Eglises d'Asie

Fukuoka : un catholique accusé d’aide à étrangers en situation irrégulière a été condamné à la prison avec sursis

Publié le 18/03/2010




Le 13 mars 1996, dans la ville de Fukuoka sur l’île méridionale de Kyushu, après deux ans de procédure et 22 séances d’auditions de témoins, le procès de M. Aoyagi Yukinobu est arrivé à son terme (3). Le militant catholique a été condamné à huit mois de prison avec sursis et trois ans de probation. Le ministère public réclamait dix mois de prison ferme. M. Aoyagi avait déjà subi trois mois de détention préventive d’octobre 1994 à janvier 1995.

En dépit de dizaines de témoignages pratiquement tous favorables à l’accusé, qui reconnaissaient ses motivations humanitaires et religieuses, décrivaient sa lutte pour les droits des immigrés, ses motivations puisées dans l’Evangile et dans l’enseignement social de l’Eglise catholique, les juges ont préféré suivre le ministère public l’accusant d’être un entremetteur entre immigrés en situation irrégulière et entreprises en mal de main d’oeuvre.

Au cours du procès, l’Eglise catholique du Japon est intervenue à maintes reprises en faveur de l’accusé. La commission épiscopale “Justice et paix”, Mgr Soma, ancien président de la commission, Mgr Hamao, président de la Conférence épiscopale, sont tous intervenus à divers moments du procès comme témoins favorables à l’accusé. Des évêques d’Amérique latine – M. Aoyagi s’occupait surtout d’immigrés péruviens de la région de Fukuoka -, et des supérieurs de sociétés missionnaires ont aussi pris sa défense.

Ce procès a mis à nouveau en lumière la politique du département japonais de l’immigration et les problèmes des travailleurs étrangers dans le pays. A partir de 1990, le gouvernement japonais avait encouragé les descendants des Japonais émigrés en Amérique latine, au Pérou et au Brésil en particulier, qu’on appelle les nikkeijin, à venir travailler au Japon (4). Le gouvernement japonais pensait ainsi pouvoir se débarrasser d’une main d’oeuvre asiatique jugée trop envahissante. Mais depuis deux ans environ, les besoins économiques n’étant plus ce qu’ils étaient, le département de l’immigration est revenu à une politique plus stricte, y compris à l’encontre des nikkeijin. Dans la seule région de Fukuoka, plus de 50 Péruviens d’origine japonaise ont été arrêtés en 1995 parce qu’ils étaient en situation irrégulière. Le journal Mai Nichi a parlé de 3 662 étrangers en situation irrégulière déportés vers leurs pays d’origine pour la seule année 1995.

La fin du procès de M. Aoyagi intervient au moment même de l’arrestation pour les mêmes raisons du pasteur Kim Son Gi, de l’Eglise coréenne du Japon. C’est la première fois que la police japonaise arrête un responsable de communauté chrétienne.

Les chrétiens japonais ne sont pas pour autant découragés dans leur lutte pour les droits des travailleurs immigrés. A Fukuoka, vient de se créer une “coordination pour l’aide aux travailleurs étrangers” qui regroupe des catholiques, des protestants et des groupes de citoyens. La première réunion nationale de cette coordination doit se tenir les 28 et 29 avril 1996 à la cathédrale catholique de Fukuoka. 300 délégués environ sont attendus.