la vie de famille.

La famille est construite de l’union du mari et de la femme qui se soutiennent et s’aiment dans la volonté d’accepter, d’élever et d’éduquer les enfants que Dieu leur donne dans la plénitude et l’intimité de l’amour.

Les positions du mari et de sa femme dans la famille sont égales. Par conséquent, l’Eglise catholique croit que le mariage doit être monogame et l’union d’un homme et d’une femme. La force d’une famille catholique réside dans la conviction que mari et femme sont voués à maintenir une fidélité mutuelle jusqu’à ce que la mort les sépare. Ils s’engagent à surmonter ensemble toutes les difficultés.

L’Eglise catholique croit que le mariage est un sacrement, un signe de la présence de Dieu dans l’union d’un mari et de sa femme. Puisque Dieu lui-même les unit dans le sacrement de mariage, leur union est indissoluble.

Aujourd’hui, les familles catholiques sont grandement menacées par les changements de la société qui incluent les valeurs, et qui sont dûs à la globalisation, à l’industrialisation, et à l’urbanisation.

La divinisation du sexe, l’absolutisation des droits et la recherche de satisfactions égoïstes sapent les valeurs de fidélité, facilitent les divorces et posent un défi à la mise en oeuvre de l’idéal d’une famille catholique.

Dans les villes, les parents se sentent souvent incapables de s’occuper de leurs enfants qui sont plongés dans ce courant de changement. Dans les campagnes, certaines coutumes locales empêchent la pratique du mariage en accord avec les enseignements de l’Eglise.

L’influence des programmes de planification familiale, la permissivité qui prévaut en ce qui concerne les relations prémaritales, le nombre croissant de mariages mixtes, l’inadéquation de la préparation des couples au mariage, et la pauvreté de la pastorale des couples, tout cela fait partie des défis auxquels doivent faire face les familles catholiques et le service pastoral de l’Eglise.

Afin de répondre à tous ces défis, cette grande assemblée appelle tous les fidèles, à tous les niveaux de la vie, à prendre conscience de ces problèmes, à réfléchir sur eux et à mettre en oeuvre les politiques nécessaires à tous les niveaux, local, paroissial, diocésain, et national.

Les catholiques doivent être conscients que la gestion de ces défis est la tâche des familles catholiques. C’est une erreur de croire que toutes les difficultés de la famille doivent être prises en charge par l’Eglise et les dirigeants laïcs. Les efforts pastoraux aux niveaux paroissial, diocésain et national ne peuvent être que des soutiens de ce qui est fait à l’intérieur même des familles.

L’information sur le mariage et la famille catholiques, des cours de préparation au mariage, la pastorale familiale catholique, le soutien aux parents seuls et aux familles après un divorce, offrent des pastorales d’appoint aux familles. Cette grande assemblée est convaincue que l’attachement à la vie de famille est la contribution la plus précieuse des catholiques à la mise en oeuvre d’une vie nationale saine.

L’éducation des jeunes

Les effets négatifs de la globalisation et des progrès scientifiques et technologiques ont affecté les jeunes. On peut observer de manière générale que la connaissance religieuse et la foi des jeunes catholiques ne sont plus adéquates pour pouvoir répondre à ces défis. Il y a un besoin criant de nouvelles alternatives pour aider les jeunes catholiques à se mesurer avec ces défis.

Bien que l’Eglise ait une vision et une mission en ce qui concerne l’éducation de la jeunesse, des différences de perception et d’intériorisation font que la pratique est difficile. La mise en oeuvre pratique de cette mission doit faire face à des obstacles structurels dûs en partie à la bureaucratie ecclésiastique et à l’absence de coordination entre les institutions engagées dans l’éducation et la formation des jeunes.

La contribution de l’Eglise catholique à l’éducation de la jeunesse dans les écoles catholiques est très largement reconnue. Des programmes d’animation des jeunes tels que des réunions paroissiales de jeunes, des festivals paroissiaux de la jeunesse et des sessions de formation ont été organisés dans beaucoup de diocèses. Le scoutisme pour les filles comme pour les garçons a été lui aussi utilisé comme moyen de former les caractères et rassembler des animateurs de jeunes.

Il reste cependant des défis spécifiques dans la formation et l’éducation de la jeunesse qui n’ont pas encore trouvé de réponses. Dans les écoles, le nombre en diminution d’éducateurs qualifiés dans le domaine spirituel ou professionnel, une grande dépendance vis-à-vis des enseignants du service public, une interférence gouvernementale trop importante, l’absence des valeurs affectives dans l’éducation, le manque d’argent et l’absence de planification.

Dans le domaine de l’éducation en dehors de l’école, les défis sont dans la difficulté à trouver des animateurs à plein temps, l’absence de crédibilité des animateurs, le nombre croissant de jeunes chômeurs et, ici aussi, le manque d’argent.

La formation donnée dans les différentes organisations catholiques démontre le manque de coordination entre les activités des unes et des autres, une pénurie d’animateurs qualifiés, une crise des modèles et, encore une fois, le manque d’argent.

Afin de faire face à ces défis que nous venons de mentionner et pour anticiper l’avenir, nous suggérons les recommandations suivantes :

-Trouver des alternatives pour former des enseignants catholiques pour les écoles catholiques, particulièrement en Indonésie orientale. Des formations techniques alternatives sont aussi nécessaires pour renforcer les chances des jeunes de trouver un travail.

-S’entendre sur une vision commune des principes et de l’orientation à donner à l’éducation des jeunes. Toutes les parties concernées devraient s’engager à mettre cette vision en pratique. Il faut faire un effort pour trouver des animateurs professionnels et à plein temps, ainsi qu’un soutien financier.

-L’éducation des valeurs chrétiennes dans les familles et les écoles catholiques doit être maintenue pour anticiper les exigences futures des catholiques qui travaillent dans les services publics ou les organisations professionnelles. Une certaine vision de la nation et la capacité à coopérer devraient faire partie de la formation de la jeunesse catholique.

-Une étude en profondeur des problèmes liés à l’éducation de la jeunesse est nécessaire afin d’arriver à une perception commune des priorités et des stratégies fondamentales pour anticiper sur les besoins futurs.

La justice sociale

Les problèmes de justice sociale se trouvent dans tous les aspects de la vie en Indonésie. Les défis posés à la justice sont encore plus remarquables dans un système économique ouvert dont le but est d’améliorer la compétitivité au niveau international.

En même temps la capacité gouvernementale de faire face aux défis de la justice sociale semble en déclin.

Des indications de cet état de fait se trouvent dans les compromissions qui amènent la corruption et qui dénotent une approche fondée sur un esprit de domination sécuritaire, l’allergie des autorités à toute critique, l’absence de liberté de la presse, la confiscation des terres des petites gens, les obstacles sournois mis à la construction de lieux de culte par certains groupes religieux, à la formation de leurs enseignants de religion, et l’exploitation sans scrupules des ressources humaines et naturelles.

Les problèmes de justice sociale sont tellement présents partout que les gens deviennent pessimistes dans leur lutte pour la justice, ce qui est encore aggravé par des réactions primaires dans le domaine des problèmes ethniques et religieux. La population, en particulier celle qui est pauvre et qui n’a pas beaucoup d’instruction, se sent impuissante dans ces situations.

La question de la justice sociale est un défi commun à tout le peuple indonésien et aux catholiques qui font partie de ce peuple.

Des efforts ont été entrepris par les catholiques pour restaurer la justice, en prenant la défense des droits des petites gens dans des cas de confiscation de terres et dans des conflits du travail. Il faut noter aussi que des travaux de charité et de développement ont été effectués chez des pauvres par des organisations non gouvernementales catholiques.

Cependant, de manière générale, il faut reconnaître que les catholiques indonésiens ne se soucient pas beaucoup des cas d’injustice. Le fait que beaucoup de catholiques ne comprennent pas l’importance de la justice, leur ignorance des canaux appropriés qui peuvent faire connaître l’injustice et en faire un souci collectif, sont parmi les facteurs qui provoquent une telle situation.

En tant que disciples de Jésus-Christ, les catholiques indonésiens sont appelés à mettre en pratique la loi d’amour dans la lutte pour la justice dans le contexte indonésien et dans un esprit de solidarité authentique. Afin d’encourager l’engagement des fidèles dans la lutte pour la justice sociale, nous proposons les recommandations suivantes :

-Encourager les catholiques à lutter contre les injustices en établissant des communautés de base pour une nouvelle évangélisation, et commencer une éducation pour la justice chez les plus jeunes.

-Etablir un réseau d’information en relation avec des organisations d’aide légale et encourager les facultés de droit de l’université catholique à établir leurs propres organisations d’aide légale.

-Etablir un forum de communication des fonctionnaires catholiques afin de commencer une campagne contre la corruption.

-Encourager les hommes d’affaires catholiques à coopérer dans la formulation d’un code de conduite pour la pratique de la justice sociale dans les affaires.

-Favoriser l’autonomie des plus pauvres en leur facilitant l’accès au crédit.

La vie sociale et politique

Les catholiques indonésiens sont supposés être toujours engagés dans la vie de la société. Ils doivent être conscients qu’ils portent une certaine responsabilité dans la sécurité et le progrès de leur nation.

Cependant, le contexte de cet engagement des catholiques, comme celui de toute la société indonésienne, a évolué avec le temps. Le Partai Katolik (Parti catholique indonésien) qui, dans le passé, a formé et fait progresser les catholiques dans la vie politique, est aujourd’hui défunt.

La dépolitisation de la vie sociale depuis l’avènement de l'”Ordre nouveau” a été utile pour désamorcer des tensions sectaires et idéologiques. Mais cette politique a eu aussi comme résultat de faire régresser les organisations catholiques de masse.

De plus, durant les dernières décennies, les catholiques ont eu à faire face à de nouveaux obstacles dans la vie politique. L’accès difficile à la participation politique a rendu inefficace la formation catholique des cadres. Le résultat en a été un désintérêt de plus en plus grand des cadres catholiques pour la politique.

Cette grande assemblée estime que ce désintérêt croissant des cadres catholiques pour la politique doit être traité de manière appropriée. Nous, catholiques, avons l’obligation d’être des chrétiens fidèles. Un catholique est envoyé dans la société, et cela signifie qu’il est envoyé pour participer à sa dimension politique.

De ce point de vue, les catholiques indonésiens soutiennent l’idéologie d’Etat du Pancasila et la constitution de 1945 qui garantit l’égalité des droits fondamentaux pour tous les citoyens indonésiens. Comme citoyen, chaque catholique indonésien se doit de développer une motivation nationale, parce qu’il aime sa nation et souhaite contribuer à sa sécurité, à la gloire de son pays et de sa nation.

L’engagement politique est une vocation noble parce qu’il est au service de l’intérêt général. Les catholiques ont l’obligation de lutter, honnêtement et ardemment, pour la vérité et la justice dans le contexte du système politique indonésien. Ils doivent maintenir le principe que l’intérêt général du peuple est la loi suprême. Ils doivent tenir en haute estime l’unité nationale, et, de manière particulière, ils doivent bâtir la solidarité avec les pauvres et les secteurs arriérés et marginalisés de la population.

Ils doivent se sentir impliqués dans la lutte pour la réalisation de l’idéal démocratique et pour la garantie des droits de l’homme de tous les Indonésiens. Les hommes politiques catholiques indonésiens doivent garder à l’esprit cette parole de Jésus : “Je suis venu pour servir et non pour être servi

Afin d’améliorer la participation des catholiques dans la vie sociale et politique d’Indonésie, cette grande assemblée souhaite que les catholiques, particulièrement les jeunes, se préparent à une participation active et efficace à la vie nationale, sociale et politique par les étapes suivantes :

-Nourrir et renforcer l’intériorisation de l’intégration de la foi chrétienne et de la vision nationale comme motivation fondamentale.

-Elargir et approfondir la perception du développement politique, de ses défis et de ses problèmes dans le pays.

-Encourager la pensée critique et créative pour anticiper les divers défis posés par la mise en oeuvre de la démocratie.

-Encourager une participation large et active dans la vie sociale et politique en coopération avec d’autres groupes religieux, au service de l’unité nationale et de l’intérêt général.

Dans ce but, la formation des cadres catholiques doit être améliorée selon les situations et les conditions.

Les idéaux de justice sociale, de démocratie, de respect des droits de l’homme, de volonté de dialogue avec nos frères des autres religions doivent être implantés dans le coeur des jeunes.

Les organisations non gouvernementales et les groupes sociaux dirigés par les jeunes catholiques soucieux du petit peuple et désireux de l’aider dans les problèmes d’agriculture, de pêche, d’affaires juridiques, doivent être soutenus tout en évitant tout exclusivisme catholique.

L’établissement de lieux de réflexion catholiques aux niveaux provincial et national est souhaité. Dans tous ces efforts et activités, l’esprit d’ouverture et de coopération doit être prioritaire.

La défense de la vie

Les efforts d’intériorisation de la défense de la vie se heurtent à diverses contraintes dans la société, dues au progrès des sciences et de la technologie qui crée des problèmes éthiques, tels que la manipulation génétique, la pollution et la destruction de l’environnement avec le gaspillage des ressources naturelles, et une mentalité, des modes de vie et des comportements comme l’avortement et l’euthanasie qui menacent la vie.

La contribution de l’Eglise catholique dans ce domaine est de donner aux fidèles les principes directeurs d’une vie morale, et d’affirmer le principe de la défense de la vie. Les principes sont la foi et la fidélité comme sources de motivation, et le respect de la dignité des hommes comme individus et êtres sociaux créés à l’image de Dieu.

Dans la mise en oeuvre, la politique qui donne priorité au service des pauvres doit être l’option. Quelle est la stratégie que nous devons utiliser ?

-Porter une attention particulière à l’éducation aux valeurs comme sujet fondamental pour la défense de la vie, dans le système de santé, dans l’éducation à la vie familiale et à la vie sociale.

-Développer activement une culture de la vie par des activités de service.

-Promouvoir la coopération entre toutes les parties afin d’arriver à une politique de développement qui respecte l’environnement.

-Développer un service pastoral qui puisse influencer les changements dans les coutumes et les cultures qui ne respectent pas la vie.

-Promouvoir les soins de santé essentiels et le progrès dans le bien-être du peuple.

Une vie de la communauté catholique orientée vers la société

Jusqu’à présent, les catholiques jouissaient d’une bonne réputation en Indonésie dans le domaine du service social. Mais, récemment, l’Eglise et les catholiques ont dû souvent faire face à une atmosphère inamicale. Pour accomplir leur mission à l’avenir, les catholiques doivent oser faire face à ces défis et se renouveler.

Le plus grand défi auquel la vie et le service de l’Eglise sont confrontées est le changement profond des valeurs dans la société indonésienne. C’est le résultat de la globalisation, de l’industrialisation et de l’urbanisation. Face à une telle situation, l’Eglise doit pouvoir développer des modes adaptés de vie communautaire chrétienne et de service pastoral:

-La communauté des chrétiens trouve sa maturité dans la foi plutôt que dans un modèle pyramidal et clérical.

-L’autorité doit intégrer le principe de la participation plutôt qu’être unidimensionnelle

-Solidarité avec les pauvres au lieu d’une approche paternaliste.

-Une approche dialogale plutôt que centrée sur une personne.

L’Eglise capable de répondre à la crise des valeurs et aux incertitudes sociales amenées par le changement de société, est une Eglise caractérisée par son engagement dans la société pour pratiquer la fraternité, pour promouvoir le sentiment d’appartenance à une famille, pour s’enraciner dans la communion des communautés de base, pour se nourrir d’un esprit de solidarité, d’autonomie et d’ouverture.

Au milieu des efforts destinés à renouveler cet engagement, les catholiques feront face à des contraintes et à des difficultés provoquées par divers facteurs :

-L’immensité des régions et l’absence de moyens de transport mettent des barrières à la communication et au

développement économique du peuple.

-Les communautés indigènes sont souvent incapables d’entrer en concurrence avec le pouvoir économique des migrants.

-Des obstacles culturels ajoutés aux valeurs et aux intérêts des migrants provoquent des conflits.

-La culture urbaine est caractérisée par l’individualisme, le consumérisme et l’hédonisme.

-Une structure politique oppressive favorise les intérêts des grandes puissances économiques.

-Les rumeurs de “christianisation” découragent les catholiques de s’engager dans le domaine social.

A l’intérieur même de l’Eglise, il y a des structures qui doivent être renouvelées telles que l’organisation paroissiale centrée sur l’autorité du prêtre, l’absence d’éducation des prêtres à la coopération, et la mentalité de paroissiens qui résistent aux changements nécessaires.

La grande assemblée s’inquiète aussi du fait que dans plusieurs régions plus des deux tiers des paroissiens ne participent pas aux messes dominicales.

Pour faire face à ces défis, l’Eglise a besoin d’une stratégie :

-Encourager l’autonomie de l’Eglise et des fidèles en personnel et en finances.

-Mettre en oeuvre une solidarité réelle entre les paroisses et les diocèses et entre les hommes d’affaires et les chrétiens habitant des régions pauvres.

-Changer la mentalité inhibée de la population par l’éducation.

-Renouveler les structures de l’Eglise pour arriver à un modèle collégial et synodal fondé sur l’Eucharistie comme source de force.

-Promouvoir l’enseignement social de l’Eglise et la prise de conscience des questions écologiques.

-Offrir un rôle plus grand aux femmes.