Eglises d'Asie

Essor et difficultés des “classes de l’affection” dans les milieux catholiques

Publié le 18/03/2010




Il se confirme de jour en jour que la participation la plus effective de l’Eglise catholique au développement de la société vietnamienne actuelle est, comme autrefois, liée à l’éducation de l’enfance déshéritée. A la suite de la crise traversée par l’éducation nationale, crise que l’on avait crue en voie de résorption, mais qui est dénoncée à nouveau aujourd’hui un peu partout, la contribution des catholiques tend à se généraliser sous deux formes principales, avec, d’une part, la création et la prise en charge d’écoles maternelles, généralement à l’initiative de congrégations religieuses féminines, et d’autre part, l’ouverture de classes de rattrapage, dite “de l’affection” (lop tinh thuong), destinées à l’enfance marginalisée. L’existence des écoles maternelles reste encore précaire. Leur ouverture et leur fonctionnement sont encore très contrôlés par les autorités. Ces derniers mois, depuis la tenue du huitième congrès du Parti communiste vietnamien, en certaines régions du Vietnam, plus particulièrement au centre, des limitations ont été apportées à leur fonctionnement; certaines de ces institutions ont même dû fermer leurs portes. Il en a été de même pour quelques classes de l’affection, qui ont elles aussi rencontré des difficultés de la part des autorités, surtout dans quelques diocèses du sud où quelques unes ont été obligés de mettre un terme à leur activité.

Cependant, d’une manière générale, la création et l’organisation de classes dites de “l’affection” aujourd’hui, sont plus aisées, du moins en ville. Ce type de classe de rattrapage, qui au départ, semble-t-il, a été une initiative gouvernementale, s’est pourtant largement développée un peu partout dans des milieux catholiques, grâce aux congrégations et à leurs diverses implantations, et surtout aux paroisses directement informées des difficultés financières des familles, et particulièrement sensibles au drame de l’enfance des rues. Au cours d’une réunion organisée à Hô Chi Minh-Ville, en fin novembre 1997, pour faire le point sur ce mouvement (11), certains intervenants ont parlé des classes de l’affection comme “d’une activité sociale surtout développée dans les milieux catholiques de la villeSelon les statistiques loin d’être complètes, recueillies à cette occasion, pour la seule ville de Hô Chi Minh-Ville, depuis 1988, date à laquelle ces classes ont commencé d’être ouvertes, jusqu’à aujourd’hui, plus de 293 institutions, (congrégations, paroisses, groupes d’initiative privés) ont dispensé plus de 6 263 cours annuels de rattrapage scolaire à des dizaines de milliers d’enfants, en marge du cursus scolaire ordinaire.

Les élèves pris en charge par ces classes appartiennent aux familles pauvres. Ils sont souvent issus de familles envoyées dans les zones d’économie nouvelle durant la fin des années 70 et le début des années 1980. Revenues en ville, après l’échec de leur tentatives, ces familles se sont retrouvées dans des conditions de précarité extrême. L’augmentation considérable des frais scolaires au cours de ces dernières années les a empêchées d’envoyer leurs enfants dans les écoles officielles. Une autre catégorie d’élèves est constituée par les “enfants de la rue”, vivant de petits métiers et de délinquance, souvent originaires des campagnes misérables des provinces du centre.

La plupart des classes de l’affection vivent sans aucune subvention gouvernementale, soutenues par des contributions privées, parfois par des financements de groupes d’entraide internationaux. Le bénévolat est de règle aussi bien pour l’enseignement que l’administration. L’objectif des classes de l’affection est de permettre à tous ces enfants de rejoindre la filière normale de l’éducation nationale, une fois “recyclés” par les soins des responsables bénévoles des classes. Mais cette réintégration est particulièrement contrariée par la situation légale de la plupart des élèves de ce type de classe. En effet, la majorité d’entre eux sont dépourvus de carte de résidence, voire d’acte de naissance ou d’un quelconque papier d’identité. La directrice de l’organisme gouvernemental pour la protection et les soins de l’enfance, qui était présente à la réunion citée plus haut, a promis son aide aux responsables des classes de l’affection pour permettre à tous ces élèves d’acquérir les papiers d’identité qui leur sont nécessaires.