Eglises d'Asie

Le meurtre d’une étudiante de Hanoi témoigne de la montée de la criminalité dans la capitale

Publié le 18/03/2010




Le mois dernier, à Hanoi, une jeune fille de 19 ans, Trân Ngoc Bich, a été retrouvée frappée à mort sur son lit, apparemment victime d’un cambrioleur. Elle suivait des cours de sociologie à l’Institut supérieur de marxisme-léninisme. Son grand-père, révolutionnaire de la première heure, avait été maire de Hanoi pendant plus de vingt ans. Son père, M. Trân Tiên Duc, peut-être encore plus connu, était commentateur sportif et avait longtemps fait office de traducteur lors de la diffusion sur les ondes des reportages des grands matchs de football soviétiques. Aux funérailles, dans la très longue file de personnes attendant derrière le cercueil pour rendre un dernier hommage à la défunte, on reconnaissait, au milieu de ses amis étudiants, de hauts fonctionnaires et des membres éminents du Parti (16).

Cette mort a créé une forte émotion dans tous les milieux de la capitale. Le caractère odieux de l’agression, le jeune âge de la victime, étudiante modèle, y sont sans doute pour beaucoup. Cependant les habitants de Hanoi y ont surtout vu un signe supplémentaire de la montée inquiétante de la criminalité dans leur ville. Les crimes ne cessent de se multiplier tandis que se desserre l’étau du système politique. M. Duong Cham Huyên, le chirurgien qui a essayé de sauver la jeune fille transportée en urgence dans la salle d’opération, a déclaré à la presse: “J’ai affaire à des cas de ce type, au moins une fois chaque jour!”.

L’année dernière, le “Nhân Dân” mentionnait une augmentation de 64% des crimes commis en 1994 par rapport à l’année précédente. Pour l’année 1995, les autorités ont officiellement recensé plus de 66 500 cas d’infractions pénales (notamment meurtres, viols et vols à main armée), un chiffre en hausse de 2,2% par rapport à 1994 (17). La police de Hô Chi Minh-Ville affirme que la criminalité a décru en 1995 et n’a consigné que 97 meurtres pour cette année-là, ce qui constitue un taux relativement faible pour une ville de cinq millions d’habitants. Cependant M. Vu Vinh Duc, adjoint du chef de la Sûreté de la ville, reconnaît que les statistiques dissimulent de nouveaux aspects de la criminalité urbaine: l’apparition d’une nouvelle catégorie de crimes et l’âge de leurs auteurs qui pour 80% d’entre eux ont moins de trente ans.

Dans un passé récent, les crimes trouvaient leur origine dans des disputes familiales, des rivalités entre voisins ou encore des bagarres d’ivrognes. Ils ont aujourd’hui changé de nature. Cette année, en février, durant les fêtes du Têt, à Hanoi, un jeune homme de 19 ans, Duong Thê Tung, a tué un policier qui essayait de mettre fin à une bagarre. Il faisait partie d’un gang de motocyclistes trouvés en possession de 20 couteaux de boucher. Il a été condamné à mort le 16 avril 1996 sans que la foule massée devant le tribunal ne manifeste d’étonnement devant cette décision prise contre un presque adolescent (18). Il y a quelque temps, dans la région de Hanoi, un étudiant a tué son professeur à coups de poignard. Ailleurs, dans la province de Vinh, un autre étudiant a attaqué et tué son professeur après avoir volé le rétroviseur de sa moto. Autant de crimes qui contribuent à alimenter l’inquiétude de la population, inquiétude renforcée encore par l’apparente inefficacité des très sévères condamnations réservées aux coupables. Un rapport international, basé sur la lecture de la presse locale et publié le 22 février 1996, rapporte que les tribunaux vietnamiens ont porté 104 sentences de mort en 1995, 95 pour homicides, 8 pour trafic de drogue et une pour enlèvement.

Les membres de l’aile conservatrice du Parti et beaucoup de personnes d’un certain âge attribuent la cause de ce regain de criminalité à l’argent et aux influences occidentales qui ont fait leur apparition à la faveur du changement actuel et de l’introduction de l’économie de marché. Un peu partout on déplore l’absence de règle morales. Le père de Mlle Bich a fait remarquer à la presse: “Dans le cadre de la nouvelle économie, on est prêt à faire n’importe quoi pour s’enrichir, y compris tuerCependant, certains comme ce prêtre de Hanoi, qui a demandé l’anonymat, nuancent ce jugement: “Il n’y a pas de règles de morale, a-t-il remarqué, parce qu’autrefois l’Etat accomplissait tous les choix à la place du peuple. Cette époque est aujourd’hui terminée

Le récent changement économique au Vietnam a favorisé l’accumulation et la concentration des richesses et des sources de revenus en ville et de ce fait provoqué l’afflux dans les grands centres urbains d’une population jeune et avide de profiter des retombées du récent essor économique. Il est probable que le ressentiment de ceux qui estiment ne pas avoir reçu une part suffisante de l’enrichissement général, a beaucoup contribué à cette montée récente de la criminalité.