Eglises d'Asie

Florès : l’Eglise catholique s’inquiète des sectes d’origines diverses qui apparaissent en son sein

Publié le 18/03/2010




L’émergence récente de sectes chrétiennes fondamentalistes en même temps que la résurgence de sectes religieuses traditionnelles, sur l’île majoritairement catholique de Florès, ont amené les dirigeants catholiques locaux à prendre des mesures pour contrer le phénomène et mettre en garde les catholiques.

Mgr Eduardus Sangsun, évêque de Ruteng à l’ouest de l’île, a ainsi publié une lettre pastorale au début de janvier 1997 pour condamner vigoureusement le “Gereja Dunia Baru” (Eglise du monde nouveau) et d’autres groupes nés dans le district très majoritairement catholique de Manggarai. A une réunion de prêtres et de dirigeants laïcs, les 8 et 9 janvier, Mgr Sangsun leur a demandé d’être vigilants sur ces nouvelles sectes fondamentalistes qui recrutent dans leurs paroisses. Selon un dirigeant catholique, ce phénomène oblige tous les catholiques à la réflexion : “L’Eglise doit étudier ces signes des temps. L’excommunication n’est peut-être pas la meilleure option”. Selon lui, cette émergence de nombreuses sectes est causée par plusieurs facteurs : “Il est possible que quelques fondateurs de sectes soient des excentriques qui recherchent une popularité à peu de frais. Mais il ne faut pas éliminer la possibilité que ce soit l’Eglise locale qui ait échoué à répondre aux besoins spirituels de la population

A la fin de l’année 1996, Yohanes Johan a pris la tête d’un groupe de catholiques de la paroisse du Saint Rosaire, de Reo, au nord de Ruteng, pour former l’Eglise du monde nouveau. Selon des informations d’origine locale, Johan porte des vêtements semblables à ceux d’un évêque quand il préside le culte, et il appelle les fidèles à se joindre à lui “afin que leurs corps et leurs âmes soient enlevés au ciel avant la fin des tempsCitant l’évangile de Marc sur le jugement dernier, il affirme que les guerres, émeutes tremblements de terre, et autres catastrophes naturelles sont des signes que le jugement dernier est proche et qu’il faut se repentir.

Dans le village d’Orong à l’ouest de Ruteng, Regina Damuk a formé, au début de janvier, un groupe de prière avec une cinquantaine de fidèles de la paroisse Notre-Dame. La jeune femme demande à ses disciples de réciter le rosaire tous les jours et d’éviter les jeux d’argent et l’alcool. Elle leur interdit aussi d’utiliser le savon, les médicaments et des produits comme les engrais et les pesticides. “Il suffit de prier pour expulser le mal des personnes et les maladies des plantesaffirme l’un de ses disciples. Selon le P. Franciscus Mezaros, curé de la paroisse, plusieurs malades de la communauté ont déjà été victimes des enseignements de Regina Damuk. Le prêtre a essayé de parler avec elle, mais elle refuse tout dialogue, dit-il.

Un autre groupe, “Kongregasi Bunda Hati Tersuci Maria” (Congrégation du coeur sacré de Marie mère) se montre très actif dans le recrutement chez les jeunes. Leur particularité est de réciter le rosaire devant une statue de la Vierge, étendus la face contre terre.

A l’est de l’île de Florès, le phénomène des sectes prend une coloration différente. Il s’agirait plutôt ici de la résurgence de sectes religieuses traditionnelles d’origine païenne qui inquiète autant les autorités civiles et militaires que les dirigeants catholiques.

En novembre 1996, une enquête de police a été ordonnée sur un groupe de villageois qui se réunissent pour manger un poisson mort qui a été gardé pendant trois jours dans un cercueil. Le groupe est dirigé par une femme, Bota Nama, qui affirme que le poisson lui est donné par les esprits des ancêtres. Ses disciples la suivent parce qu’elle est à leurs yeux la réincarnation de Rugi Ola Ama, un riche et généreux dirigeant local, mort depuis plusieurs années.

Depuis quelques années, plusieurs sectes de ce type, mélangeant les religions tribales traditionnelles ou l’islam et le christianisme, sont apparues dans des villages de l’est de Florès, appartenant au diocèse de Larantuka. Sur l’île d’Adonara, par exemple, une secte du nom de Nuba Nara, regroupe des membres, catholiques et musulmans, qui utilisent en même temps la Bible et le Coran pour leur culte.

Les dirigeants catholiques estiment, pour la plupart, que le dialogue est nécessaire avec ces groupes. Le P. Josef Gowing Bataona, vicaire général de Larantuka, pense que la résurgence de ces sectes traditionnelles doit encourager l’Eglise à promouvoir l’inculturation et l’adaptation à la culture locale : “L’urgence pastorale est de maintenir le dialogue avec les valeurs de la culture locale qui peuvent être utilisées pour l’inculturation

Ce n’est pas tout à fait l’avis des autorités militaires qui estiment que ces sectes sont dangereuses pour l’ordre public. Plusieurs de leurs dirigeants ont été placés sous surveillance policière.