Eglises d'Asie

Des chrétiens japonais, traumatisés par les déviances meurtrières de la secte Aum, s’interrogent: les sectes ne révèlent-elles pas une pathologie cachée de la société?

Publié le 18/03/2010




La trente-troisième rencontre du Centre catholique de recherche sociale s’est tenue à Yokohama au cours du mois d’août 1996. Le thème de cette année était centré autour de la secte Aum. La question est au centre des préoccupations de la société japonaise depuis le traumatisme causé par les déviances meurtrières de la secte. Les catholiques ont-ils quelque chose à changer dans leurs méthodes ou dans leur vie ? Ce ne sont pas par centaines mais par milliers que se comptent les sectes au Japon (en japonais : les nouvelles religions) Elles représenteraient 10 à 20 % de la population. C’est dire l’influence qu’elles exercent sur la société. Beaucoup de jeunes en particulier, mécontents des religions traditionnelles, se tournent vers ces nouvelles sectes.

Un prêtre du diocèse de Yokohama, le P. Masaru Ogasawara donna la première conférence. Si les jeunes ont été attirés par la secte Aum, dit-il en substance, c’est avant tout, parce que le désir de salut et le sentiment religieux qui sont en eux comme en tout homme, les y ont poussés. Les grandes questions de la vie et de la mort, de la vieillesse et de la souffrance. La soif d’un monde spirituel cherché obscurément au delà de la dure réalité de la vie. La soif du surnaturel. Autant de motivations qui poussent les jeunes à prendre contact avec les différents mouvements, souvent inspirés de l’ascétisme japonais traditionnel. Puis, souvent après une expérience mystique, naît le désir inconscient de déifier celui qui les a initiés, le fondateur de la secte, le gourou.

Les bandes dessinées lues assidûment dans l’enfance, avec leur violence et les cataclysmes à répétition ont laissé des traces chez les jeunes d’aujourd’hui. Eduqués dans un monde aux valeurs fluctuantes puis, soûlés par les élucubrations d’un soi-disant visionnaire qui mélange fin du monde et bouddhisme ésotérique, ils perdent toute capacité de jugement et approuvent le maître de vouloir, séance tenante, sauver les gens : « Quand le monde est sous la menace d’un danger imminent, pour sauver le plus grand nombre de personnes, on ne peut pas être trop regardant sur la manière ».

La conclusion du Père Ogasawara sera que, pour répondre aux jeunes, les chrétiens doivent revenir à plus de spiritualité, ne pas craindre de parler de la mystique chrétienne qui affleure dans les sacrements et le mystère eucharistique. L’ascèse dans la lutte contre soi-même et le péché, l’ascèse des quarante jours de carême, l’abstinence, le don de soi pour l’amour de Dieu et du prochain, la prière, la méditation et enfin la direction spirituelle si nécessaire aux jeunes.

Le deuxième jour de ce colloque, Monsieur Asami, professeur d’université, fait l’historique des mouvements religieux au Japon avant de déboucher sur la secte Aum. Une religion individualiste dans sa structure, secrète, qui brise l’homme sans qu’il s’en aperçoive. Une secte destructive et individualiste du chacun-pour-soi, avec asservissement des esprits et suppression des sentiments. Négation de soi, rejet sans concession de tout esprit de démocratie. Le plus grand des péchés ? Prétendre vouloir penser par soi-même. Le salut suprême au sens bouddhiste du terme, selon eux, ne pourra se réaliser que dans une totale soumission au gourou et une absence totale de pensée personnelle. Au centre de la secte, une structure où ne pénètrent que les cadres initiés, dépositaires exclusifs des directives secrètes du gourou. L’ensemble ? Une machine à fabriquer autant de copies conformes du maître, de véritables clones.

Le troisième jour, Monsieur Oyanagi, de l’université de Tôkyô, constatait que, dans une société qui privilégie à ce point l’économie, l’humanité ne pouvait que régresser. Une perte de la morale, le relâchement des liens familiaux, une société sur-médiatisée qui déstructure l’homme et lui apprend à se soumettre. Les chrétiens doivent, dans un tel contexte, prendre conscience de cette faim et soif du religieux et y répondre.

La conclusion sera donnée par le P. Olivier Chegaray, des Missions étrangères de Paris, prêtre-accompagnateur du Centre Catholique de recherche sociale : La secte Aum avec son simplisme et le peu de cas qu’elle fait des relations humaines n’a rien de commun avec le catholicisme. Ses adeptes veulent toujours monter plus haut. Dans le catholicisme, comme le montre le sacrement de l’Incarnation, c’est le Christ qui vient d’en haut vers l’homme.