Eglises d'Asie

Jakarta : à la suite des émeutes de juillet, un prêtre catholique pourrait être poursuivi pour avoir donné asile à des militants de l’opposition

Publié le 18/03/2010




Le P. Sandyawan Sumardi, jésuite, directeur de l’Institut social de Jakarta pourrait être prochainement inculpé par le tribunal de trois chefs d’accusation : outrage au président Suharto, expression publique d’hostilité à l’encontre du gouvernement et protection de criminels. Ce sont les termes de la convocation que le prêtre a reçue de la police de Jakarta, le 17 août 1996. Depuis lors, il a été interrogé à deux reprises dans les locaux de la police.

Après les émeutes populaires du 27 juillet 1996, les plus graves que la capitale indonésienne ait connues depuis 1974, le P. Sandyawan Sumardi et d’autres intellectuels indonésiens comme Abdurrahman Wahid, chef de la puissante organisation musulmane Nahdlatul Ulama, ont formé un comité d’enquête, et se sont donné pour mission de secourir les victimes des émeutes. Selon les autorités, la répression militaire aurait fait quatre morts et vingt-huit blessés, mais des organisations de défense des droits de l’homme parlent de plusieurs dizaines de victimes et d’une soixantaine de disparus. La commission indonésienne des droits de l’homme semble avoir du mal à finaliser son enquête et, un mois après les événements, n’a pas encore publié son rapport. Le 21 août, la Commission a fait savoir que “le gouvernement avait expressément demandé à ses membres de prendre en compte les intérêts de la nation avant de révéler la vérité sur les émeutes du 27 juillet

Le 12 août 1996, au lendemain de l’arrestation de trois militants du PRD (Partai Rakyat Demokratik) accusés d’être les organisateurs des émeutes, le P. Sandyawan, accompagné d’Abdurrahman Wahid, avait donné une conférence de presse, pour expliquer comment et pourquoi il avait aidé Budiman Sudjatmiko, Petrus Hariyanto et Joseph Kurniawan respectivement président, secrétaire général et vice-président du PRD, à se cacher de la police. Il les avait emmenés chez son frère Benny dans la banlieue de Jakarta. Celui-ci a été arrêté en même temps que les trois militants. Le P. Sandyawan a expliqué aux journalistes qu’il ne connaissait pas l’identité des jeunes gens et qu’il avait agi en son âme et conscience pour des raisons humanitaires : “Ils sont venus dans mon bureau pour demander notre protection. Ils m’ont dit avoir peur depuis que le gouverneur militaire de Jakarta avait donné l’ordre de tirer à vue. Prenant en compte la tension et la situation explosive qui régnaient dans la ville, j’ai accepté de cacher les trois jeunes gens chez mon frère BennyUn peu plus tard, le P. Sandyawan a été informé de l’identité des trois militants et, sachant qu’ils étaient recherchés par la police, il a contacté les autorités militaires pour négocier leur reddition sans violence : “Au moment où ils ont été arrêtés, nous avions juste commencé de négocier avec les autorités

Les émeutes populaires du 27 juillet 1996 ont été provoquées par les manoeuvres gouvernementales visant à diviser le parti d’opposition PDI (Partai Demokratik Indonesia) dirigé jusque récemment par Megawati Sukarno, fille du père de l’indépendance indonésienne. En juin 1996, un congrès illégal du PDI organisé à Medan avec l’aide de l’armée avait déposé Megawati, très populaire dans le pays, et élu un nouveau président. Quelques semaines plus tard, les amis du nouveau président, aidés par la police, ont occupé par la force les locaux du PDI à Jakarta. Cette occupation manu militari des locaux du PDI a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres et jeté des milliers de personnes dans la rue.

Un certain nombre d’observateurs estiment que l’Indonésie connaît depuis plusieurs mois une situation sociale explosive aggravée par la corruption massive des élites au pouvoir. Cette situation exaspère la crise politique ouverte par la perspective des élections parlementaires de 1997 et l’élection présidentielle de 1998. Il faut noter que, à la suite des événements de juillet, une trentaine de syndicalistes ont été eux aussi arrêtés. Parmi ceux-ci se trouve Muchtar Pakpahan, dirigeant du plus important syndicat ouvrier indonésien, non reconnu par le gouvernement (5). Le gouvernement a profité de l’occasion pour arrêter en même temps plusieurs dizaines d’opposants politiques.