Eglises d'Asie

Inquiétude à Hô Chi Minh-Ville au sujet de jeunes Vietnamiennes épousées par des ressortissants de Taïwan

Publié le 18/03/2010




Un religieux franciscain (9) vient de passer quelques jours à Taïwan, où, grâce à l’aide d’un certain nombre de prêtres vietnamiens exerçant leur ministère sur place, il a pu mener une enquête sur le sort de jeunes Vietnamiennes épousées par des Chinois de Taïwan. Les informations qu’il a rapportées ne plaident guère pour ce type d’union qui, semble-t-il, jouit encore de la faveur de certains milieux populaires de Hô Chi Minh-Ville.

A Hô Chi Minh-Ville, la population connaissait depuis longtemps l’existence de mariages de ce genre, constatait leur constante progression et commentait le phénomène de diverses manières. Cependant, c’est assez récemment, au mois de février 1996, qu’un journal féminin de Saïgon (10) a rendu public le phénomène et dénoncé sa très brusque progression. Selon le journal, grâce à des intermédiaires peu scrupuleux, les ressortissants de la Chine nationaliste venaient de plus en plus nombreux dans le pays pour s’y procurer sans peine et à peu de frais des épouses belles et jeunes. Il leur suffisait pour cela d’une somme de 3 000 dollars à partager entre l’intermédiaire et la famille de la jeune fille. L’enquête menée par le journal saïgonais avait fait apparaître que beaucoup de ces demandeurs n’avaient pu trouver l’âme-soeur dans leur pays, certains parce qu’ils n’étaient que des pauvres fermiers, les autres parce qu’il étaient handicapés physiquement, certains enfin à cause de leur grand âge. Le journal mettait en lumière la pression exercée sur les jeunes Vietnamiennes par des familles qui, bien souvent, voyaient dans cette transaction un bon moyen de se débarrasser de leurs dettes. En conclusion, le magazine féminin exprimait ses craintes concernant l’avenir de ces épouses destinées selon lui à devenir des esclaves, le jouet des hommes ou encore des prostituées.

Dans les mois qui ont suivi cette première révélation, les informations se sont faites plus nombreuses et plus complètes. Les statistiques sont aujourd’hui assez bien connues; toutes confirment la progression de ce phénomène qui est loin d’être terminé à l’heure actuelle. Le 22 septembre dernier, une information parue sur un journal de langue anglaise publié à Taipei, “The China Post“, mentionnait que sur les 4 273 jeunes filles étrangères épousées par les Taïwanais en un an, de juillet 1995 à juin 1996 (11), les Vietnamiennes étaient les plus nombreuses devant les Indonésiennes et les Thaïlandaises. De diverses informations dont certaines viennent du Bureau économique et culturel de Taipei au Vietnam, et d’autres, des services de statistiques vietnamiennes (12), il ressort que, pour les neuf premiers mois de l’année 1996, les Taïwanais ont déposé 2 301 dossiers de demandes en mariage. La moyenne des dossiers déposés augmente chaque mois. Elle était de 350 dossiers à la fin de l’année contre 228 pour les premiers mois. Malgré les mises en gardes et les critiques publiques venant de diverses instances contre ce type de mariage, les jeunes Vietnamiennes seraient toujours aussi nombreuses à venir se faire inscrire sur la liste des épouses éventuelles dans des officines spécialisées.

L’enquête du religieux vietnamien l’a conduit chez des couples sino-vietnamiens issus de ce type de mariage, nombreux à Taipei et dans la campagne environnante. Ceux qu’il a rencontrés peuvent être rangés en trois catégories. Seuls, quelques-uns peuvent être appelés des couples normaux, ne rencontrant pas plus de difficultés que les autres couples composés de deux partenaires appartenant à des nationalités différentes. Beaucoup d’entre eux constituent ce que l’on pourrait appeler des couples à problèmes, formés de deux partenaires peu assortis. Ces problèmes tiennent quelquefois à la différence d’âge des époux. Des statistiques de Hô Chi Minh-Ville montrent que lors de leur mariage, la majorité des époux taïwanais avaient plus de trente ans, un grand nombre avait dépassé 40 ans, quelques uns étaient âgés de plus de 60 ans, tandis que la presque totalité des épouses vietnamiennes avaient moins de 3O ans. Il n’est pas rare non plus que l’époux soit affligé d’un handicap physique ou mental (75 sur 1 000 selon certaines statistiques).

La troisième catégorie est composée par des couples dont le partenaire taïwanais n’est en réalité qu’un proxénète ou, plus souvent, un intermédiaire travaillant au service d’organisations criminelles. Il s’agit bien souvent de Taïwanais pauvres ou endettés qui, pour une forte rémunération, font le voyage au Vietnam et ramènent au pays une jeune fille qui est ensuite livrée à des proxénètes qui l’exploitent dans leur réseau de prostitution. Il arrive aussi que ce soit le mari lui-même qui, à son retour au pays, exploite lui-même sa femme en la forçant à se prostituer. Il est difficile d’évaluer le nombre des jeunes Vietnamiennes qui ont été ainsi trompées et obligées de se livrer au racolage ou de travailler dans les cabarets et les night-clubs des grandes villes. La police de Taïwan est discrète sur ce point et les intéressées se gardent généralement de révéler leur situation présente à leurs familles au Vietnam.