Eglises d'Asie

Huitième congrès du Parti communiste: l’ancien secrétaire général, Nguyên Van Linh, accuse la CIA de se servir de l’Eglise catholique

Publié le 18/03/2010




La question religieuse n’a été évoquée qu’une seule fois au cours des débats du huitième congrès qui s’est déroulé du 28 juin au 1er juillet 1996. Il est sans doute significatif que cette mention ait été faite à l’intérieur d’un développement sur “l’évolution pacifique”, c’est à dire d’une mise en garde contre l’influence déstabilisatrice de l’idéologie libérale. C’est, en effet, dans ce cadre que l’ancien secrétaire général du Parti, Nguyên Van Linh, y a fait allusion dimanche, 30 juin 1996, durant la troisième journée du congrès (11). Après avoir accusé les investisseurs étrangers de pratiquer une politique néo-colonialiste, d’agir en dehors du contrôle de l’Etat, de créer les conditions pour “l’évolution pacifique”, l’actuel conseiller du Comité central s’est lancé dans une diatribe “ancien style”, accusant la CIA de favoriser la création et le développement de sectes religieuses parmi les minorités ethniques de la région des hauts plateaux et d’envenimer les problèmes avec la communauté catholique romaine. Il a ensuite exhorté les cadres du Parti à garder leur vigilance.

Dans l’après-midi du même jour, le secrétaire général Dô Muoi, reconduit dans ses fonctions de secrétaire général, a essayé d’apaiser les craintes que les propos de son prédécesseur avaient pu faire naître chez les investisseurs étrangers. Il n’a pas cherché cependant à atténuer la portée des accusations visant la célèbre agence américaine. On aurait tort de négliger les propos de Nguyên Van Linh qui reste un conseiller toujours écouté en particulier dans le domaine des affaires religieuses dont il est le meilleur expert au sein du cercle dirigeant du Vietnam. Après 1975 et dans les années 1980, dans le cadre du comité national d’action populaire, il a été étroitement mêlé à la prise en main du bouddhisme par l’Etat et au contrôle sévère exercé par celui-ci sur les activités de l’Eglise catholique (12). Nommé secrétaire général à l’issue du 6ème congrès, en décembre 1986, il fut chargé de mettre en oeuvre la politique de rénovation, équivalent de la politique libérale menée alors en Union soviétique par Gorbatchev. C’est dans ce cadre qu’il rendit à l’Eglise catholique un certain nombre de ses libertés et institutions, perdues depuis 1975, particulièrement en favorisant la libération des nombreux prêtres prisonniers et en autorisant l’ouverture d’un certain nombre de séminaires. A la fin du mois de mars 1990, à la suite du 8ème plenum, sa politique prenait brusquement un virage conservateur (13) et l’Eglise subissait le contre-coup de sa méfiance à l’égard de toute opposition éventuelle. Même après son départ du pouvoir, il n’a cessé de s’intéresser aux affaires religieuses. En novembre 1993, un exposé prononcé par lui à l’occasion d’un congrès du Comité d’union du catholicisme à Hô Chi Minh-Ville, montrait qu’il était parfaitement au courant du contentieux entre l’Eglise et l’Etat, en particulier dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville (14).

Il n’est guère possible de savoir aujourd’hui si le nouveau bureau politique tirera profit et enseignement de cette mise en garde, ni non plus quelle sera l’orientation de sa politique religieuse. Cependant, la composition même de la nouvelle équipe peut fournir un certain nombre d’indices. On peut par exemple noter le départ, hors de l’équipe dirigeante, de trois personnalités attachant une grande importance à l’idéologie. Il s’agit de Dao Duy Tung, le plus haut responsable en la matière, de Lê Phuoc Tho et surtout de Vu Oanh, le principal inspirateur de la politique religieuse. A plusieurs reprises, la presse officielle a reproduit certaines des interventions de ce dernier (15). Il avait essayé de donner un nouveau ton au discours sur la religion en se détachant de l’explication rigoureuse du phénomène religieux élaborée par le marxisme-léninisme pour se référer davantage à l’ensemble des maximes généreuses mais souvent imprécises recueillies de la bouche de Hô Chi Minh et formant la “pensée de Hô Chi Minh”. Il faut aussi remarquer que parmi les neuf nouveaux venus au bureau politique deux viennent du ministère de l’Intérieur et un autre de l’armée. La conservation des trois anciens dirigeants suprêmes à la tête du bureau, à savoir Dô Muoi, Lê Duc Anh et Vo Van Kiêt, le départ des idéologues, l’arrivée de pragmatiques, autant de signes qui donnent à penser que l’évolution actuelle de la politique religieuse se poursuivra dans la même orientation. Elle continuera probablement d’abandonner progressivement ses références théoriques au marxisme-léninisme pour se transformer en instrument de contrôle pragmatique des activités religieuses en fonction du maintien de la stabilité politique.