Eglises d'Asie

LA COMMUNAUTE DE TAIZE ETEND PEU A PEU SON RAYONNEMENTA TRAVERS L’ASIE

Publié le 18/03/2010




Depuis la fin des années 50, des générations successives de jeunes en nombre toujours croissant, se sont retrouvés à Taizé, et le petit village est devenu un lieu de pèlerinage. Semaine après semaine, tout au long de l’année, des milliers de jeunes du monde entier viennent à Taizé pour prier et approfondir leur foi et leur engagement ; parmi eux, des jeunes Asiatiques, envoyés par leurs Eglises, pour vivre plusieurs mois sur la colline et partager avec d’autres jeunes leur foi et leur espérance. Lors de sa visite à Taizé, le 5 octobre 1986, le pape Jean-Paul II s’est présenté lui-même comme un pèlerin en disant dans l’église de la réconciliation: “On passe à Taizé comme on passe près d’une sourceLes écrits de frère Roger ont été traduits, entre autres, dans plusieurs langues asiatiques. Trois livres ont été réalisés ensemble avec Mère Teresa. Le fondateur de Taizé a été la seconde personnalité après Mère Teresa à recevoir le prix Templeton. En 1988, l’Unesco décernait à frère Roger le Prix de l’Education pour la paix.

En Asie, une présence diversifiée

Si la première visite d’un Asiatique à Taizé – un Indien du Kerala – remonte à 1947, dès la fin des années 60, de petits groupes de frères ont commencé à vivre parmi les plus pauvres, dans plusieurs pays d’Asie. Frère Roger lui-même a effectué plusieurs séjours à Calcutta, Manille, Hongkong, au Bangladesh et en Thaïlande. Pour Taizé, la recherche de réconciliation signifie aussi être immergé dans différentes réalités humaines, en particulier avec ceux qui souffrent. Pendant presque dix ans, trois frères ont vécu parmi les Burakumin dans la banlieue Saitama-Ken de Tokyo. Aujourd’hui à Mymensingh, Bangladesh, des frères travaillent avec des minorités ethniques, préparent des rencontres régulières pour les jeunes des tribus, accueillent des enfants de la rue, et contribuent au développement d’une éducation élémentaire dans des bidonvilles. En Corée, d’autres sont engagés dans le monde étudiant, à l’université Sogang et à celle de Suwon. Un atelier de vitrail a produit les vitraux de plusieurs églises catholiques et protestantes et voit croître son activité. Un autre frère consacre tout son temps à l’accompagnement des prisonniers, plus spécialement des condamnés à mort.

A la suite des nombreux contacts établis à la fois par la présence des frères en Asie et par les rencontres internationales à Taizé même, des responsables d’Eglises ont invité la communauté de Taizé à travailler avec les jeunes de leurs pays respectifs. Cela a amené Taizé à collaborer avec des commissions nationales pour la pastorale des jeunes ainsi qu’avec des organisations locales de jeunes dans presque tous les pays d’Asie. Taizé a été invité à préparer des rencontres internationales de jeunes en Inde, à Madras en 1985 et en 1988, et aux Philippines, à Manille en 1991, qui ont regroupé jusqu’à 20 000 jeunes. A la suite de la rencontre de Madras, le Révérend Azariah, l’évêque CSI (Eglise protestante du sud de l’Inde) de cette ville, écrivait dans son rapport au Synode de l’Eglise de l’Inde du Sud : “Un nouveau défi à la mission devrait surgir d’un très récent événement organisé par les frères de la communauté de Taizé à Madras du 27 Décembre 1985 au 1er janvier 1986, appelé “Pèlerinage de confiance sur la terre”, auquel ont participé plus de 10 000 jeunes du monde entier. Avant, pendant et après cet événement, les frères de Taizé, y compris leur fondateur, frère Roger, ont vécu dans une simple maison en témoignage du partage chrétien des souffrances et des luttes du plus “petit ou du plus bas” dans l’échelle sociale. Ce seul fait est en lui-même un grand défi pour nos méthodes d’évangélisation facile. Ici, nous avons une expérience unique de la mission incarnée dans le chemin du Christ, qui engage dans un authentique ministère de réconciliation (2 Co, 5, 17

Dix ans exactement après cet événement, en octobre 1995, George Joseph, de Bangalore, chargé d’une vaste enquête parmi la jeunesse indienne, écrivait dans les Findings of the National Catholic Youth Survey (Rapport d’enquête sur la jeunesse catholique) : “Les frères de Taizé, à travers les ‘pèlerinages de confiance et de réconciliation’ n’ont pas cessé d’accompagner la jeunesse indienne et ont grandement contribué au renouveau de l’apostalat des jeunes dans le pays

D’incessantes rencontres : un réseau informel

Tout au long de l’année, des jeunes Asiatiques sont présents à Taizé, envoyés par leurs Eglises. Ils participent activement aux rencontres intercontinentales organisées de semaine en semaine. Une jeune fille du nord des Philippines, engagée dans la pastorale de jeunes de son diocèse, témoigne : “En considérant les trois mois que j’ai pu passer à Taizé, je vois qu’ils ont été parmi les plus marquants, les plus féconds de ma vie… Le premier mot que j’ai retenu et qui m’a le plus frappé dès le départ était “découvrir”. Je vois encore le visage du frère coréen qui m’en parlait et qui m’orientait en vue des trois mois à venir. Je savais avant, bien sûr, ce que signifiait ce mot, mais tout au long de mon séjour, j’ai été conduite à apprendre le sens profond. Je me trouvais du coup devant les questions essentielles de la foi et j’ai compris que mon existence était un pèlerinage. Comment alors mesurer les effets de mon séjour ? Dans la rencontre que l’on fait avec Dieu, il s’agit de ce qui est le plus personnel en soi, et puis une telle recherche ne s’arrête pas sur le coup. Un pèlerinage a commencé pour moi à Taizé, mais le voyage continue maintenant là où je suis engagée, là où je vis. A Taizé, j’étais arrivée avec comme une valise pleine du meilleur de moi-même, et par la suite j’ai compris qu’en fait ce n’était pas ça qui comptait le plus. Ce qui compte est l’humilité, la sincérité, la foi… et un peu de courage, en somme tout ce qui est propre à un enfant. Si j’étais arrivée comme armée de tout, je suis partie dépouillée et ouverte aux possibilités de DieuA travers l’Asie, il y a d’incessantes rencontres, du Pakistan au Japon, à Singapour, en Indonésie, à Sarawak (Malaisie). Ces rencontres prennent la forme de retraites, pèlerinages pour soutenir l’espérance des jeunes engagés dans l’Eglise et dans la famille humaine. Dans une intervention donnée à l’assemblée extraordinaire des évêques de France en préparation aux journées mondiales de la jeunesse à Paris en août 1997, un frère disait : “Les rencontres de Taizé veulent être des paraboles vécues, une occasion pour les jeunes de découvrir de l’Eglise “qu’il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans son coeur” (Gaudium et Spes, 1), qu’il existe un rapport entre son message et les attentes, les joies, les peines, les angoisses, les espérances des humains. C’est alors qu’ils font l’expérience de la catholicité de l’Eglise, qui “est appelée catholique… parce qu’elle soigne et guérit universellement toute espèce de pêché commis par l’âme ou le corps” (Cyrille de Jérusalem, Catéchèse 18). Frère Roger écrivait dans une de ses dernières lettres : “Quand l’Eglise écoute, guérit, réconcilie, elle devient ce qu’elle est au plus lumineux d’elle-même, limpide reflet d’un amour et plus encore… abîme de consolation. Jamais distante, jamais sur la défensive, l’Eglise peut rayonner l’humble confiance de la foi jusque dans nos coeurs humains(Etonnement d’un amour, 1996, p.7). Des visites régulières sont faites par des frères dans des pays où les chrétiens vivent une situation délicate tels que le Vietnam, le Laos, la Birmanie, entre autres. En 1992, l’évêque Belo de Dili (Timor Oriental) invitait les frères à animer la retraite des prêtres du diocèse. Le 6 août 1995, Taizé animait une veillée de prière dans la cathédrale d’Hiroshima au Japon. Taizé est devenu connu pour ses chants, traduits en quinzes langues asiatiques. Ces chants répétitifs qui rejoignent la traditions des badjans ont été utilisés lors des prières animées par des frères aidés de jeunes bénévoles durant plusieurs rencontres de la FABC (Fédération des conférences épiscopales d’Asie) : en 1990, au cours de l’assemblée plénière à Bandung et en 1995 à Manille. En

1992, c’était au Congrès asiatique pour l’évangélisation et lors des rencontres de différentes commissions de la FABC, en particulier un séminaire sur l’inculturation.

Dans le respect de l’identité spirituelle de l’Asie

Un prêtre animateur d’un centre de retraite et de formation pastorale à Taiwan affirme : “Les gens chez nous sont difficilement influencés par des doctrines théoriques. Ils ont besoin d’expérimenter, de ressentir, et si possible avec leurs amis, tous ensemble. La prière communautaire, telle que l’animent les frères de Taizé et les groupes de jeunes qui s’en inspirent, est une introduction à la méditation de la révélation divine. Insensiblement et ensemble on ressent la force de la parole du Seigneur, on découvre le poids du silence lourd d’une présence toujours nouvelle. Et l’on chante, doucement, en communiant dans la même joie. C’est le royaume descendu sur terreDeux hommes d’Eglise, qui sont allés plusieurs fois à Taizé, se sont exprimés sur la présence de Taizé en Asie : l’Archevêque Henry D’Souza, qui fut pendant onze ans secrétaire général de la FABC, écrit: “Peut-être, le don particulier de Taizé pour l’Asie est la réconciliation. L’Asie a besoin de réconciliation. Le continent est déchiré par des dissensions et marqué par une immense diversité de peuples, de langues, de religions, de cultures et de couleurs. Il y a eu une tradition de grande tolérance. Dans le passé les grandes religions sont nées en Asie et ont vécu en harmonie. Ces dernières décennies, la religion elle-même a été utilisée dans des conflits. Réconciliation et acceptation de tous sont des besoins urgents pour la croissance de l’Asie, et Taizé est un exemple de réconciliation et d’acceptation de la commune humanité des peuples d’Asie. L’Asie n’a pas connu les batailles et les destructions majeures de la deuxième guerre mondiale en Europe, mais elle n’est pas pour autant libre d’armes, qui dévorent ses forces vives et érodent profondément ses traditions spirituelles et religieuses. Ceux qui ont fait l’expérience de Taizé ont parlé de ces valeurs comme particulièrement nécessaires dans la diversité de leurs pays. Ils ont parfois été tenté de vivre isolés des croyants d’autres religions. Taizé leur a permis de comprendre que dans le Christ tous deviennent un. Ils apprennent à aimer et à estimer les humains dans toutes leurs diversités, sachant que le Seigneur est la source et le but de tous, comme il est l’Alpha et l’Omega de l’univers. Finalement, l’esprit de Taizé respire joie et espérance. Ce sont des vertus dont l’Asie a besoin. La pauvreté déprimante et la misère largement répandue marquent ses peuples. Ils devraient écouter la prière de St Augustin, répétée à l’infini: “Jésus le Christ, lumière intérieure, ne laisse pas mes ténèbres me parlerL’Archevêque Thomas Menamparampil, longtemps président de la commission d’Evangélisation de la FABC, écrit de son côté : “Taizé réveille l’Asie à sa propre identité spirituelle et bâtit des ponts entre les cultures, réunissant des sensibilités différentes et indiquant les sources intérieures