Eglises d'Asie

L’instabilité politique résultant des élections n’est pas forcément un mal pour le pays, selon des responsables d’Eglise

Publié le 18/03/2010




L’instabilité politique apparente résultant des élections générales du début mai n’inquiète pas outre mesure certains responsables de l’Eglise catholique, qui pensent qu’un certain nombre de facteurs sont au contraire porteurs d’espérance, en particulier l’émergence des partis régionaux représentant les basses castes.

Le Bharatiya Janata Party (BJP), nationaliste hindou, soutenu par les hautes castes, est devenu le premier parti du Lok Sabha, le parlement indien, mais s’est avéré incapable de s’assurer une majorité de gouvernement, tous les autres partis ayant refusé de s’associer à lui. En même temps, la perte de crédibilité populaire du parti du Congrès, qui n’a obtenu que 136 sièges sur 545, a favorisé l’émergence de partis régionaux reprenant à leur compte les revendications des basses castes. Ces partis régionaux sont appelés aujourd’hui à partager les responsabilités du gouvernement fédéral dans une alliance souple avec des partis nationaux de gauche, connue sous le nom de Front uni. Même si cette alliance ne devait pas durer très longtemps dans son état actuel, les partis représentant les basses castes resteront incontournables dans toute éventuelle combinaison gouvernementale.

C’est ce qui fait dire au P. George Pereira, secrétaire général adjoint de la conférence épiscopale indienne, que les résultats des élections sont “largement positifs” pour la démocratie : “Ces élections ont donné aux pauvres et aux basses castes une occasion de s’affirmer, et c’est pour cela que beaucoup de partis régionaux ont pu gagner : les groupes défavorisés ont maintenant la possibilité de participer au pouvoirCette analyse est confirmée d’une certaine manière par B.P. Maurya, théoricien du parti du Congrès, qui explique l’échec de son parti par l’absence de soutien dans les basses castes : “Le Congrès a perdu ses bases électorales traditionnelles chez les dalits et les membres des minorités parce qu’il n’a pas partagé le pouvoir avec euxa-t-il déclaré le 8 mai 1996.

Tout en reconnaissant le caractère “historique” de cette émergence de partis régionaux représentant les basses castes, qui ont ainsi “découvert le pouvoir du votele sociologue Ashish Nandy, directeur du centre d’étude des sociétés en développement de New Delhi, n’en craint pas moins que l’instabilité politique devienne ainsi un phénomène durable et provoque des troubles sociaux. La même analyse est partagée par B. Sen Gupta, sociologue lui aussi, qui observe avec une certaine inquiétude que ces élections ont été menées “comme une guerre de castes

Cette inquiétude n’est pas partagée par Ramakrishna Hegde, l’un des dirigeants du Front uni de quatorze partis, qui a formé un gouvernement le 29 mai 1996 : “L’électeur indien a consciemment fait le choix de l’instabilité pour permettre l’émergence de nouvelles forces de changement social. L’Inde connaîtra la stabilité si toutes les forces politiques ‘séculières’ s’unissent” contre le fondamentalisme hindou représenté par le BJP.

Interrogé par la presse au lendemain des élections, Mgr Alan de Lastic, archevêque de New Delhi et vice-président de la conférence épiscopale indienne a déclaré n’éprouver aucune appréhension devant les changements intervenus sur la scène politique indienne: “Qu’il soit dirigé par le BJP ou par le Front uni, la composition du gouvernement n’affectera pas les activités de l’Eglise. Nous n’avons peur d’aucun parti politique mais nous voulons simplement que le nouveau gouvernement quel qu’il soit travaille pour la justice sociale et prenne des initiatives en faveur des pauvres

Le nouveau gouvernement du Front uni, dirigé par Dewe Gowda, intronisé le 1er juin 1996, dit avoir le soutien de 192 députés. Il devrait pouvoir durer quelque temps s’il obtient l’accord au moins tacite des 136 députés du parti du Congrès. Dewe Gowda était jusqu’ici premier ministre de l’Etat méridional du Karnataka dont la capitale est Bangalore.