Eglises d'Asie

La passion du jeu génère en Asie des sommes d’argent considérables que la plupart des gouvernements ne dédaignent pas

Publié le 18/03/2010




Les Asiatiques ne sont pas différents du reste de l’humanité : beaucoup professent cet article de foi un peu simpliste qui leur fait croire que la chance pourrait un jour leur sourire. Les gouvernements essaient, comme ailleurs, d’en profiter selon le principe que personne ne court à la faillite en organisant des loteries. Quelques gouvernements comme celui de la Thaïlande améliorent sensiblement la trésorerie de l’Etat en gardant le monopole de toutes les formes de jeu. D’autres n’ont pas cette possibilité du fait de l’existence d’une opposition politique ou plus souvent religieuse.

La Malaisie pratiquait dans le passé une loterie d’Etat qui servait à financer les services d’aide sociale du pays. Mais l’opposition des groupes islamiques a forcé le gouvernement à se retirer de l’affaire. Cependant, avant d’en abandonner le contrôle direct, le gouvernement malaisien a pris la précaution d’accorder des licences à des compagnies privées afin qu’elles opèrent des loteries. Il a aussi établi un impôt spécial sur le jeu et sur le casino de Genting Hill qui opère un peu en dehors de la capitale Kuala Lumpur. Cet arrangement fait que la Malaisie se trouve aujourd’hui dans une situation un peu bizarre. L’approche schizophrénique du gouvernement se reflète dans le fait que, tout en proclamant un idéal moral islamique, le pays possède le système de loteries le plus efficacement organisé d’Asie. Le gouvernement du Dr Mahathir a réussi à détourner de lui les pressions des fondamentalistes musulmans pour l’interdiction de toute forme de loterie et de jeu. Un ministre du gouvernement fédéral, s’exprimant avec la franchise que permet l’anonymat, a rapproché cette manière de faire d’un proverbe arabe : “Crois en Dieu, mais garde un oeil sur le chameau

De leur côté, la Chine, l’Inde, les Philippines, la Thaïlande, l’Indonésie et Singapour s’opposent énergiquement à tout projet d’établir des casinos privés sur leurs territoires respectifs, mais chacun de ces gouvernements opère une très fructueuse loterie d’Etat dont les prix atteignent quelquefois jusqu’à deux millions de dollars américains. Comme c’était le cas autrefois en Malaisie, les énormes bénéfices de ces opérations servent à financer des travaux d’intérêt public et les services sociaux de l’Etat.

Les gouvernements qui font de l’argent avec les loteries et le jeu en général dépendent beaucoup des communautés chinoises dispersées en Asie. La clientèle du casino de Genting Hill, en Malaisie, est très majoritairement d’origine chinoise, et c’est le cas de tous les casinos que l’on peut trouver dans la région Asie-Pacifique. Une variation qui a la faveur de beaucoup d’hommes d’affaires engagés dans l’industrie du jeu est “la croisière pour nulle part”. Des paquebots quittent le port de Singapour pour des croisières qui durent un week-end, et les tables de jeu sont installées partout sur le navire dès que la limite des eaux territoriales est franchie. Jusqu’à présent, le gouvernement singapourien refuse de laisser un casino s’installer sur son territoire, mais des rumeurs font état d’une possible permission de l’Indonésie pour en construire un sur l’île de Batam, très proche de Singapour, avec l’objectif d’attirer les riches joueurs de la cité-Etat.

En Malaisie, il est difficile de savoir exactement quelles sont les sommes rapportées par la taxe de cinq pour cent sur le jeu. Cette répugnance à la transparence semble pouvoir être expliquée par les sensibilités religieuses. L’Indonésie qui possédait autrefois une florissante industrie privée du jeu avec plusieurs casinos, les a tous brutalement fermés à cause de l’opposition religieuse de la communauté musulmane.

Parallèlement au jeu légalement organisé, il existe partout une multitude de loteries illégales qui concurrencent directement les opérations officielles. En dépit des efforts gouvernementaux pour les fermer, elles prospèrent dans presque tous les pays d’Asie. Leur succès n’a rien de mystérieux : la plupart de ces opérations sont fiables et les clients n’ont rien à leur reprocher.

Toute une activité économique s’est peu à peu développée autour de l’industrie du jeu, et un certain nombre d’emplois ont été créés. C’est ainsi qu’en Thaïlande par exemple, les tickets sont vendus par les handicapés, ce qui leur donne un emploi dans une société qui n’a pas la réputation d’être tendre avec eux. En Inde, les loteries ont organisé leur propre et pléthorique bureaucratie : plusieurs centaines de milliers de personnes travaillent dans l’administration et dans la vente des tickets.