Eglises d'Asie

Lettre de Mgr Nicolas Huynh Van Nghi adressée aux prêtres à l’occasion de Noël

Publié le 18/03/2010




Mes chers frères prêtres,

Mes premières paroles seront pour vous souhaiter une fête de Noël joyeuse, sainte et heureuse. Je voudrais aussi m’entretenir avec vous d’un sujet que le Saint Père a abordé dans sa récente lettre apostolique du 10 janvier 1994: “Alors qu’approche le troisième millénaire de l’ère nouvelle”.

Convertissez-vous et croyez à l’Evangile

Dans la fidélité à la tradition du Christ et des apôtres, le Saint Père nous invite à consacrer les deux années 1995 et 1996 à la révision de vie et au repentir. Puisque nous sommes nous-mêmes les modèles du troupeau, “forma gregis” (1P 5,3), nous devons être les premiers à emprunter cette voie évangélique. Notre révision de vie et notre repentir ne doivent jamais s’interrompre. Dans l’Eglise, nous pouvons être comparés à des pilotes de navire. La vie éternelle de centaines et de milliers de fidèles dépend de notre direction. L’Eglise de Jésus-Christ doit sans cesse se renouveler sous le souffle de l’Esprit Saint. Mais dans cette transformation, comme l’a enseigné le Concile Vatican II, ” … le clergé joue un rôle essentiel et de plus en plus difficile” (Décret sur les prêtres). C’est pourquoi, nous, les prêtres, avons besoin de nous mettre sans cesse en face du Seigneur, pour qu’il nous indique ce qui en nous doit être corrigé et transformé.

Ut sit unum

Le premier domaine sur lequel doit porter notre examen de conscience et notre repentir est celui de l’unité. La lettre apostolique du pape sur le troisième millénaire déclare: “Parmi les fautes qui exigent un effort de repentir et d’amendement plus spécial, il faut citer celles qui déchirent l’unité voulue par le Seigneur pour son Eglise” (n°34). Plus que toute autre institution, l’Eglise protège ardemment l’unité, parce que “L’Eglise est dans le Christ comme le sacrement ou le signe et le moyen de l’unité intime avec Dieu et de l’unité avec tout le genre humain” (Gaudium et spes n° 1). Mais dans l’histoire des mille années écoulées, à cause du péché de ses enfants, l’Eglise n’a pas toujours rempli cette fonction. Pour ce qui nous concerne, nous les prêtres dans nos paroisses et dans nos diocèses, nous avons eu beaucoup de paroles condamnables, des critiques et des agissements sectaires qui ont provoqué la rupture de l’unité entre nous, entre les religieux et les séculiers, entre les prêtres et leur évêque. Nous n’avons pas su encore nous soutenir et nous aider les uns les autres. Certains ont préféré croire et suivre les gens de l’extérieur plutôt que d’essayer de chercher à connaître la vérité et à protéger leurs confrères. Les difficultés actuelles de notre diocèse tiennent pour une part à ce manque d’unité. Par ailleurs, nous avons été envoyés dans nos paroisses avec mission d’enseigner les fidèles, de les sanctifier et de les conduire afin de maintenir et consolider l’unité au milieu d’eux. Mais en réalité, pour n’avoir pas correctement rempli ces fonctions, certains d’entre nous ont déchiré la robe sans couture du Christ (Jn 19,23). Une partie des troubles et des difficultés survenus en certains lieux sont de la faute des prêtres qui ont manqué de sagesse, de charité, d’esprit surnaturel et de vertu. Nous devons soumettre à l’examen notre rôle de responsable ainsi que nos comportements qui ont conduit beaucoup de fidèles à se réfugier dans l’indifférence ou encore à s’éloigner de l’Eglise. Certains d’entre nous se sont montrés dictateurs, bureaucrates, d’autres se sont contentés de parler sans agir; ils ont enseigné ce que eux-mêmes ne font pas, mettant sur les épaules des autres des fardeaux auxquels eux-mêmes n’ont pas touché (Mt 23, 4 et ss). De tout cela nous devons nous repentir et nous corriger.

Ama et fac quod vis

Le second domaine pour lequel je propose un examen de conscience, c’est celui des fautes contre la charité commises alors que nous propageons ou défendons la vérité. Ce repentir doit s’appliquer à des fautes en rapport avec celles qui ont été commises par les enfants de l’Eglise au cours de l’histoire, lorsqu’ils ont utilisé des moyens violents ou tortueux, lorsqu’ils se sont appuyés sur le pouvoir temporel pour propager leur foi ou la défendre. On peut citer par exemple le tribunal de l’inquisition qui châtiait les hérétiques, la mise en oeuvre de la contrainte ou encore de la corruption pour amener des gens à la religion, les guerres de religion, etc. Aujourd’hui nous n’utilisons plus ce type de moyens violents ou mensongers, mais en certains lieux on peut trouver des formes de propagande religieuse qui ne respectent pas la liberté, des prédications qui déforment la vérité, l’exposé de doctrines ambiguës, contestables et provoquant du trouble chez les fidèles, des articles de presse qui exaltent les aspects négatifs et ont une influence néfaste. En outre, il faut aussi parler de ceux qui utilisent la chaire pour se livrer à la médisance, à l’ironie, ou à l’esprit de revanche. La chaire est réservée à la seule prédication de la Parole de Dieu qui est parole de vie et salut. Il y en a parmi nous qui n’ont pas observé cette règle. Il faut aimer ceux qui nous écoutent. Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse. Telle est la justice qui est le fondement de la charité.

Accepta aqua, lavit manus (Mt 27, 24)

Pilate s’est lavé les mains devant la foule pour dégager sa responsabilité dans le procès de Jésus. Il pensait qu’ainsi, il était innocenté. Le troisième domaine sur lequel doit porter notre repentir et notre effort de changement, c’est l’indifférence et l’insouciance du Peuple de Dieu devant l’apparition du mal et sa diffusion. Nous ne commettons pas directement d’action mauvaise pas plus que nous ne n’approuvons le mal. Cependant on peut dire que le mal naît et se répand en partie à cause de la désertion des hommes de bien, en particulier de ceux à qui une responsabilité a été confiée. Nous avons montré des déficiences dans le travail d’éducation des consciences humaines, mission que l’Eglise a toujours reconnue comme sa tache particulière. Nous avons manqué d’ardeur dans l’accomplissement de nos fonctions d’enseignement, de sanctification et d’animation spirituelle. Il nous est nécessaire de faire davantage d’efforts dans l’oeuvre de formation. Il nous faut investir davantage dans la pastorale de la jeunesse, du mariage et de la famille, ainsi que dans l’apostolat missionnaire et dans le développement social. Nous devons nous engager nous-mêmes et mobiliser les fidèles à l’élimination du mal et l’édification du bien, en particulier dans l’édification d’un mode de vie impliquant la vertu, la justice et le progrès. Nous devons aussi relever les les graves déficiences qui ont affecté notre devoir de montrer l’exemple aux fidèles (1P 5, 3).

– Ces déficiences ont existé dans le domaine de la chasteté, qui nous rend semblables aux anges (Mt 22, 30), entièrement dépendants de Dieu, libres de nous

mettre au service des âmes. Nous avons en effet manqué de sagesse et de prudence dans nos paroles, nos fréquentations et nos relations, donnant ainsi un mauvais exemple ou fournissant le prétexte à des interprétations malveillantes. Nous avons obscurci le témoignage que nous devrions rendre à la vie eschatologique. Nous avons tari la source de force que les fidèles vivant dans l’état de mariage étaient en droit d’espérer trouver chez les prêtres.

– Nous avons aussi failli à donner l’exemple de la pauvreté en esprit que Jésus a qualifié de bonheur, et qui consiste à éviter toutes les convoitises, à nous écarter de toutes les formes de commerce, à aimer, soutenir et soulager les pauvres, tout en adoptant volontairement, soi-même, une vie pauvre comme celui ” qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvretéNe nous alignons pas sur la façon de vivre de ce monde.

– Nous avons négligé de donner l’exemple de la communion dans l’obéissance, en suivant nos idées particulières, en n’accordant pas notre entière collaboration à notre évêque et à nos frères du corps presbytéral, en ne respectant pas les dispositions de la liturgie, les règles et la discipline ecclésiastiques. Nous n’avons pas eu “qu’un coeur et qu’une âme” (Ac.4,32).

– Enfin, en fonction des situations, de nos caractères et des conditions de vie, l’exemple que nous aurions dû donner a été neutralisé par beaucoup d’insuffisances dont nous devons nous repentir et nous corriger, dans les domaines de la justice, de l’amour des autres, de la loyauté. Toutes ces insuffisances ont permis au mal de surgir et de se répandre.

In personna Christi

Prêtres du Christ, nous portons sur nous son image et ses pouvoirs. Nous devons être ses représentants, agir en son nom, utiliser son propre langage et ses propres pouvoirs, revêtir sa personne. Le prêtre est une incarnation du Christ, un deuxième Christ (alter Christus). Cette appellation et ce caractère exigent de nous que nous lui ressemblions entièrement, que nous agissions et vivions comme Lui. Nous n’aurons jamais fini de découvrir et de comprendre la totalité du mystère du prêtre. Dans un esprit de reconnaissance et tandis que nous nous lançons dans l’étude du Christ, nous confions notre vie à Dieu. Puissions-nous pouvoir dire: “Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” (Gal 2,20). Que notre Mère Marie intercède pour que nous ressemblions à Jésus prêtre.

Nicolas Huynh Van Nghi

évêque