Eglises d'Asie

Rome s’inquiète de l’orthodoxie de l’enseignement théologique en Inde

Publié le 18/03/2010




Prenant une initiative inhabituelle, le Saint-Siège a convoqué vingt évêques indiens à Rome pour une réunion, qui a eu lieu du 21 au 24 octobre 1996, en présence des cardinaux préfets de cinq dicastères romains : la Congrégation pour la doctrine de la foi (cardinal Ratzinger), l’évangélisation des peuples (cardinal Tomko), l’éducation catholique (cardinal Lagi), les Eglises orientales (cardinal Silvestrini) et le dialogue interreligieux (cardinal Arinze).

Un certain nombre de théologiens indiens, parmi les plus connus, ont été mis en cause par les dicastères romains. On leur reproche en particulier certaines de leurs formulations qui mettraient en doute la médiation unique et universelle de Jésus-Christ dans l’économie du salut. Partant d’une conception théocentrique du salut, ils considèrent en effet, comme dit l’un d’eux, que “le Jésus historique n’épuise pas le logos” et que Dieu peut utiliser aussi d’autres grandes figures religieuses telles que Bouddha ou Krishna pour se révéler aux hommes même si le rôle du Christ reste irremplaçable. Un deuxième point qui inquiète Rome découle du premier, à savoir que certains de ces théologiens se demandent, par souci d’authenticité du dialogue interreligieux, si l’Eglise ne devrait pas reconsidérer sa position sur les conversions au christianisme : est-il opportun de proposer le baptême à des personnes qui peuvent être sauvées dans le cadre de la religion dans laquelle ils sont nés ?

De leur côté, les évêques indiens ont déclaré que les écrits des théologiens mentionnés par les autorités romaines ne sont pas destinés à la masse du peuple catholique qui d’ailleurs ne les lit pas, et font partie de la recherche théologique de cercles intellectuels restreints. Ils ont admis cependant qu’il était difficile de conserver un équilibre juste entre la créativité théologique et un enseignement doctrinal orthodoxe.

A la fin de la réunion, l’assemblée a demandé aux évêques juridiquement responsables des théologiens en question de les convoquer pour une mise au point. Il a été aussi décidé de créer une commission d’experts internationaux chargée d’observer l’enseignement dispensé dans les grands séminaires, les centres et les facultés de théologie de l’Inde.

Une autre question, débattue depuis longtemps, a été aussi mentionnée au cours de la réunion des évêques indiens à Rome sans que des conclusions aient vu le jour. Il s’agit de la question des rites et, en particulier, de la possibilité de créer de nouveaux diocèses de rite oriental dans des territoires traditionnellement occupés par les diocèses de rite latin.

Des vingt évêques indiens convoqués à Rome, seul le cardinal Pimenta, archevêque de Bombay, malade, n’a pu faire le déplacement. La liste des évêques invités (1) suggère que Rome a voulu que toutes les régions géographiques du pays soient représentées ainsi que chaque rite. A noter aussi que tous les évêques qui sont juridiquement responsables de centres ou de facultés de théologie étaient présents.

Au-delà du grave problème ainsi posé à l’Eglise catholique de l’Inde, cette affaire devrait avoir dans l’avenir des répercussions sérieuses pour la fédération des conférences épiscopales catholiques d’Asie (FABC). Les théologiens indiens, notamment ceux qui sont mis en cause par Rome, sont en effet très présents dans les diverses commissions de la FABC, la commission théologique en particulier.