Eglises d'Asie

Le vice-premier ministre Nguyên Khanh exalte l’écriture nationale ainsi que le principal artisan de sa création, Alexandre de Rhodes

Publié le 18/03/2010




Le 22 décembre 1995, avait eu lieu à Hanoi, un colloque officiel destiné à exprimer le nouveau jugement porté par le “Parti et l’Etat” sur la personne et l’oeuvre d’Alexandre de Rhodes (9). Un certain nombres d’historiens, philologues et érudits y avaient apporté leurs contributions. La plupart de celles-ci ne sont pas encore publiées. Au colloque, à côté des spécialistes, des hommes politiques s’étaient aussi exprimés, comme le vice-premier ministre Nguyên Khanh et le secrétaire d’Etat à la culture Luu Trân Tiêu. Leurs interventions étaient attendues avec curiosité car elles ne pouvaient manquer de refléter dans toutes ses nuances le nouveau point de vue du gouvernement sur l’illustre jésuite. La revue confidentielle “Xua nay” a fait paraître au début de l’année le texte de l’exposé donné au colloque par M. Nguyên Khanh.

Dès le début, le vice-premier ministre s’est refusé à prendre parti dans les débats de spécialistes qui visent à préciser l’importance plus ou moins grande d’Alexandre de Rhodes dans l’oeuvre collective de la création de l’écriture nationale. Il s’est contenté d’affirmer que la contribution du jésuite au développement de la langue et de la culture vietnamiennes est infiniment précieuse. S’efforçant de dépasser la question des individus, il voit dans la création de l’écriture nationale, non pas un événement fortuit, fruit de la volonté ou du talent de quelques individus, mais le résultat d’un processus d’échanges entre le Vietnam et l’Occident.

Selon lui, il n’existe pas de communauté dont la culture puisse se développer dans l’isolement. Au contraire, son développement est toujours influencé par les échanges avec d’autres cultures, et par l’accueil d’éléments leur appartenant. Ce processus constitue même une part essentielle de l’histoire de la culture vietnamienne. A plusieurs reprises, elle s’est enrichie d’éléments provenant de cultures de l’Asie du sud-est, de la Chine, de l’Occident et plus particulièrement de la France, tout en gardant son entière originalité. C’est un événement de ce type qui s’est produit avec l’introduction de l’écriture latine, il y a plus de trois cents ans. Elle a donné lieu à l’épanouissement de la culture vietnamienne à l’époque contemporaine. L’instrument étranger constitué par l’écriture latine a été utilisé d’une façon créative par les Vietnamiens qui l’ont préféré, pour ses nombreux avantages, aux caractères “nôm” (démotiques) et aux caractères chinois. Parfaitement adapté au Vietnam, cette écriture est devenue un outil incomparable pour l’éducation du peuple, le développement des connaissances, de la culture et de la langue.

Cette prise de position officielle à l’égard de l’écriture nationale et du principal artisan de sa création, Alexandre de Rhodes, constitue un revirement complet par rapport aux points de vue soutenus il y a encore quelques années. Il y a seulement quatre ans, au cours d’un colloque à Hanoi, le professeur Hoang Tuê (10) disait encore: “On peut penser que l’écriture nationale, en dehors de son but pratique, revêtait une certaine signification politique Pendant longtemps, les historiens officiels, s’appuyant sur une mauvaise traduction d’une phrase extraite de son oeuvre, ont accusé Alexandre de Rhodes d’avoir souhaité une intervention armée de la France au Vietnam.