Eglises d'Asie

LA DIASPORA VIETNAMIENNE AUX ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Publié le 18/03/2010




Les Etats-Unis d’Amérique sont devenus, depuis quelques années, le pays du monde où l’on trouve le plus grand nombre de Vietnamiens, après le Vietnam lui-même. Le recensement de 1990 faisait état de 854 725 Vietnamiens résidant sur le sol de cette nation. Le chiffre a, semble-t-il, été sous-estimé. En tout cas, il a été contesté par les

démographes, et le Bureau du recensement américain a été obligé de reconnaître “une marge d’erreur de 10 à 17 %” (1), due selon lui à l’absence des intéressés au moment de l’enquête. L’estimation proposée dans ce dossier sera nettement plus élevée.

I – LA SITUATION ACTUELLE DE LA DIASPORA VIETNAMIENNE

AUX ETATS-UNIS

1 – Les immigrés vietnamiens avant 1975

Avant 1975, le nombre de Vietnamiens installés aux Etats-Unis était peu important. Certains appartenaient au corps diplomatique, les autres étaient des étudiants, boursiers du gouvernement américain. Au total, il n’y avait pas plus de 3 000 personnes, chiffre bien inférieur à celui de la diaspora vietnamienne en France à la même époque (2), estimé à plus de 14 000 (3). Ils vivaient dispersés le long de la côte Est: à Washington D.C., dans certains Etats limitrophes (Maryland et Virginie) et d’autres Etats situés aux alentours des grands lacs (Wisconsin, Michigan, Minnesota, Illinois, etc.). Très rares étaient ceux qui s’étaient installés sur la côte Ouest (en Californie, par exemple), ou au sud du continent américain (dans le Texas, l’Oklahoma, l’Arkansas).

2 – Les réfugiés de 1975

L’effondrement du régime du Sud-Vietnam au mois d’avril 1975 fut accompagné d’un mouvement d’émigration sans précédent dans l’histoire du Vietnam. Des vagues successives de réfugiés déferlèrent sur le continent américain, modifiant du tout au tout la répartition géographique de la population vietnamienne qui y était primitivement installée. Le premier groupe, évacué par les forces armées américaines au moment de la chute de Saigon, était composé de civils et militaires appartenant pour la plupart aux classes dirigeantes et aux milieux aisés (cadres, hauts fonctionnaires, officiers supérieurs, banquiers, industriels, intellectuels, ingénieurs, médecins, dentistes, pharmaciens, juristes, riches commerçants, etc.). A ces catégories, il faut ajouter des employés de l’ambassade ou d’entreprises américaines ainsi que les membres de leurs familles. Selon des statistiques établies par les Etats-Unis et par les Nations Unies, concordant par ailleurs avec celles de Hanoi (4), le nombre de réfugiés de cette première vague s’est élevé à 143 000 personnes: 130 à 135 000 se sont établies définitivement aux Etats-Unis (5). 8 000 à 8 500 ont choisi de demander l’asile au Canada et en Europe (surtout en France, en Allemagne occidentale, en Suisse, en Belgique). Ces derniers pays les ont accueillis au titre du regroupement familial, grâce à leurs proches qui y étaient déjà installés avant la chute de Saigon, en avril 1975.

Une enquête, publiée en 1990 dans le “Los Angeles Time“, a donné des renseignements intéressants sur ces 135 000 réfugiés de la première vague. 40 % possédaient une voiture dans leur pays. 40 % étaient catholiques (alors que la moyenne nationale dans le Sud-Vietnam avant 1975 était de 10 %). La plupart d’entre eux avaient subi des influences française ou américaine. Un bon nombre avait fait des études à l’étranger ou avait eu des amis américains, qui, par la suite, les ont aidés à normaliser leur vie aux Etats-Unis. Le niveau d’instruction de ces premiers arrivants était généralement assez élevé. 40 % d’entre eux étaient titulaires de diplômes universitaires (ils étaient 1 % au Sud-Vietnam avant 1975). 75 % parlaient (certains sommairement) l’anglais. Ils constituent aujourd’hui l’élite de la minorité vietnamienne aux Etats-Unis.

3 – Les autres vagues de réfugiés après 1978

Le premier exode de 1975 fut suivi, surtout après la réunification du Vietnam en juillet 1976, par plusieurs vagues de départs successives. Bien que la cause principale de ces départs soit toujours resté la même, les circonstances ont été différentes au cours des diverses époques.

Les mesures de socialisation radicale prises dans tous les secteurs économiques du pays ont constitué une incitation puissante à l’exode. Durant les années 1978-1979 et 1983-1985, la collectivisation des terres ainsi que la confiscation des biens des capitalistes “exploiteurs du peuple”, à savoir les capitalistes “compradoresles banquiers, riches commerçants, ont décidé plusieurs catégories de propriétaires a quitter le pays. Il y eut cependant d’autres causes, parmi lesquelles la connivence des autorités. A partir de 1978, elles organisèrent une “émigration” par voie maritime, qualifiée de semi-officielle, destinée à débarrasser le pays, des Sino-vietnamiens; à ces derniers se sont mêlées un certain nombre de personnes considérées comme indésirables dans la société socialiste, voire nuisibles (“traîtres” civils et militaires, “bourgeois” saïgonais, etc.). Cette émigration semi-officielle se prolongea même après 1980. Par ailleurs, en février-mars 1979, la guerre sino-vietnamienne donna à Hanoi un prétexte pour expulser sans ménagement 276 000 Chinois du Nord-Vietnam vers la Chine.

C’est ainsi que de juillet 1978 à la fin du mois de décembre 1980, les bateaux des boat-people n’ont guère cessé de quitter les plages vietnamiennes en direction des côtes des pays de l’ASEAN. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), de 1975 à 1985, 650 000 Vietnamiens sont parvenus dans divers pays de l’Asie du Sud-est. Des dizaines de milliers d’autres, partis à la même époque, ne sont jamais arrivés à destination, victimes de la tempête, du soleil, des pirates thaïlandais ou malaisiens, des garde-côtes vietnamiens ou malaisiens et de l’indifférence des navires marchands naviguant en mer de Chine méridionale. Les experts du Haut-Commissariat aux réfugiés ont estimé que 20 ou 30 % des “boat-people” ont trouvé la mort en mer. Ainsi, en dix ans (1975-1985) environ 1 million de Vietnamiens ont fui leur pays pour chercher refuge à l’étranger.

La tragédie des “boat-people” fut à l’origine d’une vive émotion partout dans le monde. A l’initiative de certains Etats occidentaux, le secrétaire général des Nations Unies organisa une conférence internationale à Genève en juillet 1979. Elle réunit 46 Etats concernés par ce problème. Le gouvernement de Hanoi dut s’engager à mettre un terme aux départs des réfugiés de la mer. En contrepartie, les pays réunis par cette conférence mettaient sur pied un double programme de départs réguliers, à partir du Vietnam: un programme de départs organisés, connu sous les initiales de son appellation anglaise, O.D.P. (Orderly Departure Programme), un programme dit humanitaire appelé H.O. (Humanitarian Organisation). Grâce à ces deux programmes, à la fin de l’année 1992, 380 000 Vietnamiens avaient quitté leur pays par voie aérienne dans le cadre du regroupement familial ou au titre d’anciens collaborateurs (ayant passé un certain temps dans les camps de “rééducation”). 40 % d’entre eux sont venus s’établir dans divers pays occidentaux comme la France, l’Allemagne fédérale, le Canada, l’Australie et quelques autres pays. 60 % ont choisi de résider aux Etats-Unis.

4 – Estimation de la population d’origine vietnamienne aux Etats-Unis

Grâce aux arrivées massives dues à la mise en place de ces deux programmes de départ et à l’exode des boat-people qui continuait, la population vietnamienne aux Etats-Unis allait rapidement augmenter. Le chiffre des réfugiés allait passe de 272 561 en 1980 à 854 725 en 1990 (chiffre contesté du recensement national de 1990). On peut essayer d’analyser ce chiffre:

– 135 000 Vietnamiens arrivés en 1975

– 130 000 boat-people des années 1978-1980

– Un demi million d’arrivées dans les années 1981-1990: les uns étaient des réfugiés de la mer. Les autres sont entrés aux Etats-Unis grâce au programme de départs organisés (7).

Si l’on prend en compte les 128 000 enfants de Vietnamiens nés aux Etats-Unis dans les années 1875-1990 (d’après le calcul de l’université de Harvard), le nombre de Vietnamiens aux Etats-Unis à la fin de cette période atteignait vraisemblablement près d’un million d’individus, chiffre assez proche de l’évaluation du bureau de recensement américain qui fixait à 995 300 (8) le nombre de réfugiés du sud-est asiatique (essentiellement Vietnamiens) fixés aux Etats-Unis en septembre 1991. A ce chiffre, il faut ajouter les 38 885 Amérasiens, rapatriés dans les années 1988-1991 (9). Par conséquent, l’effectif de la population d’origine vietnamienne en 1991 devait se rapprocher de 1 034 159 personnes (sur un total de 1,2 millions de réfugiés de l’Asie du sud-est aux Etats-Unis, chiffre évalué par Ruben G. Rumbau, professeur de sociologie à l’université de San Diego. Les Vietnamiens aux Etats-Unis représentent donc 54 % de la diaspora mondiale, estimée à plus de 2,3 millions de personnes éparpillées dans tous les pays du monde.

Le milieu d’origine des réfugiés arrivés après 1978 n’est pas homogène et, en cela, bien différent de celui d’où provenaient les réfugiés de la première vague. Une enquête menée sous la direction du Haut-Commissariat aux réfugiés en juillet 1979 dans les camps de réfugiés de Poulau Bidong, la trop célèbre île de Malaisie, montrait que parmi les 11 135 pensionnaires interrogés (sur un total de 40 000 réfugiés sino-vietnamiens entassés dans ces camps), on comptait 2 525 militaires, 958 fonctionnaires, 115 médecins, 82 pharmaciens, 68 dentistes, 282 infirmiers, 263 ingénieurs, 565 ouvriers électriciens, 6 277 travailleurs appartenant à diverses catégories, paysans, pêcheurs, petits commerçants, menuisiers, tailleurs, dockers, manoeuvres, etc. Le niveau d’instruction des réfugiés arrivés après 1978 était nettement inférieur à celui des premiers arrivés. Plus de 80 % d’entre eux étaient issus de famille

modeste. Les enquêtes effectuées plus tard aux Etats-Unis corroborent les constatations faites dans les pays de premier asile. D’après Walter Barnes, chargé du programme de réfugiés et d’immigrés de la Californie, les Vietnamiens arrivés aux Etats-Unis après 1978 étaient, en général, jeunes (60 % étant des enfants), pour beaucoup originaires de la campagne et peu instruits. Très peu parlaient une langue étrangère (anglais ou français). Par contre, une étude effectuée parmi les réfugiés du sud-est asiatique installés dans le district de San Diego, région située à 130 km de Los Angeles, relevait que les Vietnamiens arrivés en Amérique en 1975 avaient, en général, le baccalauréat. 3 % seulement des réfugiés arrivés à cette date étaient des cultivateurs. Cinq ans plus tard, ces derniers représentaient 38 % du total des arrivées.

Ce bas niveau d’instruction n’a pas manqué de poser certains problèmes concernant la reconversion professionnelle, l’adaptation et l’intégration de ces réfugiés dans la société américaine, difficultés que n’avaient pas rencontrées la première vague d’immigrants vietnamiens.

II – LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE DE LA POPULATION VIETNAMIENNE

AUX ETATS-UNIS

En règle générale, dans les pays d’Europe à économie libérale, la France par exemple, la communauté vietnamienne vit assez dispersée et s’intègre dans la société du pays d’accueil. La situation est différente aux Etats-Unis où elle a tendance à se regrouper et à constituer de véritables colonies. En se référant aux tableaux de répartition des réfugiés du sud-est asiatique par Etat (10), on peut distinguer trois principales régions à forte concentration vietnamienne.

1 – La côte ouest

A eux seuls, les trois Etats de la côte ouest (Californie, Oregon et Washington) (11) ont accueilli 466 000 réfugiés du sud-est asiatique, soit 46,9 % du total de la population des trois minorités ethniques indochinoises aux Etats-Unis. Dans un article intitulé “Héritage de la guerre : les Vietnamiens en Amériquepublié par le “Los Angeles Time” en mai 1990, Sonni Effron note que “près de 40% des Vietnamiens se sont installés en Californieun pourcentage qui concorde avec le chiffre retenu par le Bureau de recensement américain: 39,8% soit 396 200 individus (11). Ils sont 396 000 “Indochinois” en Californie, soit 39,8% du total aux Etatsunis. 21 600 habitent l’Oregon, soit 2,2 %. L’Etat de Washington en a accueilli 48 600, soit 4,9 %. Le bureau du recensement ne précise pas le nombre exact de chaque groupe ethnique. Cependant, d’après les responsables du programme de réfugiés et d’immigrés de la Californie, sur ces chiffres globaux, les minorités du sud-est asiatiques non vietnamiennes ne représentent qu’un pourcentage faible, environ 2 à 3 %.

La majorité des Vietnamiens de cette région eux vivent concentrés dans deux grandes villes californiennes.

Il faut citer en premier lieu San Jose au nord de la Californie. Située à 90 km au sud de San Francisco, avec ses 800 000 habitants, elle est la troisième ville californienne pour l’importance de sa population. Elle s’est rendue célèbre pour ses industries de pointe. Celles-ci se sont implantées, durant les décennies 1970 et 1980, dans la “Silicon Valley”, appelée pour cela “le cerveau des activités électroniques mondiales”. L’agglomération de San Jose-Santa Clara abrite une importante colonie vietnamienne, estimée à plus de 100 000 personnes en 1995 (Ils étaient moins de 80 000 en 1987), soit 10,5 % de la population totale (12). A la différence de la fameuse “China Town” de San Francisco grouillante de monde et pittoresque, où l’on pénètre par un portail aux allures de pagode qui attire les touristes, la présence des Vietnamiens à San Jose-Santa Clara est plutôt discrète. Leurs activités sont surtout confinées dans le centre commercial de “Lion Plaza”, dans la “Tully road”.

Cependant la plus importante communauté vietnamienne se trouve dans le sud de la Californie, à Los Angeles. C’est la plus grande ville de Californie et la deuxième des Etats-Unis pour l’importance de sa population. Elle compte 3,5 millions d’habitants, 14,5 millions avec ses banlieues. La colonie vietnamienne avec d’autres minorités asiatiques, comme les Chinois (originaires de Hongkong ou de l’Asie du sud-est), les Coréens du Sud, les Japonais, les Philippins, les Thaïlandais, etc. s’est surtout fixée dans les banlieues est et sud de la ville.

Dans cette banlieue sud, plus précisément dans le district appelé “Orange county” se trouve la très célèbre “Bolsa avenue”. Cette large route à plusieurs voies est devenue la rue commerçante et le plus grand centre commercial de la communauté vietnamienne aux Etats-Unis. Tout le long de l’axe de cette avenue rayonnent plusieurs villes moyennes qui attirent de plus en plus de Vietnamiens. Ce sont Garden-Grove, Westminster, Fountain Valley, Huttington-Beach, Santa-Anna, Orange, Anaheim, Fullerton, etc.

Environ 100 000 Vietnamiens se sont installés sur la seule “Bolsa Avenue” qui a été surnommée “Little Saïgon”. Son entrée est marquée par un portique de facture asiatique, tout comme la “Chinatown” de San Francisco. Sur cette belle avenue, longue de plus de cinq kilomètres, les établissements commerciaux se succèdent sans interruption. Toutes sortes de boutiques pratiquant la vente en gros ou au détail s’y sont installées. Toutes les activités économiques de Saïgon d’autrefois y sont représentées. On y trouve des super-marchés, des magasins, des établissements d’import-export, des maisons de haute couture, des restaurants, des boîtes de nuit, des cabinets médicaux et dentaires, des pharmacies, des drogueries, des quincailleries, des boutiques de vente et de réparation d’appareils électroniques, postes de télévision et magnétoscopes, des stations-service, des garages. Toutes les devantures sont ornées d’enseignes bilingues (anglais et vietnamien), quelquefois trilingues (anglais, vietnamien, chinois). Dans ce cas, les caractères chinois sont les plus gros. Les capitaux de certains de ces grands établissement (supermarché, magasins, restaurants, export-import, etc.) seraient d’origine chinoise, de Hongkong ou d’autres pays de l’Asie du sud-est.

La communauté vietnamienne vivant dans l’ensemble formé par Los Angeles et les villes de banlieue est estimée à environ 250 000 ou 280 000 personnes. En dehors de la Bolsa Avenue, les concentrations les plus fortes se trouvent à Westminster et à Santa Anna, villes où les activités commerciales sont aussi très développées.

2 – La côte est

Alors que la concentration en véritables colonies semble être avoir été la règle pour l’immigration vietnamienne de la côte ouest, c’est au contraire la dispersion qui est plus fréquente sur la côte est, à l’exception de certains Etats. 155 000 Vietnamien sont venus s’établir dans les dix Etats de cette côte (13), soit 15 % des Vietnamiens aux Etats-Unis. Leur nombre ne représente que le tiers de ceux qui se sont fixés sur la façade pacifique.

Deux Etats de la côte Est font exception à la règle générale. Ceux de New York et du Massachusset, peuplés respectivement de 34 800 (3,5 %) et de 31 200 Vietnamiens (3,1 %). Dans la capitale fédérale, Washington D.C. et dans ses banlieues (qui empiètent sur les deux Etats environnants), se sont également regroupés un nombre important de Vietnamiens, à savoir 32 800. 1 900 résident dans le district de Columbia, 11 800 dans le Maryland et 20 100 en Virginie.

3 – Le sud du continent américain

Au sud, c’est dans le Texas et dans la Lousiane qui lui est limitrophe que l’on trouve la population vietnamienne la plus nombreuse. Ils y sont plus de 90 000, 75 000 au Texas et 16 400 en Lousiane.

Plus des deux tiers des Vietnamiens du Texas se sont fixés à Houston, la troisième concentration la plus importante, après Los Angeles et San Jose. Ils se sont surtout regroupés en banlieue ouest, autour du quartier commercial sino-vietnamien très animé. Les plus fortunés se trouvent en banlieue est, à Baytown, proche de leur lieu de travail situé à Glaveston. Celle-ci est une ville portuaire du Golfe du Mexique, réputée pour la pêche, la construction, la réparation et la maintenance des bateaux de pêche. D’autres villes du Texas attirent de plus en plus de Vietnamiens comme Dallas (capitale administrative), San Antonio, Austin (centres universitaires), ainsi que certaines villes portuaires de pêche en Louisiane (Bâton-Rouge, Nouvelle-Orléans, etc).

4 – Autres Etats ayant accueilli des Vietnamiens

La région des grands lacs renommée pour les complexes industriels de Detroit, Chicago, Milwaukee, Minneapolis, etc., est devenue la résidence d’environ 130 000 personnes originaires du Vietnam. Ils sont plusieurs dizaines dans chaque Etat: 30 700 dans l’Illinois, 36 000 dans le Minnesota, 30 900 en Pensylvanie. Ils se regroupent souvent en certaines villes. Selon l’Association des Vietnamiens de Chicago, 55 % de leurs compatriotes de l’Etat de l’Illinois sont rassemblés à Argyle, en banlieue nord de cette ville, auprès d’un centre commercial chinois.

Dans les autres Etats américains, les Vietnamiens sont bien souvent dispersés et leur nombre ne dépasse pas les 20 000. Ils sont 13 300 dans l’Ohio, 13 400 dans le Michigan, 17 000 dans le Wisconsin, 16 800 en Floride, 13 000 en Géorgie, 13 400 dans le Colorado, 11 600 dans le Kansas, 11 200 dans le Iowa.

III – LES CAUSES DE L’IMPLANTATION ACTUELLE DES VIETNAMIENS

AUX ETATS-UNIS

L’implantation de colonies vietnamiennes, principalement en Californie et au Texas n’est pas le fruit du hasard. Elle est due à un concours de circonstances et d’événements qui ont fait de ces Etats (les plus vastes du pays après l’Alaska) des endroits particulièrement attirants pour le plus grand nombre d’immigrés du sud-est asiatique aux Etats-Unis, en grande majorité des Vietnamiens (14).

1 – Le rôle du “sponsoring” dans l’implantation des réfugiés en Californie

Lorsque les premières vagues de réfugiés du sud-est asiatique ont afflué sur la côte ouest des Etats-Unis en 1975-1978, les bases et camps militaires de Californie se sont transformés en centres d’accueil. Le plus connu d’entre eux était le camp de Pendleton, situé à mi-chemin entre San Diego et Los Angeles. Face au flux des réfugiés sans cesse en augmentation, des mesures furent prises par le gouvernement américain et une politique dite de “sponsoring” fut lancée. Elle reçut un accueil très favorable des médias qui diffusèrent des reportages concernant à la fois l’évacuation des réfugiés effectuée par les forces armées américaines (à la veille de la chute de Saïgon, en avril 1975) et les drames endurés par les boat-people dans les années 1978-1980. Leur diffusion par la télévision et la presse eurent un impact déterminant sur l’opinion publique. Tous les Etats-Unis d’Amérique se mobilisèrent en cette circonstance exceptionnelle. Aidées par les subventions financières du gouvernement fédéral et des autorités locales, diverses institutions religieuses (protestantes et catholiques), ainsi que des associations privées ont apporté une contribution efficace à l’accueil et à l’aide des réfugiés. Une déduction d’impôts fut accordée à tous ceux qui acceptaient de participer au “sponsoring”. Beaucoup d’Américains, résidant à San Francisco, San Jose et surtout à Los Angeles, proches des camps de réfugiés vinrent choisir “leurs protégés”. Ces derniers choisirent, par suite, de se fixer en Californie. De nombreuses raisons les y poussaient, mais, en premier lieu, le désir de s’installer près de leurs tuteurs “sponsors”, qui ont continué à les aider à régler un grand nombre de problèmes.

Les réfugiés se trouvaient dans l’obligation de recommencer une nouvelle vie. La plupart d’entre eux n’avaient jamais quitté leur pays. Soudainement transplantés en Californie, ils étaient complètement désorientés et leurs tuteurs furent leur seul appui. Pour leurs débuts particulièrement difficile, ils durent recourir à leur soutien, à leur expérience et à leurs conseils. Grâce à eux, ils purent obtenir le droit d’asile aux Etats-Unis, bénéficier d’aides sociales puis trouver un emploi ou un stage de formation professionnelle. Ainsi, le “sponsoring” a été un facteur important dans le choix d’un lieu d’implantation pour beaucoup de Vietnamiens qui ont opté pour la Californie comme nouvelle résidence.

2 – Naissance des deux premières colonies vietnamiennes de Californie

Dès 1975-1976, en Californie, deux importantes colonies dont nous avons décrit plus haut l’implantation actuelle allaient faire leur apparition. L’une se développa à Orange County en banlieue de Los Angeles, à proximité du centre d’accueil de Pendleton; l’autre à San Jose au sud de San Francisco.

Le rapide développement de ces concentrations vietnamiennes fut accompagné de la création de divers services, tels que des commerces, des cabinets médicaux et dentaires, des pharmacies, des restaurants, des agences immobilières. Furent aussi organisées d’autres activités communautaires à caractère culturel (imprimerie, librairies) et religieux (églises et pagodes). Toutes ces nouvelles activités de plus en plus variées et complexes ont créé de nouveaux pôles économiques qui ne manquèrent pas d’attirer une main d’oeuvre spécifiquement vietnamienne. L’effet “boule de neige” allait jouer un rôle important dans le développement de ces agglomérations. De plus, au sein de la communauté, les réfugiés vietnamiens se sentaient plus en sécurité : ils avaient plus de chance de surmonter les obstacles et de trouver un emploi, grâce au soutien, à la solidarité et à l’entraide de leurs compatriotes. C’est ainsi que la Californie qui jouissait, par ailleurs, de conditions climatiques particulièrement proches de celles du Vietnam, devint une terre de prédilection pour les Vietnamiens.

Ils vinrent donc se fixer de plus en plus nombreux dans les deux implantations de Orange County et de San Jose. Certains provenaient directement du Vietnam, dans le cadre des départs organisés, soit des autres Etats de l’Union, en quête de travail. Les personnes âgées étaient particulièrement attirées par les aides sociales plus élevées que dans les autres Etats. Le minimum vieillesse accordé aux retraités (au-dessus de 65 ans) y est de 600 dollars par mois et par personne, 1 100 dollars pour un couple, alors que l’allocation mensuelle allouée à une personne âgée dans les autres Etats est de 5OO dollars seulement (15). Par ailleurs, les loyers des logements destinés aux personnes âgées sont d’un prix relativement peu élevé, ne dépassant pas 300 dollars par mois pour un trois-pièces (charges comprises).

D’autres facteurs poussaient également les réfugiés à se fixer sur la côte ouest américaine. Les bases militaires, les complexes industriels, et plus récemment, les industries de pointe installées dans la “Silicon Valley” , demandant beaucoup de main-d’oeuvre habile de ses mains offraient aux réfugiés des emplois variés et divers. En effet l’assemblage des appareils électroniques se fait à la chaîne. Le travail manuel du monteur est simple, mais le geste doit être précis. Il exige doigté, minutie, patience et discipline, autant de qualités que possèdent les travailleurs vietnamiens. Ils se sont donc rapidement adaptés malgré la brièveté de leur période de formation professionnelle et leur faible connaissance de l’anglais. Ils ont même été recherchés et embauchés en priorité par leurs employeurs américains qui n’ont aucune difficulté à leur imposer des heures supplémentaires, même pendant le week-end.

4 – Les raisons de l’implantation dans l’Etat de Washington

Les industries aéronautiques et autres industries de pointe de l’Etat de Washington ont aussi attiré les réfugiés vietnamiens. Un certain nombre ont été embauchés par les chaînes de montage de la firme Boeing à Seattle, cité qui, avec ses villes satellites et son port ouvrant sur le Pacifique, est devenue le lieu de résidence de nombreux Vietnamiens. Si bien que l’Etat de Washington est devenu, après la Californie et le Texas, le troisième Etat le plus peuplé de Vietnamiens. Ils sont 48 000 environ.

5 – L’implantation dans les Etats du sud et sur la côte est

Pour éviter une excessive concentration en Californie et pour mieux les intégrer à la société américaine, le gouvernement fédéral a encouragé une politique de dissémination des réfugiés sur tout le territoire. Leur implantation a été contrôlée, canalisée et dispersée dans plusieurs Etats de l’Union, y compris l’Alaska, où, malgré la rigueur de son hiver, résident aujourd’hui des centaines de Vietnamiens. Mais c’est surtout vers le sud qu’a été orienté le flux de réfugiés. Avant l’arrivée des réfugiés, des villes comme Houston, Dallas, San Antonio, jadis prospères grâce à leurs ressources en pétrole et gaz naturel, s’étaient progressivement vidées de leurs habitants. Des tours, de hauts immeubles, autrefois le siège de grosses sociétés et de firmes internationales, ainsi que des maisons et des appartements privés, étaient inoccupés et mis en vente à bas prix. Pour insuffler un nouveau dynamisme à l’économie, le gouvernement a facilité l’implantation des industries de pointe et l’immigration massive de réfugiés vietnamiens. Les immeubles et maisons vides ont été progressivement occupées. Un centre commercial asiatique a fait son apparition dans la banlieue ouest de Houston. D’autres activités de service (restaurants, agences immobilières, cabinets médicaux et dentaires, pharmacie) sont venues s’y greffer, tout comme en Californie.

Beaucoup de Vietnamiens étaient d’anciens pêcheurs des plaines côtières du centre et du delta du Mékong. Ils avaient quitté clandestinement leur pays, comme boat-people, par villages entiers quelquefois accompagnés de leurs curés, lorsqu’ils étaient catholiques. Ils se sont facilement intégrés à l’économie des villes portuaires de pêche du Texas (Galveston, Texas-City) et de Louisiane (Bâton-Rouge, Nouvelle-Orléans) et ont même facilité son développement. Souvent à l’initiative des prêtres, des villages vietnamiens de pêcheurs se sont recréés dans le Texas, conservant la structure, les traditions villageoises et le type de commerce d’autrefois. On peut acheter poisson et volaille au marché. Restaurants et café restent ouverts du matin au soir sans interruption. Grâce à la cotisation de tous, des églises ont été bâties où est célébré le culte en langue vietnamienne.

Les bénéfices recueillis grâce à la pêche maritime ont été si importants qu’ils ont permis la création de services commerciaux de gros et de détail, d’ateliers de réparation et de maintenance des bateaux de pêche. Leur rayon d’action dépasse aujourd’hui le strict cadre local et atteint les autres Etats, jusqu’à la côte est (Floride, Washington D.C.) et la côte ouest (Californie) où de gros camions frigorifiques viennent régulièrement livrer leurs cargaisons de poissons et fruits de mer. Grâce à sa relance économique, le Texas attire désormais, en plus des réfugiés venus dans le cadre des départs organisés, des travailleurs vietnamiens en provenance des autres Etats à la recherche d’un emploi, qui viennent grossir la communauté de Houston et des autres villes situées aux alentours (San Antonio, Austin, Dallas, Galveston).

La population vietnamienne des autres Etats de la côte ouest (Floride, Washington D.C.) et de la région des grands lacs (Illinois) est elle aussi en plein développement. Seul un petit noyau d’immigrés vivait dans ces régions avant 1975. Il

était composé de membres de la classe dirigeante de l’ancien régime (diplomates, hauts fonctionnaires) ou d’anciens étudiants restés sur place. La plupart d’entre eux, après le changement de régime au Vietnam, sont allés s’installer à Washington D.C. et ont fait venir leurs proches dans le cadre du regroupement familial. Parlant l’anglais, déjà habitués au mode de vie américains, ils ont facilité l’intégration des membres de leur famille venus les rejoindre. Bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui fonctionnaires ou cadres de haut niveau. Dotés d’un niveau d’instruction plus élevé, mieux intégrés, ils forment aujourd’hui une communauté un peu différente de celle du Texas et des autres Etats de l’Union.