Eglises d'Asie

Une enquête du Parti communiste sur une région catholique du Nord-Vietnam

Publié le 18/03/2010




La revue du Parti communiste du mois d’août 1996 (18) a publié un rapport détaillé sur la population catholique d’une région du Nord-Vietnam où les fidèles sont particulièrement nombreux. Il s’agit probablement d’une enquête de la section locale du Parti. Le titre “Le maintien de l’ordre et de la sécurité dans la région catholique de Xuân Thuy” ne camoufle nullement les objectifs lointains visés par cette étude qui porte sur un district de la province de Nam Ha. Du point de vue religieux, le territoire étudié représente environ le quart du diocèse de Bui Chu (qui n’est jamais cité en tant que tel dans le rapport) et comprend 29 des 121 paroisses répertoriées pour tout le diocèse par l’annuaire officiel de l’Eglise catholique du Vietnam.

Ce rapport commence par un inventaire extrêmement méticuleux de tout ce que l’on peut trouver comme signes de la présence religieuse dans le district en question. Le nombre des catholiques est estimé à un tiers des 360 000 habitants du district, ce qui est bien au-dessus de la moyenne nationale mais correspond assez exactement aux statistiques établies par le diocèse de Bui Chu lui-même (19). Les effectifs du personnel religieux sont eux aussi soigneusement analysés. Les religieux et religieuses dans le diocèse seraient au nombre de 800, ce qui semble être une surestimation (20). Le chiffre de cinq prêtres seulement pour la région étudiée est vraisemblable puisque ceux-ci ne sont que 45 pour tout le diocèse, selon les statistiques ecclésiales.

L’étude recense ensuite un nombre impressionnant d’associations et de groupements religieux en activité dans le district, depuis les conseils paroissiaux jusqu’aux associations d’Enfants de Marie en passant par les équipes de femmes chrétiennes. Les auteurs du rapport décrivent le fonctionnement de tous ces groupes sur un ton admiratif, soulignat notamment que ceux-ci attirent vers eux un nombre impressionnant de personnes. Les 700 groupements religieux répertoriés par eux sur le district compteraient en leur sein plus de 20 000 membres. Les secteurs touchés par l’activité de toutes ces associations sont eux aussi nombreux et variés puisque leurs objectifs sont aussi bien la santé que l’éducation, l’action caritative ou encore la formation professionnelle.

Après cette analyse minutieuse des ressources religieuses du district, l’enquête en arrive à son principal objectif, à savoir la situation politique. Le premier jugement énoncé est relativement favorable. Il est dit que les activités religieuses et profanes de la population catholique se déroulent en conformité avec la constitution et la législation de l’Etat. L’harmonie entre le sacré et le profane semble régner dans cette région catholique. Cependant, des remarques plus critiques viennent ensuite corriger cette première appréciation louangeuse. La politique d’ouverture actuellement suivie par le gouvernement aurait favorisé un certain nombre de dérives. Les éléments réactionnaires, les forces hostiles se servent des associations catholiques et de leurs activités pour essayer de favoriser l'”évolution pacifique”, opposer les “païens” (21) aux catholiques et troubler la sécurité politique.

Les auteurs de l’enquête décrivent ensuite, avec autant de minutie, le travail du Parti communiste local pour pénétrer à l’intérieur de ce milieu catholique, pour y diffuser la propagande et ensuite transformer peu à peu les mentalités. Le travail de pénétration semble surtout consister dans des rencontres entre les cadres du Parti et les responsables catholiques, depuis l’évêque, jusqu’aux membres laïques des conseils paroissiaux. Elles sont destinées à renforcer les esprits dans la droite ligne politique et entraîner les prêtres et militants catholiques dans un certain nombre d’activités chaperonnées par le Front patriotique, comme le renforcement de la production, la planification familiale, la restauration de la vie culturelle, etc.

Les dernières conclusions de ce rapport relèvent presque de la stratégie. Il y est dit que le Parti communiste doit s’appuyer sur les structures ecclésiales déjà en place pour assurer l’efficacité de son action. Il se servira de la paroisse comme d’une unité de base. Les conseils paroissiaux et les notables qui les composent serviront de relais aux actions du Parti. Mieux encore, les membres du Parti issus de famille catholiques seront choisis de préférence pour accomplir un travail idéologique dans la région.