Eglises d'Asie

Une enquête sur la vie religieuse des jeunes catholiques à Hô Chi Minh-Ville

Publié le 18/03/2010




En novembre 1995, l’hebdomadaire “Catholicisme et Nation”, organe du Comité d’union du catholicisme à Hô Chi Minh-Ville avait organisé un sondage portant sur l’expérience et la vie religieuses de la nouvelle génération de catholiques. Une série de questions avait été fournie à un groupe de jeunes représentatifs de la jeunesse catholique urbaine. 107 des 300 questionnaires envoyés ont été remplis (5). Les auteurs des réponses ont entre 18 et 35 ans et occupent des positions sociales assez variées: 24,29 % d’entre eux sont étudiants; 28,03 % appartiennent au monde ouvrier; 8,41 % n’ont pas encore achevé leurs études secondaires. Les autres exercent diverses professions libérales ou commerciales.

Le sondage fait apparaître que pour la majorité d’entre eux (56,5 %), la foi religieuse tient une place essentielle dans leur vie et en constitue même l’élément dynamique. Pour certains, elle est synonyme d’orientation vers le bien. D’autres la caractérisent comme leur “boussole” ou encore leur idéal de vie. Seule une minorité y voit un soutien moral. Ce lien intime de la religion avec la vie concrète se trouve encore renforcé dans les réponses à la question qui demande aux jeunes de désigner quelle est pour eux l’expression principale du catholicisme. Plus de la moitié des jeunes voient dans la pratique de la justice et du partage, ou encore dans un comportement correct vis-à-vis du prochain, la manifestation la plus parfaite de leur foi. Ils ne sont que 28,03% à réduire la vie religieuse à la vie cultuelle (assistance à la messe et réception des sacrements). 5% d’autres pensent encore qu’elle consiste principalement à observer la loi de l’Eglise, tandis que certaines réponses l’identifient à la prière.

Cette nouvelle conception de vie religieuse propre à la jeunesse catholique saïgonaise est confirmée par les réponses fournies à une question portant sur la spécificité du catholique. Pour une majorité, celle-ci réside d’abord dans la façon de se comporter avec les autres. La pratique religieuse et l’observation des lois de l’Eglise ne viennent qu’après. Une autre confirmation de ce nouvel état d’esprit peut être relevée dans les définitions personnelles que les jeunes ont données à l’expression typiquement vietnamienne “giu dao” (garder, observer la religion). Pour près de 60% des jeunes interrogés, l’expression ne peut que signifier: “vivre en témoin, dans la sincérité et la perfection et rechercher le bien de l’autre”.

On peut penser que cette façon plus sociale et plus engagée de vivre sa foi est typique de la jeune génération et constitue sa principale originalité en regard des générations précédentes. Il est possible, pour une part, d’attribuer ce nouvel état d’esprit au changement de société qui s’est opéré en 1975. Il faut sans doute surtout y voir un effet éloigné de l’enseignement du Concile Vatican II sur l’Eglise catholique vietnamienne, même si, dans le sondage, 62,61% des jeunes interrogés déclarent tout ignorer du Concile et que seuls 31,77 % en ont entendu parler.

Cette transformation de l’esprit religieux chez les jeunes ne les empêche pas cependant de se référer très fermement à la tradition, bien davantage que les catholiques occidentaux de leur âge. Leur opinion sur la nature du pouvoir du Vatican est sensiblement la même que celle de leurs parents. 56% des réponses affirment qu’il s’agit là de l’organe dirigeant de l’Eglise universelle. Ils ne sont aussi que 8,41% à ne pas croire à l’enfer; 80,37% affirment au contraire son existence, tandis qu’une petite minorité exprime des doutes à ce sujet. L’attachement traditionnel de la chrétienté vietnamienne à la prière se laisse deviner dans la réponse à la question: “Que faites-vous en premier lieu devant une difficulté?” 84,11% ont confié qu’ils commençaient par prier.

Des sujets délicats ont été abordés dans cette enquête. En particulier, une question était posée concernant la nature de la liberté religieuse régnant aujourd’hui au Vietnam. Il est compréhensible que presque 15% des jeunes se sont dits incapables de répondre à une telle question. 39,25% pensent qu’il s’agit d’une liberté relative qui a besoin de progresser encore davantage. Pour 19,62%, le Vietnam bénéficie aujourd’hui d’une vraie liberté religieuse. 15,88% trouvent même que cette liberté est trop grande et prête à abus. Cependant le compte rendu de l’enquête consigne encore que 8,4% des jeunes ont émis des opinions différentes qui ne sont pas précisées.