Eglises d'Asie

L’agitation sociale dans les campagnes inquiète les autorités gouvernementales

Publié le 18/03/2010




Depuis six mois environ, les émeutes populaires semblent se multiplier à travers toute l’Indonésie, provoquées par des conflits religieux et raciaux mais aussi assez souvent par des expropriations de paysans ou des conflits du travail. Le nombre et la violence de ces incidents commencent à inquiéter les autorités gouvernementales de Jakarta et les chefs de la sécurité à l’approche des élections parlementaires prévues pour mai 1997.

L’année dernière, le gouvernement avait commencé à réagir en affirmant que “des organisations informelles” liées au parti communiste indonésien interdit étaient en train de revenir sur la scène. Mais cette approche ne fait pas l’unanimité et un membre du parlement a même déclaré : “Le gouvernement essaie encore d’appliquer les mêmes vieilles méthodes à ce qui représente pourtant un ensemble de nouveaux problèmes

Plusieurs de ces problèmes sont liés à la croissance économique rapide et aux aspirations populaires, souvent non satisfaites, qui lui sont liées. Si beaucoup d’Indonésiens ont bénéficié du développement du pays, beaucoup d’autres attendent encore d’en profiter. Le taux de chômage est très élevé, en particulier chez les jeunes qui ont terminé l’école secondaire. 52.2% des chômeurs, soit 7,33 millions de personnes, ont entre 15 et 25 ans. L’agitation sociale est ainsi nourrie par l’énorme disparité des revenus.

Cette situation inquiète le parti Golkar qui se souvient qu’aux élections de l’année prochaine, 20 millions de jeunes, soit un cinquième de l’électorat, voteront pour la première fois. En décembre 1995, déjà, le général Feisal Tanjung, s’adressant à une assemblée de dirigeants religieux déclarait que les émeutes qui venaient de frapper le centre et l’est de Java, les problèmes entre catholiques et musulmans à Timor ou Florès (7) étaient des exemples d’agitation qui peuvent affecter la stabilité nationale : “Nous devons être très attentifs aux activités politiques et en particulier à toutes les tentatives de politiser la religion qui peuvent menacer le système politique et les structures en place

Quelques jours plus tard, le président Suharto lui-même parlait des “germes de trouble” dans les campagnes et de la nécessité pour les forces armées, l’administration et les chefs de communauté de coordonner leurs actions. En même temps il s’adressait aux dirigeants religieux pour leur demander de se respecter mutuellement.

Ces avertissements sont sans doute provoqués par la prise de conscience que beaucoup d’Indonésiens semblent aujourd’hui, plus que dans le passé, prêts à se tourner vers la violence. Dans les centres urbains, les boucs émissaires de cette violence sont comme toujours les Indonésiens d’origine chinoise qui ne sont que trois pour cent de la population mais dont la prospérité symbolise l’abîme qui s’élargit entre riches et pauvres: “Les gens sont jaloux parce que les Chinois semblent obtenir de l’argent facilement alors qu’ils doivent tellement peiner pour en avoirdit le sociologue Loekman Soestrino. En novembre et décembre 1995, plusieurs émeutes antichinoises ont eu lieu en divers endroits de Java.

Pour certains observateurs attentifs comme Abdurrahman Wahid, chef de l’organisation musulmane de masse Nahdlatul Ulama, cette attitude nouvelle des Indonésiens par rapport à la violence s’explique par l’érosion de la confiance populaire dans le gouvernement et l’administration. Un spécialiste occidental de l’Indonésie confirme cette analyse : “Le sentiment se répand qu’on ne peut plus faire confiance à l’administration et que les décisions qui sont prises maintenant ne sont pas générées par l’intérêt du plus grand nombre mais par celui des puissants

Abdurrahman Wahid estime que l’absence de coordination nationale des divers mouvements de protestation rend improbable une explosion sociale majeure dans l’immédiat, mais la situation peut donner lieu à toutes sortes de manipulations, dit-il.