Eglises d'Asie

“LE DROIT D’ASILE EST UN DROIT FONDAMENTAL”

Publié le 18/03/2010




Le 30 juin 1996, les Nations Unies ont cessé de financer les programmes en faveur des réfugiés d’Indochine en Asie du sud-est. Que voudriez-vous dire à ce sujet ?

Je veux d’abord dire que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés n’a jamais cessé de financer les réfugiés. Notre mandat est de protéger et d’assister les réfugiés. En fait, nous continuons d’aider beaucoup de réfugiés en provenance d’Indochine. Néammoins, les pays qui participent au plan d’action global ont décidé qu’à partir du 30 juin 1996 le Haut-Commissariat devait commencer à diminuer le financement des camps du sud-est asiatique qui abritent des personnes en provenance du Vietnam qui ne sont pas des réfugiés. Ces personnes ont été “triées”, selon des normes internationales, pour savoir s’il s’agissait vraiment de réfugiés. Elles ont bénéficié d’un droit d’appel et de nombreuses garanties juridiques et nous avons estimé qu’il ne s’agissait pas de réfugiés fuyant une persécution. Elles ont quitté le Vietnam pour des raisons économiques : il s’agit donc essentiellement d’immigrants. Après un certain nombre d’années, nous avons arrêté le financement des camps de non-réfugiés parce qu’il nous a semblé que ces personnes avaient la possibilité de pouvoir retourner en toute sécurité au Vietnam.

Comment les Nations Unies définissent-elles un réfugié ?

La convention des Nations Unies de 1951, concernant le statut de réfugié, couvre fondamentalement tout individu ayant traversé une frontière internationale parce qu’elle a des raisons sérieuses de craindre la persécution. La persécution peut se fonder sur un certain nombre de facteurs comme la race, l’appartenance ethnique, les opinions politiques ou religieuses, des questions relatives au statut d’apatride ou à la discrimination sexuelle. Ces formes de persécution peuvent impliquer la torture, le viol ou d’autres violations des droits de l’homme. Cependant, la convention ne couvre pas les populations qui se déplacent pour toutes ces raisons, si elles demeurent à l’intérieur des frontières de leur pays.

Les Eglises d’Asie ont-elles eu une attitude positive d’aide dans l’assistance aux réfugiés ?

Nous travaillons avec beaucoup de partenaires, et les Eglises d’Asie ont fourni une aide considérable à notre travail. A l’heure actuelle, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés est directement mandaté pour protéger et, si nécessaire, aider vingt-six millions de personnes à travers le monde. Ce chiffre inclut des réfugiés et aussi quelques groupes de populations déplacées à l’intérieur de leur pays après avoir été forcées de quitter leurs lieux de résidence. En beaucoup de lieux, c’est en partenariat avec des Eglises ou des organisations non gouvernementales liées aux Eglises que nous avons pu entreprendre un travail humanitaire, efficace et quotidien, en faveur de cette multitude de personnes.

Pouvez-vous résumer la situation en Asie des réfugiés et des populations déplacées à l’intérieur d’un pays ? Quelles sont les causes principales de ces déplacements ?

A l’heure actuelle, on peut dire qu’en Asie, de manière générale, les déplacements forcés de population sont en régression. Je crois que c’est là un succès remarquable qui mérite qu’on le reconnaisse et qu’on y réfléchisse. Même si l’Asie est aujourd’hui plus connue pour ses succès économiques, elle a une longue histoire de mouvements de population et de manières diverses d’y faire face. Dans la seule Asie du sud, entre trente-cinq et quarante millions de personnes ont franchi des frontières internationales depuis 1947. A l’exception des réfugiés d’Afghanistan, on peut dire que la très grande majorité de ces populations ont été intégrées de manière satisfaisante dans les pays voisins, ou bien sont retournées chez elles. Les Afghans demeurent notre problème majeur. Dans le sud-est asiatique, le Haut-Commissariat aux Réfugiés a protégé et assisté plus de deux millions de Cambodgiens, de Laotiens et de Vietnamiens qui avaient quitté leur pays. Même s’il reste aujourd’hui quelques problèmes sérieux – des Srilankais qui se réfugient en Inde, des Birmans qui fuient vers le Bangladesh – la recherche de solutions a été un grand succès en Asie.

Il reste cependant un domaine dans lequel les choses sont moins encourageantes en Asie. C’est en effet une partie du monde où très peu de gouvernements ont accepté de signer et de ratifier la Convention des Nations Unies de 1951 concernant le statut de réfugié. Il me semble qu’un engagement plus grand des gouvernements d’Asie pour accorder le droit d’asile aux personnes qui demandent protection serait tout à l’honneur de ces gouvernements.

Comment le Haut-Commissariat répond-il aux problèmes des réfugiés et des personnes déplacées en Asie ?

L’Asie du sud-est a été l’un des premiers laboratoires pour mettre en place une stratégie globale en ce qui concerne la question des réfugiés. Les solutions qui ont été trouvées à l’exode des Cambodgiens, des Laotiens et des Vietnamiens manifestent l’approche imaginative et plurielle que le Haut-Commissariat a cherché à déployer pour résoudre les problèmes des réfugiés. Cette approche globale place la question des réfugiés à l’intérieur d’une stratégie plus large pour la paix, le développement et les droits de l’homme. Elle implique le partage du fardeau par plusieurs acteurs, y compris les pays d’origine des réfugiés et les pays d’asile. Cette approche tend aussi à mettre l’accent sur la nécessité de trouver de véritables solutions dans les pays d’origine, que ce soit le Sri Lanka, le Vietnam, le Laos, le Cambodge ou la Birmanie.

En tant que femme catholique d’Asie, et responsable du Haut Commissariat aux Réfugiés, quel message aimeriez-vous passer aux prêtres, religieux et évêques d’Asie au sujet des réfugiés et des personnes déplacées ?

Je voudrais d’abord leur dire que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés existe pour faire comprendre à tout le monde que les réfugiés ne sont pas une menace. Ce sont des gens ordinaires pris dans des circonstances terrifiantes, des familles qui ne peuvent pas dépendre de la protection de leur propre gouvernement et ont besoin d’un asile sûr pour un certain temps. Quelle que soit sa religion ou sa patrie, tout homme devrait comprendre ce message fondamental. Chacun a un droit fondamental à un asile sûr. Le droit d’asile est une pratique essentielle des Etats civilisés. Prêtres, religieux et évêques de la région peuvent relayer ce message d’amour et de compassion pour les réfugiés et les personnes déplacées, victimes des conflits et de la terreur. Avec d’autres faiseurs d’opinion, ils peuvent nous aider à ce que le message soit clairement perçu.