Eglises d'Asie

DOCUMENT D’ETUDE POUR LES PRETRES, RELIGIEUX ET LAICS DE HO CHI MINH-VILLE

Publié le 18/03/2010




Le 2 février 1996, le bureau des Affaires religieuses du gouvernement, à l’invitation du premier ministre, a envoyé la communication 32CV/TGCP (1) au cardinal Pham Dinh Tung, président de la Conférence épiscopale, pour lui faire part d’un certain nombre d’opinions du premier ministre concernant les propositions de la Conférence épiscopale consignées dans une lettre du 29 septembre 1995.

La directive du chef du gouvernement à propos du diocèse de Hô Chi Minh-ville était la suivante: “Aucune fonction à Hô Chi Minh-Ville ne peut être confiée à Mgr Huynh Van Nghi. Il faut donc choisir un autre candidat susceptible de recevoir l’accord des deux parties

Pour cette affaire du diocèse de Hô Chi Minh-Ville dans l’impasse depuis plus de deux ans, la directive du premier ministre est donc définitive et oriente vers une solution très claire. Pourtant, pour que nos compatriotes catholiques soient rassurés au sujet de la politique religieuse du Parti et du gouvernement, nous voulons ajouter ceci: l’objectif de notre Etat en cette affaire est de protéger la souveraineté nationale et d’exiger l’application de la loi du pays. Il ne consiste pas à provoquer des difficultés ou à faire obstacle à la nomination des évêques. Le fait que l’affaire de Hô Chi Minh-Ville se prolonge depuis plus de deux ans n’incombe en rien à la responsabilité de l’Etat.

I – La souveraineté nationale du Vietnam

Le Vietnam est un pays qui jouit de la souveraineté nationale et possède une législation: toute nation ou organisation étrangère désirant y nommer un représentant ou y exercer une activité doit obtenir l’approbation du gouvernement vietnamien. Lorsque le Saint-Siège, en qualité d’Etat ou d’organisation religieuse, veut nommer un membre de la hiérarchie qui le représente ou exerce une activité au Vietnam, il doit obtenir l’approbation du gouvernement.

Le décret 69 publié par le Conseil des ministres le 21 mars 1993 (2) contient à l’article 19 la disposition suivante: ” Pour le degré hiérarchique de “Hoa Thuong” chez les bouddhistes, de cardinal, archevêque ou évêque chez les catholiques et pour les degrés correspondants dans les autres religions, l’approbation du conseil des ministres est nécessaireC’est une disposition commune à toutes les religions. Elle ne concerne pas uniquement les catholiques et elle n’est en rien exagérée. En effet, dans le monde, il semble que partout où est nommé un membre de la hiérarchie dans un quelconque pays, le Saint-Siège consulte le gouvernement concerné et attend son approbation.

Ainsi en France, selon l’Annuaire de la Conférence épiscopale, “avant que la nomination ne soit publiée, le nom du futur évêque est transmis au gouvernement français (ministère des Affaires étrangères, puis ministère de l’Intérieur), selon une pratique acceptée depuis 1921, afin de savoir si le gouvernement a quelque chose à dire à propos du candidat choisi” (3).

En Pologne où la majorité des habitants sont catholiques, le concordat signé entre le Saint-Siège et le gouvernement du président Walesa, le 28 juillet 1993, comporte un article qui prévoit qu’avant de nommer un évêque pour un diocèse, le Saint-Siège communiquera le nom du candidat au gouvernement pour que celui-ci donne son avis.

Au Vietnam, en réalité, la presque totalité des évêques consacrés ou déplacés depuis la libération l’ont été après discussion avec le gouvernement vietnamien et avec l’approbation de celui-ci. Sur le plan des principes, selon la réponse de M. Vu Quang, directeur du bureau des Affaires religieuses, à l’agence Vietnam-Presse, au mois d’avril 1994, la délégation du Vatican conduite par le cardinal Etchegaray lors de son premier voyage au Vietnam en 1990, après discussion, s’est accordée avec notre gouvernement sur le point suivant: “Sur toutes les questions concernant l’Eglise catholique du Vietnam, le Saint-Siège devrait informer le gouvernement vietnamien et ne prendre une décision qu’après l’accord de celui-ci. Ces dispositions concernaient aussi bien les prises de position du Saint-Siège, les consécrations de cardinaux (sic), d’évêques, d’administrateurs, que d’autres affaires intéressant les deux parties” (4L’adjoint au secrétaire d’Etat du Saint-Siège, Mgr Celli, dans une interview à Radio Vatican du mois d’avril 1994 a aussi confirmé: “Le Saint-Siège soumet le nom du candidat à la considération du gouvernement vietnamien avant la nomination par le Souverain Pontife” (5).

Malgré cela, lors de la nomination de Mgr Huynh Van Nghi, évêque de Phan Thiêt, au poste d’administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville, le Saint-Siège n’a pas discuté avec le gouvernement vietnamien et n’a pas attendu son approbation. Nous nous souvenons encore que le gouvernement comme nos compatriotes catholiques de la ville et de tout le pays ont entendu la nouvelle par une émission de Radio Vatican, dans la matinée du 12 août 1993. Le 15 août 1993, après que Mgr Nguyên Minh Nhât, alors président de la conférence épiscopale du Vietnam, eût confirmé qu’il y avait un texte de nomination de Mgr Huynh Van Nghi comme administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville “sede plena”, le gouvernement a envoyé un télégramme à Rome informant le Vatican que la nomination de l’administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville était contraire aux accords conclus entre le Vietnam et le Vatican et le priant de retirer cette nomination. Mais le Saint-Siège n’a pas répondu à cette demande du gouvernement. C’était la marque d’un véritable mépris pour la souveraineté nationale du Vietnam.

II – La législation du Vietnam

Le 25 août 1993, le bureau des Affaires religieuses de Hô Chi Minh-Ville a fait savoir à Mgr Huynh Van Nghi: “La nomination de l’administrateur apostolique à Hô Chi Minh-Ville est contraire aux accords conclus entre le Vietnam et le Vatican et au décret 69 du Conseil des ministres. C’est pourquoi, il ne convient pas de l’accepter. Mgr Huynh Van Nghi ne peut pas exercer la fonction d’administrateur apostolique dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville jusqu’à ce qu’il y ait un accord entre le Vietnam et le Saint-Siège” (6).

Mgr Huynh Van Nghi est un membre de la hiérarchie nommé par le Saint-Siège; mais il est aussi un citoyen du Vietnam, vivant sur la terre de ce pays. Il aurait dû savoir protéger la souveraineté nationale et se soumettre à la législation du Vietnam. En tant qu’évêque et en tant que citoyen vietnamien, il devait avoir conscience que sa nomination unilatérale au poste d’administrateur apostolique violait la souveraineté nationale. Dans le cas où il n’osait pas aller contre l’ordre du Saint-Siège, il aurait dû l’avertir par télégramme ou par fax et l’informer que sa nomination au poste d’administrateur apostolique n’était pas acceptée par le gouvernement vietnamien et que, s’il continuait à exercer cette fonction, il violerait le décret 69 du conseil des ministres. Puis, en attendant la décision du Saint-Siège, il aurait dû s’abstenir d’exercer sa fonction.

Au contraire, malgré la mise en garde du bureau des Affaires religieuses du 25 août 1993 et celle du vice-président du Comité populaire municipal du 5 septembre 1993, il a continué à exercer sa fonction et à faire des nominations à sa guise: le P. Phan Van Tham est devenu vicaire général et le P. Trân Van Hiên Minh a été nommé vicaire épiscopal chargé des religieux. Il a créé le comité permanent du Conseil décanal, composé du président, le P. Vo Van Tân, de son adjoint, le P. Nguyên Hung et de deux autres membres, le P. Pham Ba Lam, le P. Lê Van Nhac. Selon l’article 19 du décret 69 du Conseil des ministres, toutes ces nominations auraient dû recevoir l’approbation du Comité populaire de la ville.

Devant un tel mépris de la loi, le 15 septembre 1993, le Comité populaire municipal publiait un communiqué (7) rappelant ouvertement à Mgr Huynh Van Nghi “qu’il était nécessaire qu’il respecte la législation de l’Etat de la République socialiste du Vietnam” et le priant “de cesser toute activité ayant rapport avec la fonction d’administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville …”

Il faut dire que, malgré les violations de la loi commises par Mgr Huynh Van Nghi, au tout début, les autorités de la ville ont adopté une attitude respectueuse, se bornant à lui dispenser des remarques et des conseils en privé. Ce n’est que dans le communiqué du 15 septembre 1993 qu’il fut rappelé à l’ordre publiquement, mais d’une façon délicate. Il le fut aussi au cours de la réunion qui réunissait les prêtres, les religieux et les représentants des laïcs au siège du Front patriotique le 17 septembre 1993 (8), soit deux jours après le communiqué du 15 septembre. Dans leurs déclarations concernant Mgr Huynh Van Nghi, les représentants du gouvernement et du Front patriotique se sont toujours efforcés de laisser ouvertes toutes les portes de sortie.

Mais sans que l’on sache pourquoi, plus le temps passait, plus Mgr Huynh Van Nghi témoignait de mépris pour les autorités municipales et plus il agissait au grand jour comme s’il voulait les provoquer. C’est pour cette raison que le 22 février 1994, le Comité populaire de la ville le convoquait pour une séance de travail (9) et dressait devant lui la liste de ses activités illégales. En fin de compte, le Comité populaire était obligé, le 2 mars 1994, de publier un communiqué critiquant ouvertement les activités menées par Mgr Nghi en violation du décret 69, activités qui manquaient de respect pour les autorités et portaient atteinte aux bonnes relations existant depuis longtemps entre les autorités municipales et l’archevêché.

Après cela, le bureau des Affaires religieuses a continué son action par des séances de travail et des mises en garde. Mais Mgr Nghi a continué clandestinement son activité illégale. Sa faute la plus grave est d’avoir utilisé un ancien sceau datant de l’époque où il était évêque auxiliaire de Saigon. Il avait effacé le terme “auxiliaire”, ce qui le faisait devenir évêque de Saigon. Le 6 avril 1995, le bureau des Affaires religieuses et la Sûreté de la province de Binh Thuân ont confisqué ce sceau illégal.

III – Pourquoi l’affaire dure-t-elle si longtemps?

Comme nous l’avons dit plus haut, trois jours seulement après avoir été informé de la nomination d’un administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville sans consultation et approbation de l’Etat vietnamien, le gouvernement a envoyé un télégramme à Rome priant le SaintSiège de retirer cette nomination. Mais celui-ci n’a pas satisfait cette exigence et a laissé Mgr Huynh Van Nghi s’enfoncer dans l’illégalité.

Il aura suffi de cette période de trois mois d’activités illégales pour montrer que Mgr Huynh Van Nghi était un évêque qui ne respectait pas plus la souveraineté nationale que la législation du pays. Il n’est pas un homme de dialogue mais d’affrontement. C’est bien pourquoi, ce n’est pas un évêque qui convient à Hô Chi Minh-Ville, où existent des relations harmonieuses entre le religieux et le profane, et qui est un diocèse de plus en plus intégré à la vie du peuple.

Au mois de mars 1994, la délégation du Saint-Siège qui s’est rendue à Hanoi (10), non seulement n’a pas demandé à l’Etat vietnamien l’approbation de la nomination de Mgr Huynh Van Nghi au poste d’administrateur apostolique, mais, de plus, a proposé qu’il soit nommé archevêque de ce diocèse pour remplacer Mgr Nguyên Van Binh. Naturellement, le gouvernement a refusé; car, si l’on place à la tête d’un diocèse comme celui de Hô Chi Minh-Ville un membre important de la hiérarchie qui méprise la souveraineté nationale et la législation de l’Etat, on peut se demander ce qu’il adviendra des relations entre le profane et le sacré, ainsi que du respect de la loi au sein de la population. Au cours de cette rencontre du mois de mars 1994, le gouvernement vietnamien a prié le Saint-Siège de retirer la nomination de Mgr Nghi au poste d’administrateur de Hô Chi Minh-Ville.

Le Vatican n’a pas réagi aux demandes du gouvernement vietnamien et à laissé se prolonger la situation d’illégalité dans laquelle Mgr Huynh Van Nghi se trouve à Hô Chi Minh-Ville. Dans une lettre envoyée par Mgr Celli au bureau des Affaires religieuses du gouvernement (11), le Saint-Siège a proposé à nouveau de nommer Mgr Huynh Van Nghi, archevêque coadjuteur de Hô Chi Minh-Ville avec droit de succession. Selon M. Nguyên Van Ngoc, adjoint au directeur du bureau des Affaires religieuses du gouvernement, “le bureau des Affaires religieuses a répondu à la lettre des Affaires étrangères du Saint-Siège en exprimant son refus définitif de la nomination de Mgr Huynh Van Nghi dans une quelconque fonction à Hô Chi Minh-Ville, que ce soit celle d’archevêque, de coadjuteur avec droit de succession ou encore d’administrateur apostolique

Au mois de mars 1995, avant que la délégation du Saint-Siège ne se rende au Vietnam, le bureau des Affaires religieuses du gouvernement a envoyé un télégramme demandant le motif du voyage et avertissant qu’il n’y aurait pas de discussion au sujet de Mgr Huynh Van Nghi. Il a aussi informé clairement le bureau permanent de la Conférence épiscopale au sujet des conceptions du gouvernement à ce sujet.

Le 1er juillet 1995, c’était le décès du vénéré Mgr Nguyên Van Binh. Le siège de Hô Chi Minh-Ville étant vacant, la fonction d’administrateur apostolique “sede plena” (en latin dans le texte) de Mgr Huynh Van Nghi prenait fin. Il aurait été normal qu’à cette occasion, le Saint-Siège ait un échange et une discussion avec le gouvernement vietnamien pour trouver une nouvelle solution. Mais le Saint-Siège, au contraire, a nommé alors Mgr Huynh Van Nghi, administrateur apostolique “sede vacante” (en latin dans le texte).

Ainsi il est indéniable que l’impasse où se trouve le diocèse de Hô Chi Minh-Ville depuis plus de deux ans n’est pas attribuable à l’Etat vietnamien.

IV – Le moment de la solution est venu

Aujourd’hui, l’affaire est sans obscurité. Auparavant, beaucoup de personnes hésitaient encore, pensant que le refus de Mgr Huynh Van Nghi à Hô Chi Minh-Ville était le fait d’une autorité locale ou encore d’une branche de l’administration. Aujourd’hui la directive du premier ministre est sans ambiguïté et ne prête pas à discussion. Mgr Huynh Van Nghi ne peut exercer aucune fonction à Hô Chi Minh-Ville. Il faut donc chercher un autre candidat acceptable par les deux parties.

L’Etat ne discutera plus du cas de Mgr Huynh Van Nghi. Mais en dehors de lui, il y a une trentaine d’évêques vietnamiens. Dans le nombre, il y a certainement des évêques aptes à exercer la fonction d’archevêque de Saigon, dont le Saint-Siège et le Vatican peuvent discuter.

Récemment, au cours de la réunion de révision des six derniers mois de l’année organisée par le Comité d’union du catholicisme de Hô Chi Minh-Ville, des prêtres et des laïcs ont exprimé leur souhait d’obtenir le plus tôt possible la nomination d’un archevêque à Hô Chi Minh-Ville pour satisfaire les compatriotes catholiques. Mais quand cela aura-t-il lieu? La réponse appartient au Saint-Siège. S’il décide de maintenir la situation d’illégalité de Mgr Huynh Van Nghi, Dieu sait quand Hô Chi Minh-Ville obtiendra un archevêque. Mais si le Saint-Siège s’efforce avec le gouvernement de trouver une solution en dehors de Mgr Huynh Van Nghi, on peut espérer progresser rapidement vers un accord. Car comme le premier ministre Vo Van Kiêt l’a affirmé: “Si le Vatican est respectueux de l’autonomie nationale et soucieux de la normalisation de la vie des fidèles, il sera d’accord avec notre Etat sans aucune difficulté” (12).

Cependant, étant donné que le premier ministre a donné une directive définitive et sans ambiguïté, tous ceux qui se considèrent comme des citoyens vietnamiens et vivent sur la terre de ce pays doivent l’appliquer. On ne peut continuer à mépriser la loi. Mgr Huynh Van Nghi doit mettre un terme à ses

activités religieuses à Hô Chi Minh-Ville. Tous les prêtres et religieux que Mgr Nghi, en tant qu’administrateur apostolique, a nommés à une fonction ou à qui il a confié une responsabilité n’ont pas l’autorisation de l’exercer. Nous vivons dans un pays jouissant de la souveraineté nationale et possédant une législation.

Le moment est proche où seront prises des mesures définitives destinées à faire respecter la souveraineté nationale et la législation.

Nous avons exprimé ici un certain nombre d’opinions destinées à faire comprendre à nos compatriotes quelles sont les raisons des deux années d’impasse dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville et à les aider à saisir ce qu’il faudra faire dans la période qui vient.