Eglises d'Asie

Un membre du Parti peut-il devenir capitaliste ?

Publié le 18/03/2010




Une question alimente aujourd’hui les débats préparatoires du huitième Congrès qui aura lieu en juin 1996: “Un membre du Parti peut-il devenir un capitaliste et s’engager dans l’économie de marché ?” Le projet de rapport politique pour le 8ème congrès, paru le 10 avril 1996, a insisté sur la nécessaire rénovation du Parti et a relancé les discussions sur ce sujet. La même semaine, deux organes des jeunesses communistes, “Tuôi Tre” (Jeunesse) et “Thanh Niên”(Jeunes gens) (16) en ont fait le thème de leur éditorial. La question est loin d’être purement accadémique. Elle est extrêmement importante, on s’en doute, pour l’avenir de l’économie de marché au Vietnam. Celle-ci est-elle destinée à échapper aux dirigeants politiques du pays, tous membres du Parti, et à tomber entre les mains de personnes étrangères à l’idéologie régnante?

Pour le moment, les réponses parues dans la presse témoignent de deux orientations différentes. Pour certains, un membre du Parti doit se tenir à l’écart de l’économie capitaliste et se garder de se compromettre avec l’exploitation de l’homme par l’homme. Le membre du Parti aurait, certes, le droit de devenir riche et de se mêler d’économie; mais il ne devrait pas participer directement à l’économie de marché et donc collaborer à une entreprise privée. C’est ainsi que parmi les opinions exprimées à l’issue d’une réunion de la section communiste d’un service d’Etat à Hô Chi Minh-Ville, on en trouve une proposant d’interdire à tout responsable de section du Parti, à partir du niveau du district et au-dessus, de s’engager d’une façon quelconque dans l’économie capitaliste privée. D’autres opinions voudraient réduire cette interdiction aux membres du Parti occupant un poste à l’intérieur de l’économie d’Etat.

Les partisans de l’engagement actif des militants communistes à l’intérieur de l’économie de marché et donc du monde des entreprises privées prennent une attitude diamétralement opposée. Certaines sections du Parti vont même jusqu’à demander que soit retirée des règlements du Parti, l’interdiction faite aux militants de participer à l’exploitation de l’homme par l’homme. L’argumentation justifiant les activités capitalistes d’un militant communiste a été exposée dans une lettre de lecteur publiée par “Thanh Niên“. L’Etat et le Parti vietnamiens conseillent à tout citoyen de s’enrichir dans la légalité. Ils s’efforcent aussi d’éliminer la pauvreté. Comment refuser aux seuls militants communistes ce qui est permis à tout le monde ? En participant à l’économie privée, non seulement ils acquerront des richesses personnelles, mais ils contribueront au développement général du pays et à l’élimination de la pauvreté au sein de la population.

A en croire la presse, c’est la deuxième orientation qui semble recueillir le plus d’approbations. La plupart des commentaires font remarquer en outre qu’il y a déjà longtemps que les militants communistes occupent des postes fort importants dans les entreprises privées. Beaucoup de patrons et d’actionnaires dans les compagnies à responsabilité limitée récemment fondées sont issus du Parti. Ce sont les militaires qui ont pris sans doute la part la plus active dans l’évolution économique récente. Selon la presse locale (17) les 300 compagnies contrôlés aujourd’hui par l’armée vietnamienne ont signé, cette année, 35 contrats “joint-ventures” avec des partenaires étrangers qui leur ont apporté des investissements dont la somme totale se monte à 335 millions de dollars.