Eglises d'Asie

De nouveaux regroupements chez les musulmans indiquent un malaise politique profond dans le pays

Publié le 18/03/2010




La création, ces derniers mois, de quatre nouvelles organisations nationales à vocation plus ou moins politique reflète, selon les observateurs, un désir de plus grande participation politique pour préserver l’équilibre d’une société dont les soubassements sont de plus en plus perçus comme fragiles.

La “Congrégation musulmane indonésienne”, connue aussi sous le nom de Masyumi, semble être l’héritière d’un parti politique islamique interdit par le président Sukarno dans les années 60. C’est la seule des organisations nouvellement créées qui affirme clairement sa vocation à devenir un parti politique. Cela lui est impossible pour le moment puisque seuls trois partis sont autorisés pour le pays.

L'”Association des intellectuels pour le développement du Pancasila” regroupe des intellectuels pour la plupart d’origine javanaise. Quelques observateurs, peut-être trop optimistes, considèrent qu’elle pourrait jouer un rôle de contre-poids face à la très influente “Association des intellectuels musulmans” dirigée par le ministre de la Recherche et de la Technologie, B.J. Habibie, dont les ambitions politiques sont connues.

L'”Unité nationale indonésienne”, elle, se voudrait l’héritière du parti nationaliste de Sukarno qui s’allia à d’autres partis politiques en 1973 pour former le parti démocratique indonésien.

Mais la plus importante des nouvelles organisations est, sans conteste, la “Fondation pour la fraternité nationale” qui a été établie en octobre 1995 sous la direction du général Bambang Triantoro, entouré de personnalités militaires, religieuses et civiles de premier plan. Le but avoué de la nouvelle organisation est d’explorer de nouveaux chemins pour maintenir la stabilité du pays durant une période de changement rapide, et de défendre le pays contre “les forces de désintégration

Même si, jusqu’à présent, la Fondation s’est abstenue de se heurter directement au pouvoir, elle n’en critique pas moins vigoureusement ce qu’elle perçoit comme un déséquilibre de plus en plus grand entre le pouvoir de la présidence, des militaires et des milieux d’affaires d’un côté, et celui de la justice et du parlement de l’autre.

Beaucoup d’Indonésiens s’inquiètent aujourd’hui de la protection accordée par le président Suharto à l’Association des intellectuels musulmans. Celle-ci avait été formée à l’origine pour contrebalancer le pouvoir des militaires, mais, peu à peu, elle a noué des liens très forts avec le Muhammadiah, organisation musulmane de masse regroupant près de 25 millions d’adhérents, et le parti Golkar au pouvoir à Jakarta. L’Association des intellectuels musulmans est ainsi devenue le véhicule des aspirations “modernistes” de l’islam.

Les observateurs politiques notent aujourd’hui, l’existence de plus en plus affichée dans l’islam indonésien de deux camps distincts. L’un est représenté par l’Association des intellectuels musulmans de Habibie et s’identifie à la structure de pouvoir en place. L’autre se regroupe autour de personnalités comme Abdurrahman Wahid, chef du Nahdlatul Ulama qui rassemble 35 millions d’adhérents et représente un islam plus traditionnel et plus tolérant.

La montée en puissance de l’Association des intellectuels musulmans suscite un malaise profond dans la classe politique indonésienne et chez les élites sociales du pays qui espèrent que les nouvelles organisations vont pouvoir prévenir “la ré-émergence d’une politique sectaire menaçant l’unité nationalece qui leur paraît précisément être le danger représenté par l’organisation de Habibie. Wahid et d’autres ne manquent pas une occasion d’affirmer que l’Association des intellectuels islamiques ne représente qu’un petit groupe de musulmans ambitieux et que Suharto, en la patronnant, a rompu avec trois décennies de neutralité.