Eglises d'Asie

Philippines : à la demande des évêques catholiques, le président Ramos renonce au rapatriement des réfugiés vietnamiens

Publié le 18/03/2010




Les Philippines viennent de prendre une décision très importante par les conséquences qu’elle peut avoir sur l’évolution de l’affaire des réfugiés vietnamiens encore pensionnaires dans les camps du sud-est asiatique. Devant la résistance opposée par les réfugiés et sur l’insistance des évêques des Philippines, le président Ramos a pris la décision de renoncer au rapatriement forcé des 2 800 pensionnaires du camp de Puerto Princesa dans l’île de Palawan et d’accorder à ceux qui le souhaitaient le permis de séjour aux Philippines. La décision a été annoncée le 15 février par le ministre des affaires étrangères, Domingo Siazon, peu après le départ d’un Airbus A230 d’Air Vietnam, transportant 84 réfugiés vers leur pays, malgré l’opposition de mille demandeurs d’asile qui étaient sortis du camp et avaient en vain essayé d’empêcher le décollage (14).

A la mi-décembre 1995, les contacts pris entre le Vietnam et les Philippines à l’occasion du sommet de l’Asean (15) avaient décidé les autorités philippines à procéder au rapatriement des demandeurs d’asile vietnamiens résidant encore sur leur territoire. Une date limite, le 15 février, avait été alors fixée pour la fermeture du camp de l’île de Palawan où se trouvaient encore plus de 2 800 pensionnaires. Le 9 janvier, une équipe de fonctionnaires vietnamiens se rendait à Manille pour organiser le transport aérien des réfugiés vers leur pays d’origine. Le 23 janvier, un premier départ de 20 volontaires avait eu lieu sans incident. Mais le 9 février suivant, les autorités échouaient dans leur tentative d’embarquer dans l’avion d’Air-Vietnam 80 réfugiés destinés à être rapatriés, plusieurs d’entre eux menaçant de se suicider si on les forçait à monter à bord. Le capitaine Robles, chargé de l’administration du camp, annonçait alors que le rapatriement était ajourné de deux semaines.

Cependant dès le 13 février, 120 réfugiés appartenant à un groupe de 147 personnes que l’armée philippine venait d’isoler en vue d’un prochain départ, ont entamé une grève de la faim, soutenus par d’autres réfugiés encore dans le camp. Cette grève de la faim allait susciter une grande émotion dans de nombreux secteurs de la société philippine qui, depuis plusieurs semaines, suivaient avec attention et inquiétude, les diverses péripéties de l’affaire des boat-people. Ce jour-là, alors qu’un sénateur de l’opposition, M. Alvarez, demandait l’annulation pure et simple du plan de rapatriement et l’accord de l’asile politique, des représentants de la Conférence épiscopale des Philippines rencontraient le président pour discuter d’un tout autre sujet. Ce fut le problème du camp de l’île de Palawan qui s’imposa. Pendant cinq heures, devant leur interlocuteur, les évêques plaidèrent en faveur d’une solution humanitaire pour les pensionnaires du camp de l’île de Palawan. Finalement, ils lui arrachèrent la décision de renoncer au rapatriement, décision qui ne fut annoncée que deux jours plus tard.

Commentant la décision de son président, le ministre des affaires étrangères a affirmé que celui-ci avait d’abord expliqué aux évêques que le retour des réfugiés “répondait à un accord international” et qu’il était “équitable de s’occuper d’abord des PhilippinsMais les évêques catholiques ont “convaincu le président Ramos que les êtres humains sont des êtres humains quelle que soit leur nationalité, et que nous devons les aider s’ils ont des besoinsTout à fait conscient de déroger à la politique suivie par les autres pays de l’Asean en cette matière, le ministre a souligné qu’il faudrait “expliquer aux partenaires (des Philippines) que cela est dû à notre structure sociale qui est si différente….et est conforme à la culture de notre pays, le seul en Asie à forte majorité catholique” (16).

Les évêques catholiques n’ont rallié le président Ramos à leur point de vue qu’en prenant l’engagement de supporter désormais la responsabilité administrative et logistique du camp et de subvenir aux besoins des réfugiés qui choisiront de rester sur place. Cette responsabilité risque d’être lourde dans la mesure, ou en renonçant au rapatriement des réfugiés, les Philippins se sont délibérément écarté de la politique suivie par l’ONU en cette matière et, par suite, risquent d’être désormais isolés des autres pays concernés par ce problème. Interrogé à ce sujet, le P. James Reuter, porte-parole de la Conférence épiscopale, a admis que l’Eglise des Philippines ne possédait pas pour le moment les fonds nécessaires à l’entretien des réfugiés vietnamiens (17) mais ferait appel à la charité des catholiques. Il a aussi avoué que l’Eglise n’avait pas de vue très claire sur le sort à réserver aux pensionnaires des camps. Un programme de discussions avec le gouvernement a été établi au cours desquelles, ces questions seront discutées.

La décision des Philippines a été généralement bien accueillie par l’opinion publique du pays. “L’archipel peut sûrement s’accommoder de 2 000 êtres humains supplémentaires” écrit le journal “Malaya” (Liberté). Il n’en a pas été de même dans les autres pays concernés par les demandeurs d’asile vietnamiens. A Hongkong, où l’on craint de nouveaux troubles à l’intérieur des camps, les autorités s’efforcent de cacher leur irritation et réitèrent leur volonté de vider les camps avant le milieu de l’année. Le secrétaire à la sécurité, Peter Lai Hing-ling, a déclaré que la décision des Philippines n’affecterait en rien les efforts du gouvernement pour mettre un terme à la présence des demandeurs d’asile vietnamiens sur le territoire.