Eglises d'Asie

Une banque au service des pauvres

Publié le 18/03/2010




Les statistiques gouvernementales de 1995 font état de 3 221 964 familles pauvres dans le pays, ce qui correspond à 20 % de la population. Des organismes internationaux comme la Banque mondiale estiment que le pourcentage est beaucoup plus élevé: 51% de la population vietnamienne vivrait aujourd’hui au-dessous du seuil de pauvreté. Cette disparité des revenus inquiète d’autant plus les autorités que divers rapports sur ce sujet, émanant d’organismes dépendant des Nations Unies, affirment que la seule croissance économique actuelle ne peut résoudre ce problème et réclament un réajustement de la politique du gouvernement, en particulier, pour ce qui concerne l’ordre des priorités adoptées en matière d’investissements publics (7).

C’est dans l’espoir de permettre le décollage économique de ces millions de familles pauvres que le décret 525/TTG publié à la fin du mois d’août 1995 a créé un nouveau type d’organisme de crédit, appelé “Banque au service des pauvres”. Un programme spécial de la Banque agricole d’Etat, réservé en priorité aux familles pauvres avait déjà été mis en place au cours de l’année 1995. Depuis le début de l’année 1996, en application du décret, le programme est remplacé par un établissement autonome nationalisé, sans but lucratif, qui fonctionne avec le soutien logistique de la Banque agricole d’Etat. Son objectif est de permettre aux pauvres d’emprunter un capital grâce auquel ils puissent développer leur production. Les clients potentiels de cette banque sont tous ceux qui selon la classification du ministère des Affaires sociales vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Leur revenu mensuel familial par tête ne doit pas dépasser l’équivalent de 15 kilos de riz à la campagne et de 25 kilos en ville. La priorité sera accordée aux paysans pauvres par le nouvel établissement qui a l’intention de permettre à un million de familles démunies de bénéficier de ce système de crédit, dès cette année. En 1998, la clientèle de la banque devrait comporter 2 300 000 familles pauvres (8).

Le montant moyen des sommes empruntées par famille sera d’environ un million de dôngs (9). Il ne pourra dépasser 2 500 000 et sera grevé d’un intérêt de 1,2 % par mois. Les responsables de la banque se rendront sur place pour négocier les contrats avec les intéressés. L’originalité de ce système de crédit réside en deux caractéristiques essentielles. En premier lieu, les emprunts pour familles pauvres ne sont pas garantis par des hypothèques sur les biens fonciers ou autres. Par ailleurs, les emprunteurs doivent être membres de groupes d’épargne et d’emprunt regroupant 5 à 6 familles sur la base du volontariat. Ce petit groupe de base, responsable collectivement, assure le soutien mutuel de ses membres mais surtout maintient sur chacun d’eux la pression nécessaire au remboursement des sommes empruntées.

En créant cette nouvelle banque, le gouvernement renoue avec la politique des banques populaires et agricoles, mise en oeuvre autrefois par le président Ngô Dinh Diêm, continuée ensuite par le gouvernement Thiêu, dans le cadre de la réforme agraire du Sud-Vietnam. Il s’est aussi inspiré en grande partie d’un système de crédit populaire introduit dans le pays par le biais d’un certain nombre de grands organismes internationaux. De véritables réseaux de petites cellules dites “de crédit et d’épargne” ont été implantés dans certaines régions pauvres, en dehors des instances officielles quoique avec leur approbation.

Ainsi dans les communes du district de Hôc Mon, près de Saigon, depuis quelques années s’est répandu un système de crédit pour familles pauvres, patronné par la CIDSE. Dans la commune de Tân Chan Hiêp, par exemple, une cellule “de crédit et d’épargnedotée au départ d’un capital de 100 millions, est en fonctionnement depuis 1994. Pour pouvoir emprunter, il faut appartenir à l’un des groupes de base, généralement composés de 6 à 7 personnes, se choisissant par co-option, la plupart du temps de même profession. Pour la cellule de Tân Chan Hiêp, ils sont actuellement 46. Le rythme de remboursement est hebdomadaire. Chaque semaine, l’emprunteur reverse une part de sa dette, plus les frais de fonctionnement de la cellule de crédit, plus des intérêts dont une moitié va à la cellule et l’autre moitié est gardée par l’emprunteur en guise d’épargne. Selon les responsables, depuis deux ans que fonctionne ce type de crédit, toutes les sommes empruntées ont été remboursées et le capital initial est passé de 100 à 145 millions de dôngs.

Il est trop tôt pour porter un jugement sur la récente création de la Banque au service des pauvres. Mais on peut espérer qu’elle sera aussi efficace que les initiatives privées qui l’ont précédée sur la voie du crédit pour les familles pauvres.