Eglises d'Asie

Le cardinal Darmaatmaja, archevêque de Jakarta, publie une lettre ouverte dans laquelle il prend quelque distance à l’égard du gouvernement

Publié le 18/03/2010




Le 1er août 1996, le cardinal Darmaatmadja a fait lire une lettre ouverte dans toutes les paroisses de Jakarta. Il y exprime l’inquiétude de l’Eglise catholique après les événements du 27 juillet et la répression militaire qui a suivi (6). De manière indirecte, il prend aussi ses distances par rapport à l’action gouvernementale.

“Alors qu’une solution pacifique était recherchée, la violence physique a pris le dessus, et les vies de nos compatriotes ont été mises en dangerécrit le cardinal. Il affirme aussi que, au cours des événements, la dignité humaine des personnes n’a pas été respectée comme il aurait fallu, et il rappelle que “notre identité de peuple solidaire doit réveiller notre conscience d’appartenir tous à la famille du même Dieu

Le cardinal dit encore partager la peine de ses compatriotes “qui ont perdu des frères, des soeurs, des amis, des maris, des femmes et des enfants au cours des événementsCette phrase implique que, selon les estimations du cardinal, les pertes en vies humaines ont été sensiblement plus importantes que ne le disent les autorités gouvernementales qui ne parlent que de quatre morts.

Il se réjouit des efforts faits par la commission nationale des droits de l’homme, et plusieurs organisations non gouvernementales de Jakarta qui ont formé un comité pour enquêter sur les événements et secourir les victimes (7).

Dans une critique à peine voilée de l’action gouvernementale, il appelle enfin toutes les parties à trouver une solution réelle aux problèmes dans le respect du bien public et de l’unité nationale, au-delà des intérêts d’un groupe ou de quelques personnes : “A cette fin, il est nécessaire d’être humble, honnête et d’avoir l’esprit clair pour ne pas spontanément accuser d’hostilité ceux qui professent des idées différentes

En dépit de la très grande modération du texte publié par le cardinal, le quotidien de Jakarta, “Kompaspourtant d’inspiration catholique, a refusé de le publier. Ceci donne une indication de l’auto-censure que s’appliquent les journaux indonésiens depuis l’interdiction de l’hebdomadaire Tempo en 1995 (8).

Depuis quelques années, les catholiques sont beaucoup moins présents dans les corridors du pouvoir à Jakarta. Il y a moins de parlementaires catholiques et il n’y a plus aucun ministre catholique dans le gouvernement actuel alors qu’ils étaient encore cinq sur trente-neuf dans le précédent (9). Déjà sensible sur les problèmes de Timor Oriental depuis quelque temps, la prise de distance de la hiérarchie catholique par rapport au gouvernement de M. Suharto se confirme aujourd’hui.

Par ailleurs, de très nombreux chrétiens sont présents dans le PDI (Partai Demokratik Indonesia) de Megawati Sukarno. Selon des évêques indonésiens interrogés par Eglises d’Asie, les manoeuvres du pouvoir pour diviser ce parti d’opposition pourraient avoir des répercussions directes sur la vie interne de l’Eglise catholique. Ils estiment en effet que le gouvernement pourrait céder à la tentation de favoriser la division dans l’Eglise catholique comme il l’a déjà fait dans l’Eglise luthérienne Batak de Sumatra ( ).

Les chrétiens, protestants et catholiques, sont environ 10% de la population indonésienne.