Eglises d'Asie

Le président Suharto rencontre Mgr Belo à l’inauguration d’une statue géante du Christ

Publié le 18/03/2010




Le nouveau prix Nobel de la paix, Mgr Belo, et le président Suharto, ont participé ensemble, le 15 octobre 1996, à l’inauguration d’une statue géante du Christ, élevée sur un promontoire dominant la baie de Dili, dans le territoire de Timor Oriental. Le président de l’Indonésie, qui se rendait en visite sur le territoire pour la première fois en huit ans, a déclaré que l’édification de cette statue montrait que depuis que Timor Oriental est devenu partie intégrante de l’Indonésie, les valeurs religieuses et sacrées de la région continuent de croître et de se développer. Après avoir affirmé que la religion était le droit de l’homme le plus fondamental, et que l’Etat se portait garant de son exercice en Indonésie, il a ajouté qu’il espérait que “la statue préserverait la foi des Timorais catholiques et la rendrait plus profonde et plus forte”. Selon le témoignage de Mgr Belo qui a accompli un court voyage en hélicoptère à côté de lui au dessus de la statue, le président n’a fait aucune allusion à la récente distinction internationale accordée à l’administrateur apostolique de Dili, pas plus d’ailleurs qu’à l’avenir politique de Timor Oriental.

Mgr Belo avait depuis longtemps signifié publiquement son opposition à ce projet de statue géante, qui aurait du être inauguré le 17 juillet pour le vingtième anniversaire de l’annexion du Timor par l’Indonésie. De ce projet mis en place sans consulter les autorités catholiques, l’évêque avait dit, l’an dernier, qu’il était plein d’arrière-pensées politiques. Il avait même suggéré, il y a trois mois, que l’énorme somme d’argent destinée à l’édification de la statue aurait mieux été utilisée à améliorer la situation économique de la population (15). S’entretenant avec des journalistes à l’issue de la cérémonie d’inauguration, le nouveau prix Nobel a déclaré que si la statue était inaugurée, elle n’était pas encore bénite et que, pour les catholiques, “c’est la bénédiction qui compte”.

La brève poignée de mains que les deux hommes ont échangé en public lors de la cérémonie n’aura sans doute pas mis fin à l’irritation qu’a fait naître dans les milieux gouvernementaux indonésiens l’attribution du prix Nobel à Mgr Belo et au porte-parole de la résistance timoraise, Jose Ramos Horta. Si le président s’est soigneusement gardé d’exprimer son opinion à ce sujet, un certain nombre de ministres n’ont pas caché leur mécontentement. Ils ont cependant évité de s’en prendre directement à l’évêque et ont fait porter leurs critiques contre le second prix Nobel, Jose Ramos Horta, dont le ministre des Affaires étrangères, Ali Alatas, en visite en Allemagne, a dit qu’il n’avait jamais représenté qu’une petite minorité.

Pourtant même dans les milieux officiels, surtout chez les hauts fonctionnaires de Timor Oriental, le prix de Mgr Belo n’a pas fait que provoquer la réprobation. Le gouverneur du territoire, Abilio Jose Osorio Soares, s’est réjoui que le premier évêque a recevoir le prix Nobel soit originaire de la province qu’il administre. Un dirigeant musulman et le recteur de l’université de Dili ont exprimé leur satisfaction pour ce prix et leur compréhension pour l’action pacifique de l’évêque. Dans la presse, et dans les milieux politiques, on a noté de nombreuses réactions sympathiques, souvent assorties, il est vrai, d’invitations faites à l’évêque de ne pas accepter le prix pour protester contre la nomination de Horta. Mgr Belo a fait savoir qu’il n’avait aucune intention de rejeter le prix Nobel et qu’il se rendrait en Suède pour le recevoir.